LA FERMETURE D’UNE EGLISE A IKONI, UNE VIOLATION GRAVE DU DROIT DE CULTE
05 nov. 2024LA FERMETURE D’UNE EGLISE A IKONI, UNE VIOLATION GRAVE DU DROIT DE CULTE
Ce matin, j’ai pris connaissance de faits qui m’ont particulièrement touché. En effet, des vidéos m’ont été présentées, révélant l’existence d’une église dans le quartier de Malouzini, à Ikoni. Ce sujet m’interpelle profondément, et j’ai donc jugé nécessaire de l’aborder. Lors de mon passage au ministère des Affaires étrangères, un haut responsable m’avait déjà informé de cette réalité et m’avait demandé mon avis à ce sujet. Je lui avais alors répondu avec clarté et discernement, en m’appuyant sur mes connaissances en droit et en relations internationales.
Il convient de souligner que l’existence d’une église sur notre territoire ne constitue en rien une atteinte aux valeurs de notre nation. Elle repose sur des bases juridiques solides, inscrites dans la constitution comorienne, qui garantit la liberté de culte. À cet égard, l’article 8 du Titre I, qui traite des principes fondamentaux, stipule expressément : « L’État a pour mission fondamentale de garantir aux étrangers résidant de manière permanente, temporaire ou en transit sur le territoire national un traitement conforme aux règles internationales, dans le respect des droits humains, et de leur permettre l’exercice des droits qui ne sont pas exclusivement réservés aux citoyens comoriens en vertu de la constitution ou de la loi ». Cette disposition consacre ainsi le droit de ces étrangers à pratiquer leur religion.
Il ne s’agit aucunement de promouvoir le christianisme, mais simplement de permettre à des résidents étrangers de pratiquer leur foi en toute discrétion. La situation ne poserait problème que si ces étrangers menaient des actions de prosélytisme, ce qui n’est absolument pas le cas. L’exemple de l’église de la mission catholique à Caritas Comores, présente depuis de nombreuses années, témoigne de cette pratique respectueuse, sans jamais recourir à des activités de promotion religieuse.
Nous exhortons chacun à faire preuve de discernement et, si cette qualité fait défaut, à éviter de s’immiscer dans des sujets qu’il ne maîtrise pas. Les Comores demeurent une nation démocratique, dont l’article 97 du chapitre V de la Constitution stipule que « l’islam est la religion de l’État ». Cependant, il est notable que cette même Constitution ne prohibe en aucune manière la pratique d’autres cultes, ce qui s’avère en parfaite adéquation avec les traités et accords internationaux auxquels notre pays a souscrit.
Existe-t-il un texte juridique interdisant la liberté de culte ? Un texte prohibant à chacun de pratiquer sa foi ou de vénérer son Dieu ? Soyons ouverts d’esprit : Madagascar, où la majorité de la population est chrétienne, permet aux Comoriens de disposer de mosquées sur son sol. De même, en France, les Comoriens possèdent de nombreux lieux de culte musulman. Cette tolérance s’inscrit dans le respect de la liberté religieuse. Bien entendu, dans des pays où l’islam n’est pas religion d’État, la promotion du culte musulman est restreinte, mais la pratique privée et l’existence de lieux de prière n’enfreignent aucunement les lois.
La décision de la municipalité d’Ikoni de fermer un lieu de culte démontre une méconnaissance flagrante des libertés fondamentales et des principes démocratiques. La mairie n’avait pas l’autorité de délivrer une telle interdiction, ni de fermer un espace de culte, ce qui révèle une incapacité manifeste de ses responsables à maîtriser les lois et les droits en vigueur.
Il est essentiel de confier les responsabilités administratives à des personnes compétentes et formées, particulièrement dans les domaines juridiques. Malheureusement, l’administration comorienne persiste à recruter des personnes sans qualification ni expérience, ce qui aboutit à de telles décisions arbitraires et nuisibles.
Les enjeux diplomatiques et les risques d’une escalade entre les Comores et Madagascar
Cette affaire revêt une gravité qui ne saurait être minimisée, car elle constitue une menace réelle. Mettre en péril les droits des citoyens malgaches sur le territoire comorien revient à compromettre ceux des Comoriens à Madagascar. Il est essentiel de se souvenir des liens historiques, parfois douloureux, entre l’Union des Comores et Madagascar, dont de nombreux témoins peuvent encore attester. Depuis 2021, les relations entre les deux pays se sont détériorées en raison de l’affaire des lingots d’or, pour lesquels le gouvernement malgache réclame restitution, sans réponse de la part des autorités comoriennes. Cette situation a entraîné une crise diplomatique, compromettant des années de bon voisinage, et a même conduit à la suspension des vols directs en provenance de Madagascar.
Récemment, les tensions se sont exacerbées autour de l’affaire du navire, le gouvernement comorien ayant rejeté les justifications avancées par Madagascar pour refouler le navire. Cet épisode envenime encore davantage une situation déjà fragile, qui risque de dégénérer en une crise aux conséquences potentiellement désastreuses, et où les Comores auraient beaucoup à perdre. Il faut rappeler qu’il existe de nombreuses communautés malgaches aux Comores et, réciproquement, des ressortissants comoriens à Madagascar. Aucun État n’accepterait que les droits de ses citoyens soient bafoués, et il est impératif de ne pas raviver les blessures du passé.
L’intervention récente de certains individus d’Ikoni n’est en aucun cas de bon augure. Cette affaire relève de la compétence du président de la République, Son Excellence Monsieur Azali Assoumani, en tant que chef suprême de la nation, du ministère des Affaires étrangères, représentant suprême des intérêts comoriens à l’international, et du ministère de l’Intérieur, pour la dimension interne de la question. Conformément à la Constitution et aux lois en vigueur, ce dossier ne saurait être traité par une mairie qui n’a ni l’autorité ni la compétence en la matière.
Depuis des années, la ville d’Ikoni adopte des comportements marqués par plus de délinquance que de discernement, et ces actes finissent toujours par avoir des conséquences malheureuses, souvent en opposition avec l’État. Ikoni ne fait pas la loi : c’est l’Union des Comores, dans sa totalité, qui est dotée d’un État et d’une administration. En tant que grande ville de la nation, et abritant de nombreux intellectuels, Ikoni devrait au contraire donner l’exemple.
HOUDAIDJY SAID ALI
Juriste Publiciste et Internationaliste
Paris – France
COMORESplus