Parlons un peu du social

Nos sociétés se meurent inexorablement. Des conflits sanglants et meurtriers alimentés par une corruption systémique s'installent en Afrique. Se faisant, certains meurent de faim et d'autres de désespoirs. Au vu de mon expérience, de l'histoire de mon Pays et de l'Afrique, je suis arrivé à penser que la raison primordiale de ce chaos est le villagisme, le tribalisme et l'ethnocentrisme. Ces trois fléaux, restent à mon sens d'une part, une tendance anti-développement économique et sociale et d'autres part une tendances identitaires tournées contre la République, l’Etat, la Nation et la Patrie. Ils freinent l'évolution de nos sociétés dans cette ère de la mondialisation.

Pour étayer cette thèse, prenons le cas des Comores et observons le comportement de ses dirigeants ayant une durée importante au pouvoir. Notre père de l'Indépendance, Ahmed Abdallah, a préféré donner l'essentiel du pouvoir à Domoni, son village natal, ensuite à Anjouan et en fin, à Ngazidja et Moheli. Azali Attoumani, préfère lui aussi le même comportement dans le même ordre. Ahmed A. Sambi réitère le même phénomène dans le même ordre. Et actuellement Ikililou répète ce même phénomène systémique. Ces observations restent vrais en pourcentage et non pas en nombre absolu. Entre temps, il y a eu le mouvement séparatiste d'Anjouan qui s'explique en partie par la centralisation du pouvoir à Ngazidja et quelques mouvements de contestation à Moheli pour les mêmes raisons. Cela a débouché à l’actuelle constitution par les accords célèbre de Fomboni. Dans la suite du raisonnement, village peut signifier région ou village.

Chaque dirigeant au pouvoir choisit inéluctablement, dans un premier temps au moins un membre de son village, puis des membres de son île et ce quelles que soient leurs compétences ou leurs niveaux de crédibilité, d'engagement et de dévouement pour le peuple. Résultat, ces politiciens machiavéliques se donnent pour mission de remplir leurs poches aux maximum, vu que leurs successeurs feront certainement pareille. Ils bénéficient d'une forme d'immunité villageoise. En effet, comment un dirigeant oserait accuser de corruption jusqu'à condamner un membre de son village en vu des représailles politiques et sociales qu'il peut subir au village? Le dirigent au pouvoir préfère se taire malgré les preuves accablantes. C’est pourquoi, dans tous ces gouvernements, les cabinets présidentiels et ministériels sont pleins des originaires des mêmes villages ou de même Île. Ils peuvent se partager le gâteau entre eux sans crainte de punition. Ainsi d'une part, ce phénomène de villagisme, alimente massivement la corruption et l'impunité, et d'autre part, il crée des inégalités sociales très importantes qui créent une sorte de revanche chez le village ou l'Ile de celui qui meurt de faim.

Une fois l'affamé au pouvoir, il réitère ce même mécanisme immuable. Dans ces conditions, la richesse du Pays se trouve entre les mains d'une élite capable d'accéder au pouvoir ou proche de celui capable d'y accéder. Pendant ce temps, le petit peuple vit dans la précarité, l'insécurité sans espoir de pouvoir un jour avoir sa part du gâteau. En effet, dans ce système de villagisme, ce sont toujours les mêmes groupes de personnes dans chaque village, dans chaque Île qui se partagent le pouvoir entre eux. Ainsi, une grande partie de la population exclue de ce cercle elliptique reste affamée.

Quelle que soit la richesse d'un Pays qui fonctionne sous ce modèle villageois, des inégalités sociales extrêmes seront au rendez-vous et la richesse concentrée dans les mains d'une petite fraction de la population.

Ce model de fonctionnement de notre société, le Villagisme, constitue non seulement un frein pour le développement économique et sociale mais aussi un source de conflit inter-villageois et empêche même le bon fonctionnement du model Républicain.
En effet, parce que tel, d'un village donné, est blessé par tel d'un autre village, que le village du blessé va organiser une riposte villageoise qui débouche sur un conflit sanglant. Cela reste méprisable. Pire encore, un petit conflit de terrain entre deux personnes de villages différents peut engager un conflit parfois sanglant et meurtrier entre leurs villages respectifs. Forcément, chacun d'entre nous en connaît des exemples, et il n'est pas utile de nommer des villages. Pour certains villages, ils peuvent même organiser un riposte contre les forces de l'ordre jusqu'à la rébellion contre le pouvoir en place. Ce sont des actes antirépublicains qu'il faut condamner avec fermeté.

Inutile d'essayer de prouver la validité de ce raisonnement en Afrique subsaharien où le fléau du tribalisme, de l'ethnocentrisme et du villagisme peut aller du génocide jusqu'au renversement d'un gouvernement élu démocratiquement.

Tout ceci pour dire que les méfaits de ces trois fléaux sont nombreux. On peut en citer un tas d'exemples encore plus macabres. Le plus désespérant, c'est qu'un seul des trois peut suffire pour paralyser un Pays tout au long d'une génération. Et c'est pour cela, à mon humble avis, qu'il faut combattre avec virulence ce model qui gangrène notre Pays, notre Continent, pour faire évoluer notre société et l'adapter à la mondialisation.

Au vu de cette conclusion, il est fondamental de briser les chaînes, d'arracher notre liberté, de changer notre mode de penser, de se sentir d'abord Comorien avant de se sentir Grand Comorien de Domoni Badjini en parlant de mon cas. Faire passer les intérêts du Pays avant ceux du village. Une fois arrivé à ce stade de liberté, nous choisirions nos collaborateurs par leurs compétences, leur engagement pour le bien être du peuple et leur dévouement pour le peule, ce qui ferait progresser nos entreprises et notre Pays. Dès lors que nous aurions des personnalités compétentes, engagées et dévouées dans nos institutions, nous pourrions les faire confiance et avoir donc confiance en nos institutions. Et dès lors que nous croyons en nos institutions, en particulier, la justice qui reste une institution fondamentale pour la République, nous pourrions traduire en justice les corrompus, limiter la corruption dans nos institutions. Mieux encore, les victimes d'abus ferraient appel à la justice au lieu de se faire justice eux-mêmes. Un conflit entre deux individus de village, d'ethnie ou de tribu différent serait régler par la justice et non pas par les villageois. Ainsi, nous développerions nos affaires en paix dans justice. Et on se sentirait chez soit partout où la vie est belle loin des obligations villageoises.

Brisons les chaînes du Villagisme, du tribalisme, de l'ethnocentrisme dans notre mode de penser pour créer un monde meilleur.

Naoufad Saandi

Paris

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