400264 334120876615551 95458056 nEtrange pratique dans une République même laïque. Des fondés de pouvoir, drapés dans leurs certitudes inébranlables de chefs absolus, mélangent allègrement, dans une symphonie polyphonique disharmonieuse, féodalisme d’un temps révolu et démocratie. Nonobstant le fait que la démocratie érige en principe inaliénable la séparation des pouvoirs.
Le fait du prince     
Or le fait du prince a pris  le pas sur les principes fondamentaux qui doivent régir un Etat de droit. Le dernier épisode de l’affaire d’Ikoni en est la parfaite illustration : un cas d’école. Son Altesse sérénissime le Sultan Mamadou 1er a convoqué a levé le doigt et la cour accourt. Quel étrange ballet de voir affluer chez le nouveau prince de la République les dignes héritiers des 12 « Hamadi » d’Ikoni, accompagnés, pour l’occasion, d’une belle brochette d’officiels du régime et non les moindres : le Procureur de la République pour le judiciaire, le chef de la gendarmerie nationale et le responsable de la sécurité intérieure, pour les forces de l’ordre, un haut responsable des finances au gouvernorat de N’gazidja.  Bref, que du beau monde ! Des décideurs impliqués en première ligne pour dénouer l’épineuse et rebondissante affaire d’Ikoni.
Ainsi en Ikonien converti, convaincu de son bon droit, en bon patriarche bienveillant et soucieux du mieux vivre ensemble des habitants de son fief, le vice-président a décidé de prendre les affaires en main et d’imposer la solution. Sauf que, jusqu’ à preuve du contraire, à moins que ne tombent les masques, le VP n’a pas la charge du ministère de la justice, encore moins de l’intérieur. Des domaines, donc, qui échappent à ses compétences et prérogatives. Son autorité pour une telle initiative, il ne la puise que de son lien matrimonial et d’un abus de pouvoir. Mieux encore, de cette réunion, trois faits marquants heurtent la sensibilité du citoyen lambda épris de justice, d’équité et républicain de surcroît.
Le jeu contre son camp du Procureur 
Beaucoup s’interrogent à juste titre sur les atermoiements d’un officier de justice, qui doit avoir comme unique mission de faire appliquer la loi. Il semble que c’est l’essence même de la profession : « toute la loi et rien que la loi », ou quelque chose de semblable, disent-ils quand ils prêtent serment. A moins que cela  soit uniquement valable dans les fictions cathodiques ; ces séries surannées qui exposent les us et coutumes des pratiques juridiques. Or, il s’avère que le Procureur s’est évertué à convaincre sept mois durant les deux parties que le recours à une solution à l’amiable serait la plus judicieuse. L’opposition manifeste d’un clan, celui des partisans de la judiciarisation de l’affaire, pour éclairer les zones d’ombre et débusquer d’éventuels instigateurs, n’a pas fléchi d’un iota la position du magistrat. Comble de l’ironie ou plutôt aveu de désinvolture pour ne pas dire plus, le Procureur attendait de la population civile d’Ikoni de lui livrer six personnes soupçonnées d’être fortement impliquées dans les dégradations. Des personnes que le proc a qualifiées d’ « indispensables » pour clore l’instruction.
Point besoin de tant d’années de prétoires pour savoir qu’un procureur de la République dispose du pouvoir de requérir aux forces de l’ordre pour procéder à des arrestations. Dès lors, son immobilisme ouvre porte béante à toutes les hypothèses même les plus farfelues. D’autant que les « personnes les plus recherchées » du palais de la justice, aux identités établies, circulent librement à Ikoni et même à Moroni. Un magistrat qui privilégie les tribunaux populaires des places à palabre que sont les « bangwe » (la médiation de la notabilité) au détriment d’une décision de justice est en soi une jurisprudence. Surtout, circonstance aggravante, lorsque ces médiations de « wandroidzima » ont échoué et sue des dégradations matérielles ont été constatées.
Passivité des forces de l’ordre 
Si le pouvoir  judiciaire avait visiblement choisi son camp, la passivité des forces de l’ordre sous Hamada Abdallah était criante. Deux jours d’émeutes urbaines, à quelques kilomètres à peine de la caserne de la gendarmerie sans intervention laissent perplexes. Un mois après d’autres émeutes sur le même lieu… A croire qu’il n’y avait pas de pilote à bord de l’avion. Autre grief à l’encontre de l’ex flic numéro un, le torpillage supposé des accords de paix conclus. D’ailleurs, il y en a même certaines personnes qui réclament une citation à comparaître du dit ministre lors d’un procès prochain.
Il est vrai que le contraste est saisissant entre la réaction immédiate et peut-être excessive, voire avec un peu de zèle, dénoncé entre autre par le professeur Aboubacar Said Salim, de la gendarmerie, lors de la journée de barricades et les deux jours d’émeutes sans présence policière. La seule continuité reste la liberté et le sentiment d’immunité que jouissent les « 6 wanted » d’Ikoni. Mais que font les  gendarmes ? Surtout qu’une clé USB contenant des photos des événements serait disponible !
Entre notabilité et Etat de droit, il faut choisir 
Dernière curiosité et non la moindre des paradoxes, mais pas vraiment surprenant en « République bananière » le besoin viscéral, la tentation constante d’immiscer le cercle des notables dans la gestion courante des prérogatives de l’Etat. Peut-être que les constitutionnalistes auraient dû inclure la séparation du « Mila Nantsi » aux affaires de l’Etat. Que la région de Bambao  excommunie  la cité d’Ikoni à cause du comportement inqualifiable de quelques fauteurs de troubles ayant porté atteinte à l’honneur et au prestige de la ville mère, cela va de soi. Car, on entre dans un univers où l’honneur est roi et le Ufahari une philosophie de vie. Mais de là à institutionnaliser la médiation de la notabilité en grande pompe avec le consentement du gouverneur de l’île et, cerise sur le gâteau, au Palais du peuple, au mépris des règles élémentaires du droit commun, prouve le flou artistique savamment orchestré et entretenu par les politiques : un mélange détonnant d’archaïsme et de népotisme.
Dès lors, il n’est plus étonnant de constater l’abolition des frontières entre « mila nantsi » (traditions) et « dawla » (Etat) pour se confondre en confettis de sultanat où règnent la volonté du Mzé, le chef du lieu. Mamadou 1er a ordonné la tenue d’un procès. Ainsi soit-il ! Procès il y aura ! Même par contumace pour les six recherchés non disparus. Pourtant, la séparation des pouvoirs est un sacro saint de la démocratie. Mais il est vrai qu’on parle de l’Union des Comores.
Idjabou Bakari
COMORESplus
 
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