REFLEXION SUR LA REFORME DU MILA NA NTSI AUX COMORES

Par Dr Youssouf Said Soilihi

Le débat sur « l’anda na milanantsi » revient à nouveau. Nous, comoriens, ne pouvons avoir une position convergente à ce sujet. Mais il est temps de trouver les voies et moyens de trancher. Il faut rappeler que les dirigeants du pays qu’ont été Said Mohamed Cheikh et Ali Soilih Mtsashiwa ont tenté des réformes. Pour le premier, ces réformes sont apparues timides.Pour le second, radicales. 

En dépit de ces tentatives, cette institution reste solide. Devons-nous nous contenter du statut quo ? Evidemment, non ! Que faire alors ? Il faut une stratégie et une démarche. Je soumets aux débats la réflexion que j’ai faite en l’an 2000 d’abord ; et lors de la campagne pour les élections présidentielles de 2002, ensuite. J’avais subi plusieurs à l’époque. Je n’ai jamais cherché à les répondre. D’une manière générale, J’accepte les débats. Je vais aux confrontations des uns et des autres, essaie de soumettre mes idées, accepte les critiques et rectifie le tir s’il y a lieu. Tout en restant profondément soilihiste, je n’hésite pas à proposer d’autres démarches, autres que celles entreprises par mon maître idéologique, notamment à propos du ‘’anda’’ ou du ‘’mila-na-ntsi’, de cette institution qu’est le grand mariage.

L’un des sujets préoccupants d’une partie de l’opinion notamment celle de ma région natale vis-à-vis de ma candidature de l’époque, fut le ‘’Anda’’. Certains craignaient qu’une fois au pouvoir, je ferais disparaître cette institution qu’est le mariage coutumier comme l’avait fait le Président Ali Soilih. Qu’avait-il fait, Ali Soilihi ? Ali Soilih voulait plutôt réformer le "mila na ntsi" en mettant en cause l'échelle des valeurs qui régissent la société comorienne. Il a tenté de la renverser, en permettant ainsi aux jeunes et aux femmes de prendre place aux côtés des hommes accomplis que sont les notables, pour la construction de la nation comorienne.

Le résultat est que ce fut un échec. C'est l'un des principaux enseignements que je tire de notre expérience sur le "anda". Ce qui est surprenant dans sa démarche, c’est que lui, Ali Soilih, avait proposé une stratégie pour toute réforme à faire. Et pour le anda na mila, il ne l’a pas respectée pour des raisons qui nous sont dévoilées plus tard et qui concernent le rythme et la vitesse des réformes et de la révolution en général.

Atteint d’un cancer, il se savait mourant et il fallait faire vite. Faire connaitre son projet de société, ses idéaux, sa révolution avant qu’il ne disparaisse. Un projet de réforme, selon lui, nécessite une approbation par la population. C’est un principe incontournable. Ensuite, pour lui assurer un minimum d'exécution et de réussite, il faut passer par des quatre étapes : la conception du projet, son adaptabilité, sa mise en œuvre et son évaluation.

La démarche que je défends sur la réforme de l’anda comme sur toute autre réforme est une démarche démocratique qui cadre avec celle que soutenait Ali Soilih. En effet, disait-il, pour toute démarche de réforme dont celle du anda na mila, il faut réunir les conditions de son approbation par les Comoriens, s’interroger sur le principe de son adéquation : cette adaptation recommande une prise en compte absolue, à tous les niveaux, de la spécificité de la société comorienne pour éviter le phénomène de rejet. Et pour rendre applicable le principe de l'adaptation, deux conditions sont à remplir : consulter les populations d’une manière ou d’une autre et les faire participer à l'élaboration et à la mise en place du projet pour garantir un minimum d'authenticité et de réussite.

Or, selon Ali Soilih toujours, le principe du rejet est la conséquence directe d'une mauvaise réception qui s'explique par le manque de précautions dans la réalisation du projet. Et poursuit-il, dans le cas du rejet, l'expérience apparaît comme traumatisante et donc constitue un frein au développement. Ce qui s’est passé avec la réforme de l’anda par Ali Soilih.

Ainsi, à propos de la réforme de l’anda ou du « mila-na-ntsi » ‘’il va falloir tout reprendre, expliquer, faire participer nos compatriotes à l'élaboration des orientations qui s’imposent et s'assurer qu'elles répondent bien aux attentes. Ce ne sera pas un individu qui réformera ce système mais un pouvoir ’’ politique qui doit avoir une volonté politique et qui s’appuiera sur les institutions existantes.

Dr YOUSSOUF Said Soilihi

 

 

 

 

Retour à l'accueil