Préservation du patrimoine fruitier des  bananiers des Comores

Préservation du patrimoine fruitier des bananiers des Comores

Mots clés : bananiers – ressources génétiques – préservation de la biodiversité – agriculture vivrière.  

Agriculture et enjeux de développement aux Comores

Le secteur agricole occupe la première place dans l'économie nationale des Comores. Pays d’environ 800.000 habitants, inégalement repartis sur Mwali (290 Km²), Ndzouani (424 Km²) et Ngazidja (1148 Km²), hormis Maoré, encore sous-administration française. Et d’un taux de natalité (37/1000 habitants/an), un des plus forts au monde (Population & Société, 2007).

La production vivrière est composée en grande partie de produits non échangeables sur le marché international (bananes, tubercules, fruits et légumes). Ceux qui peuvent l’être (maïs, riz, manioc en cossettes séchées et légumes peu périssables) sont d’une production limitée. Une fraction importante des besoins nationaux est satisfaite par les importations qui, année après année, accentuent le déséquilibre des échanges commerciaux comme le montrent les statistiques ci-dessous (tableau 1)

Tableau 1. Importations /exportations des marchandises des Comores en millions  de dollars

Années

2000

2002

2003

2004

2005

2006

Importations

43

53

70

85

89

98

Exportations

14

19

27

19

14

17

  (Source, statistiques CNUCED, 2007)

L’agriculture y est caractérisée par une forte dépendance aux rythmes des saisons, et par une mise en valeur des terres cultivables par une mosaïque de cultures, peu associées à la monoculture. Ce mode de production traditionnel, favorable à la nécessaire préservation de la biodiversité, se heurte à un impératif : l’accroissement de la production ou la poursuite des importations massives, un contre-sens économique.

La banane, produit de l'agriculture locale le plus consommé, représente 65 000t par an (soit 250g consommés/jour/habitant). A la demande des autorités comoriennes, dans le cadre du projet DECVAS, 42 variétés locales ont pu être recensées (E. Fouré, CIRAD, 1997). Ce projet financé par l’Union Européenne visait à promouvoir la production et la consommation des produits vivriers locaux et ainsi contribuer à un rééquilibrage des échanges commerciaux qui, aux vues des statistiques (Tableau 1), sont défavorables à l’économie nationale des Comores. Il a permis en 2002 une dissémination sur l’ensemble du territoire national 29949 rejets de bananiers, 42724 rejets en pépinières et 1600 vitro-plants (INRAPE, 2007). 

Cependant, les productions bananières actuelles dans le monde, et en particulier aux Comores, sont menacées par deux fléaux majeurs :

- la cercosporiose noire (inibap.org/pdf/IN980040), une maladie  foliaire virulente  touchant la majorité des variétés cultivées provoquée par le champignon Mycosphaerella fijiensis ;

- la perte de fertilité et l’érosion des sols.

Or le gain de production nécessaire pour satisfaire des besoins alimentaires croissants ne peut pas se traduire infiniment par l’extension des superficies cultivées. Il est à prévoir que les effets combinés cercosporiose noire, déforestation et nécessaire intensification des cultures bananières, dont de nouvelles variétés hybrides importées, entrainent une réduction de la diversité des bananiers cultivés aux Comores.

Les ressources génétiques bananières des Comores

Le centre  d’origine des  bananiers s’étend  sur  tout  le continent asiatique, de l’Inde, à l’ouest, jusqu’à la Papouasie Nouvelle Guinée, à l’est. La diversité génétique des bananiers y est très forte, et celle-ci se réduit, en dehors de ce centre.

Le bananier (Figure1), un monocotylédone, une grande herbe, de tige souterraine et appartenant au genre Musa, de la famille des Musaceae (APG II, 2003). 

           L’hybridation de ces deux espèces sauvages du genre Musa (M. Acuminata et M.Balbisiana de génome respectif AA et BB) est à l’origine des variétés de bananiers cultivés actuels (Simmonds et al, 1955). La polyploïdisation des génomes y aurait très faiblement contribué (Simmonds et al, 1955 ; Simmonds et Stover, 1987). La diversité phénotypique, par propagation clonale, peut-être forte. Pour exemple, les bananiers plantains avec 150 variétés phénotypiquement différentes sur la base d’une combinaison génétique (AAB). A une autre échelle, 45 % de la production mondiale (soit 46 millions de tonnes/an) ne repose que sur le sous-groupe des Cavendish.

Des pans économiques entiers autour de la banane sont assis sur un système ‘fragile’. En effet, les systèmes de culture basés sur un pool génétique étroit sont en permanence sous la menace d’une destruction. L’éradication des Gros Michel dans les années 50 par la fusariose, remplacés par les Cavendish, en est l’illustration. La diversité génétique, réservoir de gènes, est une nécessité pour la création de nouvelles variétés d’intérêts agronomiques.

Des études récentes sur les ressources génétiques ont montré que toute l’Afrique de l’Est pouvait représenter un centre secondaire de diversification des bananiers. Certaines variétés, dites à bière, ne se trouvent qu’en Ouganda et au Rwanda. D’autres, plus rares, sont recensées au  pied du  Mont Kenya (De Langhe et coll., 2001).

Les Comores représentent aussi l’un des  rares endroits sur la planète où la diversité  génétique des bananiers est forte et unique. Il s’y trouve des variétés qui ne se retrouvent nulle part ailleurs, ni en Asie ni dans îles voisines (Madagascar, Réunion, etc.). Par ailleurs, les variétés diploïdes comoriennes présenteraient un intérêt certain pour l’amélioration  génétique des bananiers. Et ce d’autant plus que des études s’appuyant sur des marqueurs moléculaires tendent à montrer que certains de ces clones diploïdes pourraient être à l’origine des variétés triploïdes de Cavendish actuelles (Raboin et coll., 2005). 

En 2007, d’autres études menées par MZEMOUIGNI Said Mohamed, alors étudiant en Master 2 de Biologie Intégrative et Physiologie à l’Université Pierre et Marie Curie, bien que partielles, ont mis en évidence la présence aux Comores des variétés communes, présentes dans ces îles et ailleurs (annexe 1) et d’autres exclusivement comoriennes (annexe 2). Aujourd’hui, il n’y a rien qui permet d’expliquer cette richesse spécifique ni cette forte diversification des bananiers des Comores. D’où la nécessité d’élaborer un programme de recherches plus long et multidisciplinaire afin de répondre aux nombreuses questions qui s’en dégagent.

Proposition de projet

Dans ce contexte agricole d’une réduction progressive de la biodiversité naturelle des bananiers  des  Comores, des travaux d’inventaire, collecte, caractérisation et conservation des  ressources génétiques des bananiers des Comores sont une nécessité mondiale :

- Un travail de thèse pourra s’inscrire dans ce projet global en prenant en charge la partie « caractérisation et structuration de la diversité des bananiers comoriens». L’étude aura pour objectif de préciser l’importance des ressources génétiques comoriennes et de les positionner dans le contexte mondial de la diversité génétique des bananiers. Enfin, des recherches ethnobotaniques seront engagées pour comprendre l’origine de cette spécificité.

Annexe 1 : Classification des bananiers communs par île.

Sous groupe

Ngazidja

Anjouan

Mohéli

Sucrier (Figue Sucrée)

(AA)

 

 

Jolie Banane

 

Cavendish

(AAA)

 

Mdzodjini :

Petite Naine

 

Kutri :

Petite Naine

 

Mdzodjini : Petite Naine

Kontriké : Poyo ou Robusta

 

Red (=Figue Rose)

(AAA)

 

Djavulw Djikundu :

Figue rose rouge

Djavulwa Djéwu :

Figue rose verte

 

Kissukari Mossi :

Figue rose rouge

 

Kissukari Mossi : Figue rose rouge

Kissukari Djéwu : Figue rose verte

Mysore (AAB)

Gorolo

Zabi

Tsunuha (à vérifier)

Prata/Pome (AAB)

Paka

 

 

Silk Banana

(Figue Pomme, AAB)

Issukari

(à confirmer)

 

Minaluki (≠ du Minaluki d’Anjouan)

Pisang Kelat (AAB)

Irumbé Wuzi

(à confirmer)

 

Dabe (à confirmer)

 

 

Plantains  (AAB)

 

 

 

 

Dzu Moegne :

plantain french

Pimoja (?) :

plantain corne

 

Dzu Moegne : plantain french

Dzu Mossi : plantain french

Bétalundu : plantain french

Vuntri Mapendra : plantain Corne

Popoulou/Maia Maoli (AAB)

Dimba (type Maia Maoli, à confirmer)

 

 

Bluggoe

(ABB)

 

Barabara

 

Barabay

Barabay 1 (vert)

Barabay Djéwu

Nombre de clones

9

6

13

Annexe 2: Classification des bananiers originaux des Comores

Sous groupe

Ngazidja

Anjouan

Mohéli

AA cv

 

Samba Mouigni

Chimwali Nkobwa Ndjéwu

Chimwali Nkobwa Djéwu

Chimwali Kana Nkobwa

Samba 

Chikamé

Samba Kundré

Mjenga Mawuwa

Mumbwa

AAA cv

Ikamé  

Padji

Koja

Nkowé

 

AAB cv

 

Irumbé Chewu

Dumbuni

Minaluki

Wuswakumbu

Nombre de clones

4

5

8

Au delà du travail de compréhension sur l’origine de cette grande diversité sur les bananiers des Comores, il y a beaucoup à faire sur l’aspect biotechnologie notamment la création de nouvelles variétés à partir des nombreux diploïdes identifiés essentiellement à Mwali (annexe 2).

 

MZEMOUIGNI Said Mohamed

 

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