DANS LE SILENCE DES HORREURS, DES FEMMES SOUFFRENT
25 nov. 2024DANS LE SILENCE DES HORREURS, DES FEMMES SOUFFRENT
Parmi tous les actes immoraux et cruels que l’être humain peut commettre, les violences faites aux femmes demeurent particulièrement choquantes. Il est difficile de concevoir qu’un homme, doté de raison, d’intelligence et d’un cœur capable d’aimer, puisse infliger de telles atrocités à une femme. Ce constat, malheureusement universel, n’épargne pas les Comores, où de tels comportements se manifestent régulièrement, témoignant d’un besoin urgent de repenser la structure et les valeurs de la société comorienne pour la rendre plus équitable et inclusive.
En abordant la question des violences à l’égard des femmes, il convient de rappeler qu’elles s’inscrivent dans un contexte global où, dans de nombreux pays, la femme reste marginalisée. Si l’Europe a amorcé des politiques de promotion de l’égalité des genres, la plupart des sociétés, dont celle des Comores, continuent de privilégier les hommes dans leur organisation sociale. Analyser ce phénomène aux Comores nécessite d’en exposer les manifestations et d’en démontrer les dangers ainsi que les répercussions sociales et psychologiques.
Avant toute chose, il est essentiel de définir ce que recouvrent les violences faites aux femmes. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la violence se caractérise par l’usage intentionnel de la force physique ou de menaces à l’encontre d’autrui, entraînant ou risquant fortement d’entraîner des blessures, des traumatismes ou des dommages psychologiques. De son côté, l’Assemblée générale des Nations unies, dans sa déclaration de 1993 sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes, élargit cette définition à tout acte de violence dirigé contre le sexe féminin, causant ou pouvant causer des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris les menaces, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, dans les sphères publique et privée.
Aux Comores, la situation des femmes illustre bien cette problématique. Bien que le pays ait ratifié de nombreuses chartes internationales promouvant l’égalité des genres et les droits des femmes, la réalité sur le terrain en demeure bien éloignée. Les femmes y sont trop souvent réduites au rôle de mères ou de femmes au foyer, sans véritable reconnaissance ni participation significative à la vie publique. Cette marginalisation, reflet d’une société figée dans ses traditions, met en lumière une profonde incohérence entre les engagements internationaux pris par l’État et les pratiques locales. Les violences faites aux femmes aux Comores ne se limitent pas à des actes isolés, mais traduisent un système social qui doit impérativement évoluer. Une prise de conscience collective et des actions concrètes sont nécessaires pour offrir aux femmes la place qu’elles méritent et construire une société véritablement juste et équitable.
Les violences morales subies quotidiennement par les femmes aux Comores constituent une réalité alarmante et profondément ancrée dans les dynamiques familiales et sociales. Tandis que les hommes jouissent d’une plus grande liberté et autonomie, les femmes, en revanche, se trouvent souvent prisonnières des décisions et attentes familiales. Par exemple, deux jeunes individus de sexe opposé, ayant suivi une formation équivalente, verront leurs destins s’éloigner : l’homme disposera de plus de marge de manœuvre pour tracer sa voie, tandis que la femme restera généralement soumise à la volonté de sa famille, et plus particulièrement de ses parents.
L’un des phénomènes les plus préoccupants reste la persistance des mariages arrangés, où le consentement de la femme est souvent inexistant ou obtenu sous contrainte. Bien que certaines jeunes femmes finissent par accepter ces unions, les raisons sont rarement liées à une véritable adhésion. L’ignorance, la peur, ou parfois le simple désir d’échapper à un environnement familial oppressant, expliquent ces choix. Dans certains cas, ces mariages forcés deviennent le théâtre de pressions supplémentaires, qu’elles soient exercées par les parents ou la belle-famille, à travers des menaces verbales ou des chantages émotionnels.
Ces jeunes femmes, sans ressources propres ni indépendance financière, sont souvent logées et nourries par leurs parents, sans aucune aide des autorités. Par conséquent, elles se trouvent dans l’impossibilité de refuser. Aux Comores, il est rare qu’une femme puisse financer son propre mariage, ce qui renforce son invisibilisation et sa marginalisation dans les décisions qui la concernent directement. Si elle refuse, elle s’expose à des violences psychologiques, voire physiques, au sein même de son foyer parental. Malheureusement, beaucoup de parents comoriens ne prennent pas en compte les sentiments de leurs enfants, privilégiant plutôt des considérations matérielles ou l’image que renvoie le prétendant. Cette réalité, doublée d’une indifférence envers le bonheur de leurs filles, fait des parents eux-mêmes des acteurs majeurs des souffrances endurées par les jeunes femmes.
Ce qui est d’autant plus troublant, c’est que certaines mères, censées comprendre la douleur d’une vie partagée avec une personne non choisie, participent à ces pratiques, souvent au nom de traditions ou de justifications religieuses mal interprétées. Le prétexte que “l’amour viendra après” illustre une méconnaissance fondamentale des réalités humaines et des enjeux émotionnels. Or, le mariage, loin d’être une simple formalité ou une obligation sociale, est une institution qui ne peut être abordée avec autant de légèreté.
Par ailleurs, la structure familiale comorienne, souvent élargie, aggrave la situation. Sous un même toit, des générations cohabitent dans des espaces restreints où l’intimité de la jeune femme est quasi inexistante. En vivant à proximité de leurs frères, oncles ou autres membres de la famille, ces femmes sont vulnérables à des comportements inappropriés, voire à des agressions sexuelles. Ce contexte est d’autant plus dramatique que, dans la culture comorienne, le sexe demeure un sujet tabou. Ni à l’école ni au sein du foyer, il n’est abordé de manière éducative ou protectrice, laissant les jeunes femmes sans outils pour se défendre ou comprendre leurs droits.
En outre, la communication entre parents et enfants est souvent inexistante. Aux Comores, les parents, perçus comme infaillibles, n’acceptent que rarement d’écouter ou de comprendre les préoccupations de leurs enfants. Ce déséquilibre de pouvoir engendre une culture du silence, où les jeunes femmes, victimes de harcèlement, de viols ou de chantages au sein même de leur foyer, se retrouvent sans recours ni soutien.
Il est impératif de dénoncer et de déconstruire ces dynamiques oppressives. Les violences faites aux femmes, qu’elles soient morales, physiques ou sexuelles, ne sont pas des fatalités. Elles sont le reflet d’une société figée dans des traditions dépassées, qui doit impérativement évoluer pour offrir aux femmes la dignité, la protection et les droits qui leur sont dûs.
Le plus consternant dans certains comportements observés aux Comores est l'exploitation et la manipulation de jeunes filles mineures, âgées de 11 à 18 ans, encore trop jeunes pour posséder la maturité nécessaire à des choix éclairés. Ces actes, relevant de la corruption de mineures et du viol, ne sauraient être justifiés par aucun prétexte. Il est profondément regrettable de constater que certains hommes, qu'ils soient pères ou oncles, préfèrent s'attaquer à des enfants vulnérables plutôt que de se tourner vers des femmes adultes, capables de consentir librement et pleinement.
Ces abus mènent souvent à des viols, suivis d'un silence complice destiné à préserver l'image de la famille. L'idée que l'oncle ait violé sa nièce, par exemple, est jugée insupportable non pas pour l'acte en lui-même, mais parce que sa révélation ternirait l'honneur familial. Cette omerta, ancrée dans la culture, contribue à perpétuer une véritable culture du viol, nourrie par des comportements et des discours visant à minimiser ou dissimuler ces crimes.
Ainsi, la jeune victime se retrouve non seulement brisée par l'acte, mais également abandonnée dans ses traumatismes. Que devient-elle ?
Quelles séquelles porte-t-elle ? Ces questions, pourtant essentielles, restent étouffées par un système social où l'indifférence et la peur du scandale l'emportent sur la justice et la compassion.
Cette même dynamique de silence et de domination s'étend à d'autres sphères, notamment dans le domaine de l'éducation. Les jeunes femmes comoriennes, souvent dépourvues d'indépendance et de ressources, subissent des formes variées de harcèlement et de chantage, notamment dans les écoles et les universités. Il n'est pas rare que des professeurs abusent de leur position pour exiger des faveurs sexuelles en échange de notes ou de traitements de faveur. L'Université des Comores, tristement célèbre pour ces pratiques, est régulièrement pointée du doigt par ses étudiants. Les victimes qui refusent de céder à ces pressions se voient fréquemment marginalisées ou soumises à des représailles, illustrant un cercle vicieux d'abus de pouvoir et d'injustice.
Dans le milieu professionnel, les femmes ne sont pas épargnées. Il est courant d'observer qu'une femme occupant un poste élevé ait dû faire face à des propositions indécentes ou à des formes de chantage similaires. Si certaines réussissent par leur talent, elles sont rares, car les responsables continuent d'exiger des compromis immoraux pour accéder à des fonctions importantes. Cette pratique, tout comme le harcèlement dans le milieu scolaire, reflète une société profondément misogyne, marquée par une forte imprégnation de stéréotypes patriarcaux et une normalisation des violences sexistes.
Les inégalités persistent également dans la représentation des femmes au sein des institutions sociales et politiques. Les mentalités conservatrices, parfois justifiées par des interprétations biaisées de la religion ou des traditions patriarcales, enferment les femmes dans des rôles subalternes et alimentent leur marginalisation. Cette situation est aggravée par la montée en puissance des réseaux sociaux, où des comportements immoraux et irresponsables prennent une nouvelle dimension.
Il n'est pas rare, par exemple, que des jeunes femmes, poussées par l'amour ou la confiance, partagent des photos intimes avec leurs partenaires. Lorsque ces relations se terminent, ces images se retrouvent souvent diffusées publiquement, causant un immense préjudice à leur dignité. Ces actes, motivés par la vengeance ou le mépris, témoignent d'un manque cruel de responsabilité et d'humanité. Il est essentiel de rappeler que rien ne justifie une telle atteinte à l'intégrité d'autrui.
Aux jeunes femmes, il convient de recommander la prudence et de leur rappeler l'importance de protéger leur intimité. Aux hommes, il est impératif d'adopter une conduite fondée sur le respect, la dignité et la confiance.
L'amour, loin d'être un prétexte à la violence ou au chantage, doit être un espace de bienveillance, où règnent la compréhension et l'égalité. Une société ne peut évoluer que si elle place ces valeurs au cœur de ses interactions humaines.
Du pardon à l’action : un engagement pour mettre fin aux violences envers les femmes
Il est impératif de considérer le pardon comme une démarche essentielle, car la femme, dotée d’une grande pureté de cœur, possède en elle la capacité de dépasser sa rancune. Nombreuses sont celles qui ont subi des blessures profondes : violences psychologiques, morales, physiques, et bien d’autres formes de souffrance. Une reconnaissance sincère de la faute commise constitue alors la première étape vers la réconciliation. Trop souvent, certains ignorent totalement l’ampleur et la gravité de leurs actes. Cependant, le pardon ne saurait se limiter à une simple demande formelle, dénuée de sens et de transformation. Il ne s’agit pas de demander pardon pour ensuite réitérer les mêmes erreurs.
Le véritable pardon repose sur deux piliers : l’aveu sincère de la faute et l’engagement ferme de ne jamais reproduire le même comportement, ni envers la personne blessée, ni envers quiconque. Ce n’est qu’à cette condition que le pardon prend une véritable signification. Toutefois, il appartient à la personne lésée de décider si elle souhaite ou non offrir ce pardon, car nul ne peut l’y contraindre. L’orgueil n’a pas sa place dans ce processus : il est crucial de reconnaître ses torts et de demander pardon aux personnes que l’on a blessées. En ce sens, la date du 25 novembre, Journée internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes, ne devrait pas se résumer à un simple rappel symbolique, mais constituer un engagement collectif pour mettre un terme définitif à ces violences.
Par ailleurs, il est fondamental de souligner que l’autonomie constitue une voie essentielle pour garantir la dignité et la liberté des femmes. Lorsqu’une femme possède son indépendance financière et matérielle, elle n’est plus contrainte de subir des agressions morales ou physiques dans le cadre familial. Si elle dispose de son propre foyer, elle n’aura plus à craindre de quitter un conjoint maltraitant. Si elle gère ses propres finances, elle ne sera plus dépendante de quelqu’un qui ne la respecte pas. La dignité, loin de se limiter à la sphère privée ou émotionnelle, trouve également sa pleine expression dans l’autonomie économique.
Ainsi, il est crucial d’encourager les femmes à s’investir dans leur épanouissement personnel, à développer leurs propres projets professionnels et à bâtir leur indépendance. L’exemple de personnalités comme Rihanna, qui a su surmonter des épreuves personnelles pour bâtir un empire financier, est particulièrement inspirant. L’autonomie n’est pas simplement une aspiration, mais un chemin vers une véritable dignité et une liberté totale, permettant à chaque femme de vivre pleinement selon ses choix et ses aspirations.
En ce qui concerne la publication de photos dénudées par méchanceté ou dans un élan de haine gratuite, un tel comportement est inadmissible et doit être sanctionné par la justice. Cependant, lorsqu’il s’agit de conflits liés à des relations amoureuses, la meilleure solution réside dans la communication. Il est crucial de distinguer entre parler et comprendre, car ce sont deux démarches distinctes. Dans ce genre de situations, tirer des conclusions hâtives ou réagir impulsivement peut s’avérer extrêmement dangereux.
Les relations exposées sur les réseaux sociaux s’apparentent à un baril de poudre : elles alimentent les tensions au lieu de les apaiser. Ce qui relève de la sphère privée doit rester entre les deux personnes concernées. Ces dernières, si elles se font mutuellement confiance, peuvent résoudre leurs différends avec dignité et respect. La dignité, en effet, est une vertu essentielle. Il est donc pertinent de se poser des questions fondamentales : quelle est la plus grande dignité pour une femme ? Quelle est celle d’un homme ? Parallèlement, quelles sont leurs plus grandes peurs respectives ? Ces interrogations, si elles trouvent des réponses sincères, peuvent éclairer les problèmes que rencontrent de nombreux couples, en favorisant une compréhension mutuelle et en réduisant les tensions.
Il est important de rappeler que publier les erreurs ou les fautes des autres ne résout rien. Cela relève d’une immaturité qui ne peut qu’exacerber les conflits. La confiance est le pilier central d’une relation : elle prévient les crises de jalousie, apaise les peurs et protège de comportements nuisibles. Cultiver l’optimisme, la foi et la confiance mutuelle est indispensable pour construire des relations solides et épanouissantes.
En espérant que, dans notre société comorienne, un jour, un degré de maturité suffisant permettra de rectifier de nombreux dysfonctionnements. Que les parents comprennent enfin que le mariage doit reposer sur le consentement des conjoints et non sur leur propre volonté ou leurs pressions. Il est également souhaitable que les enseignants cessent toute forme de pratiques indignes, et que les écoles et universités redeviennent des lieux dédiés exclusivement à l’étude et à l’apprentissage, sans crainte ni danger.
J’ose espérer qu’un jour, les femmes comoriennes seront reconnues à leur juste valeur, qu’elles pourront occuper pleinement leur place dans l’administration et être respectées comme il se doit. Que l’égalité salariale devienne une norme et que les femmes accèdent à des postes stratégiques dans les sphères politiques et administratives. Que la mentalité patriarcale s’efface pour laisser place à une société plus juste et équitable.
Enfin, il est temps que la justice comorienne assume pleinement ses responsabilités, en instaurant un système réellement impartial qui prend en compte l’intérêt collectif. Que chaque femme puisse marcher librement, sans peur ni contrainte, et réaliser ses rêves. J’espère qu’un jour, la femme comorienne sera reconnue comme l’égale de l’homme, non par obligation, mais par une prise de conscience collective de sa valeur inestimable.
HOUDAIDJY SAID ALI
Juriste Publiciste et Internationaliste
Paris – France