Abdourahamane Cheikh Ali

Il y a deux mois, je voyais un cortège de voitures, se diriger vers le Foyer des festivités à Mkazi. Mon cousin, homme respectable qui a fait son Anda mais qui fait partie de cette majorité silencieuse que la minorité dirigeante ne consulte jamais, me fit ces prédictions :

1 - Iconi se réconciliera par la SEULE volonté de ses habitants

2- Mkazi, qui abrite les réunions des notables du Bambao qui œuvrent à la réconciliation inter-iconienne, sera accusée, lorsque celle-ci sera réalisée, d’avoir voulu marginaliser la ville sœur d’Iconi.

La première prédiction s’est réalisée. N’étant pas arrachée au forceps et sans pression aucune, une réconciliation réalisée en dehors de l’intervention d’une partie tierce est plus sincère et donc plus solide. Je m’en réjouis donc. Cette réconciliation fut célébrée en grandes pompes à Iconi en présence de la fine fleur de la notabilité de Ngazidja et en l’absence remarquée des notables du Bambao. Pourquoi cette absence ? Ces derniers ont-ils boudé cette cérémonie ? Ont-ils été tenus délibérément à l’écart des heureuses retrouvailles entre les fils de la capitale historique du Bambao ? Je n’ai aucune réponse à ces questions.

« Vérité de l’Histoire »

Les notables de Ngazidja ont au cours de cette cérémonie confirmé la ville d’Iconi comme capitale du Bambao, un statut qui n’a JAMAIS été contesté par aucune localité du Bambao. Ils ont par ailleurs déclaré Iconi, capitale du Ngazidja, ce qui devrait être un motif de fierté pour la région de Bambao. Quelques jours plus tard, les notables du Bambao invitent leurs homologues de Moroni dans une réunion à l’issue de laquelle ils proclament Moroni, capitale du Bambao et du Ngazidja.

Le Anda na Mila est un sujet qui exige beaucoup de doigté pour prévenir les susceptibilités des uns et des autres et pour préserver les règles de préséance. Je ne me prononcerai pas sur ce sujet car je n’ai ni la légitimité ni les compétences pour m’aventurer sur ce terrain mouvant. Mon intervention portera plutôt sur l’aspect politique de cette crise qui affecte le BAMBAO.

« Et si l’on parle ? »

Deux des clans les plus influents de Mkazi, Igna Roumé et Igna Moilimou de Kandzilé revendiquent avec fierté leurs origines iconiennes. On ne peut donc raisonnablement imaginer une volonté de marginalisation d’Iconi par Mkazi. Par ailleurs, seuls des esprits sataniques pourraient être tentés de monter Moroni contre Iconi. Pour ceux qui ne le savent pas, les liens familiaux entre Moroniens et Iconiens sont tellement forts que les deux villes valident de toute éternité les grands-mariages accomplis entre Iconiens et Moroniennes et entre Moroniens et Iconiennes. Que l’on me cite d’autres localités du BAMBAO où pareils échanges sont admis !

« Iconi est la capitale historique du Bambao.»

Y ont régné des souverains originaires soit d’Iconi soit de Moroni. Iconi affrontait courageusement les envahisseurs malgaches et avait payé le prix fort. Sa population avait été décimée. Elle n’avait comme rempart que ses Hamadi. Le Sultan Saïd Ali transféra le centre du pouvoir politique à Moroni, parait-il, pour des raisons stratégiques. Moroni était, par ses murailles, plus facile à défendre contre les incursions malgaches qu’Iconi. Après avoir unifié l’île sous son autorité, le Sultan Saïd Ali fit de Moroni la capitale de Ngazidja. Cette dernière deviendra chef lieu des 4 îles de l’archipel des Comores en 1958 suite à un vote de l’assemblée territoriale. Notre constitution, en son article 2, confirme Moroni comme capitale des Comores indépendantes. Les changements successifs du statut politique de Moroni n’ont jamais conduit à une remise en cause du statut d’Iconi en tant que capitale coutumière du Bambao.

Une décision des notables qui élèverait Iconi au rang de capitale coutumière de Ngazidja devrait ravir toute la région de Bambao au lieu de cela, certains n’ont trouvé mieux que de proclamer Moroni capitale du Bambao ! Une telle prise de position abracadabrantesque (le mot est de Jacques CHIRAC) aurait des conséquences politiques néfastes pour toute la région y compris pour Moroni. Cette dernière est confirmée par l’article 2 de notre constitution comme capitale des Comores. Rien n’est pourtant gagné en cette période de fièvre séparatiste.

« Une impéritie qui pourrait coûter cher »

En effet, le même article 2 indique qu’une loi organique doit déterminer les îles où siègent les institutions de l’Union. Proclamer Moroni capitale de Ngazidja et chef- lieu du canton de Bambao, c’est faire descendre Moroni de son piédestal de Ville de TOUS les Comoriens. C’est enfermer Moroni dans un carcan régional et égratigner son statut national. Certains Anjouanais et Mohéliens pourraient exploiter cette brèche et dire ceci « Moroni est la capitale de Ngazidja. Elle a le même statut que Mutsamudu et Fomboni par rapport respectivement à Ndzouani et à Mohéli. Nous réclamons donc un partage égalitaire des sièges des institutions de l’Union ».

A la lecture des blogs d’information, on voit que certains vont jusqu’à réclamer le partage des sièges des ministères. Alors, que nos wazeye se réconcilient autour d’un bon festin et rétablissent les statuts respectifs d’Iconi et de Moroni ! Autrement, si jamais Moroni était contestée dans la plénitude de ses attributs comme capitale des Comores en conséquence de la décision malencontreuse des notables du Bambao, nous dirions « wa Bambao wari bwe wadjireme ! »

COMORESplus

Retour à l'accueil