(Ce texte est un peu long, mais sa partition la rendrait incompréhensible. Toutes mes excuses.)

iz9yibst-1-.jpg Cela fait bientôt 14 ans, la population de Mutsamudu s’est soulevée contre le pouvoir central, entrainant avec elle, Anjouan tout entier. Pourquoi en est-on arrivé là ?

Tout a commencé en 1962. Le gouvernement de l’Autonomie interne, sur le conseil de Paris, décide le transfert de la capitale de Dzaoudzi Mayotte à Moroni Grande Comore. Les élus, y compris ceux de Mayotte, donnent leur accord. Il est alors demandé, aux autorités de l’époque, une compensation pour limiter les effets néfastes de ce transfert. Les Mahorais ont demandé et obtenu que la direction de l’Agriculture, dirigée à l’époque par Ahmed Abdallah Abdérémane, garde son siège à Mayotte.

Au moment où le transfert des services est effectué,  Ahmed Abdallah Abdérémane exige, à son tour, qu’une partie de l’administration soit affectée à Anjouan. Saïd Mohamed Cheikh refuse de céder, et sous sa colère, il transfert aussi l’Agriculture à Moroni. Les Mahorais se sentant trahis, se révoltent.

En 1963, alors qu’Ahmed Abdallah Abdérémane était toujours à la tête de l’Agriculture, Ali Soilihi Mtsachioi et Amdjad Saïd Omar rentrent au pays après leurs études. Ils postulent tous les deux à la direction de la SODEC (Société pour le Développement des Comores). Le choix d’Ahmed Abdallah s’est porté sur Ali Soilihi, en raison de son diplôme de conducteur des travaux agricoles, alors qu’Amdjad Saïd Omar, premier licencié en droit de l'Archipel, était Administrateur. La population de Mutsamudu a fait part de son indignation. Mohamed Ahmed a remonté en leur nom, l’information auprès du Président du Conseil, Saïd Mohamed Cheikh, sans pour autant changer la décision.

En 1964, Mohamed Taki Abdoulkarim, Mouzaoir Abdallah, Ahmed Abdou et Ali Mroudjaé rentrent à leur tour. Ils sont affectés à leurs services respectifs, l’enseignement, les impôts et les Travaux Publics. Mohamed Taki Abdoulkarim est affecté à la direction régionale des TP regroupant Anjouan, Mohéli et Mayotte, avec siège à Mutsamudu.

Un an après, il tombe sous le charme de Mlle Zaza, une fille de Domoni. Ils se marièrent. Cette union n’a pas plus  à la bourgeoisie de la capitale d’Anjouan. Elle est même perçue comme les prémisses  d’un complot entre la Grande Comore de SM Cheikh et les « Wa Matsaha » anjouanais dont  d’Ahmed Abdallah est le symbole. Les hostilités commencent et ce d’autant que, l’essentiel du programme entamé par Mohamed Taki, reposait sur le désenclavement des régions éloignées de l’île, comme Nioumakélé et Bimbini. Il a construit le réseau routier et celui de distribution de l’eau dans les villages « Wa Matsaha » (de la campagne).

En 1967, Mohamed Taki, est rappelé à la Grande Comore, pour figurer sur la liste de l’île aux législatives territoriales. A Anjouan, Saïd Ali Youssouf, natif de Sima, prend la tête d’une liste d’opposition, contre la liste menée par Mohamed Ahmed et Ahmed Abdallah, unis pour la circonstance, à la demande de SM Cheikh.

Saïd Ali Youssouf est battu, mais son score a dépassé les 30% des suffrages. En représailles, les habitants de Domoni, ville dont est originaire Ahmed Abdallah, sont allés bruler des maisons à Sima, Bimbini et Moya, fief électoral de Saïd Ali Youssouf ; Un mariage que devait célébrer  Saïd Ali Youssouf avec une fille de Mutsamudu est annulé. Saïd Ali Youssouf  est déclaré depuis, personæ non grata à Mutsamudu.

En 1969, Sd Mohamed Cheikh, constatant que la haine inter-anjouanais devenait insupportable, alors qu’en Grande Comore, les dissensions entre Moroni et les « Wa masafarini » s’effritent, que Mohéli n’a jamais connu ce phénomène, il décide de prendre les choses en mains. Il s’allie dans cette entreprise, non pas avec Mohamed Ahmed,  mais avec M. Toufaili, ancien sous-préfet de Mutsamudu et oncle d’Ahmed Abdou (Ketsokiri). Il fait entrer au gouvernement le jeune mutsamudien Mikidache Abdourrahim. Ce geste divise la capitale d’Anjouan. Les partisans de Toufaili et Mikidache restent très minoritaires. La hiérarchie des « Kabaïlas » Mutsamudiens, estimant que ces derniers sont du bas de l’échelle, n’étant pas d’origine "arabo-persane", comme il se doit.

En 1973, malgré la réconciliation entre les «  Blancs » et les « Verts », au moment de la censure du prince Saïd Ibrahim de la Présidence du Conseil de gouvernement, poste qu’il occupait depuis la mort de Saïd Mohamed Cheikh en mars 1969, Ahmed Abdallah et Mohamed Ahmed ne se supportent pas. Ahmed Abdallah a pris un avantage après son élection à la Présidence du conseil, sur les manœuvres du parti « Vert ». Mohamed Ahmed  suit la vague, sans enthousiasme.

En 1975, Ahmed Abdallah, contraint et forcé, par la trahison de ses anciens collègues parlementaires français, proclame l’indépendance unilatérale, le 6 juillet. Mohamed Ahmed et Ahmed Dahalani refusent de démissionner de leurs mandats à l’Assemblée Nationale française, tandis que Mohamed Djaffar, sénateur, présente la sienne, tirant les conséquences de la décision de la Chambre des députés des Comores.

Le 3 Aout 1975, Ali Soilihi, appuyé par la gendarmerie française, la police et la Garde des Comores, sous le commandement de Dossar père, renverse le régime d’Ahmed Abdallah.

Ali Soilihi n’étant pas homme ingrat, s’est rappelé de la confiance qu’Ahmed Abdallah, lui a accordée en 1963 ; Il l’a laissé quitter le pays, avec un passeport diplomatique, en plus d'une "pécule" fort intéressante, pour s’installer à l’étranger.

Comme il maitrisait mieux que quiconque toute cette histoire, il choisit un « Kabaila », de haut rang, Abdillahi Mohamed, pour lui confier le poste de Premier ministre. Il dirigera le pays d’une main de fer, Mutsamudu lui étant acquis.

Sur ce point, le Dr Boudra Halidi, à qui l’on a rendu visite le 20 février 1976, à l’hôpital de Hombo dira : « malgré les 3 morts et les nombreux blessés au moment du débarquement d’Ali Soilihi, la présence d’Abdillah Mohamed (Madioira), au gouvernement, rassure la population de Mutsamudu ». Après, il présenta un de ses patients, qui était encore hospitalisé, après avoir reçu une balle à la tête au cours de cette opération menée par Bob Denard. Le jeune homme d’une vingtaine d’années, avait perdu la parole.

En 1978, Bob Denard renverse Ali Soilihi et met en place un gouvernement intérimaire, dit Directoire politico-militaire, dans lequel il fait figure du "Premier Consul", avec deux co-présidents Mohamed Ahmed et Ahmed Abdallah. Selon les proches politiques des deux hommes, il était décidé depuis Paris, qu’à l’issue du coup d’état, Mohamed Ahmed  prendrait les rênes du pays. Cette disposition a été négociée à Paris, par Amdjad Saïd Omar, administrateur à la rue Oudinot et, son cousin et beau-frère, Ali Bourhane El-Yachrouty, alors élève à l'ENA, promotion "Voltaire".

Au retour au pays, le premier gouvernement dirigé par Abdillahi Mohamed, ancien Premier Ministre d’Ali Soilihi, est composé essentiellement d’anciens « Blancs ». Les « Verts » sont écartés, mais garde leur popularité. Ils s’unissent autour du très populaire et ancien prisonnier Mohamed Taki. Ils refusent de baisser les bras. Ils ont mis leur machine électorale en marche, bannissant de tous les discours et manifestations en Grande Comore, le nom de Mohamed Ahmed. Les services secrets français, constatant  l’impopularité manifeste de Mohamed Ahmed, tire les conséquences et en réfèrent à leurs supérieurs. En octobre 1978, Mohamed Ahmed renonce pour toujours à la magistrature suprême. Amdjad Saïd Omar consomme son deuxième échec.

En 1997, Mohamed Taki, élu confortablement en 1996,  Président de la République, ignore tout de ces rancœurs, cristallisées au fil du temps. Pour lui, la pauvreté qui touchait les Comores, en particulier l’île d’Anjouan, constituait sa principale préoccupation. Il active le projet Forbes, qui devait créer des milliers d’emplois locaux.

Entre temps, Amdjad Saïd Omar, prend sa retraite, s’installe à Mutsamudu et prépare sa revanche. Il rassemble autour de lui, tous ceux qui pour une raison ou une autre, avait quelque chose à reprocher à un grand comorien. Il trouve un appui de taille, en la personne du Dr Zaïdou, qui du temps où il exerçait à l’hôpital de Moroni, est tombé amoureux d’une fille de la capitale, mais dont les parents lui ont refusé le mariage. Une décision qui l’a contraint à se replier sur Anjouan, avant de partir s’installer à l’île de la Réunion.

Autres alliés et qui ne sont pas les moindres : le commandant Ahmed Mohamed qui venait de se séparer de Mme Soilha Saïd Mdahoma, une grande comorienne de Mitsamiouli et Mme Kassim, une mutsamudienne, divorcée avec le Grand comorien Dr Kassim.  Quant à Fundi Abdallah Ibrahim, son fils venait de perdre le poste d’Ambassadeur en Egypte. La bataille est lancée avec toutes les conséquences que les Comores ont connues. Amdjad Saïd Omar, fera d’ailleurs partie de la délégation séparatiste anjouanaise, à Addis-Abeba et Antananarivo.

Ahmed Abdou, dont tous ses biens à Anjouan sont détruits durant cette période trouble, s’est retiré dans sa propriété de Voidjou en grande Comore, tandis que Mikidache Abdourahim dont le dernier coup fatal, fut la confiscation de sa maison de la coulée de lave à Moroni, par le duo Boléro-Azali. Cette décision a été négociée par le Lt colonel Abeid, à lépoque Président de l’Autorité D’Anjouan, au moment de la signature des Accords de Fomboni I. Pourtant, cette maison a été échangée en janvier 1974, contre l’hôtel Beauregard qui se situait à Mitsamiouli, lors des accords mettant fin à la grève des lycéens. Il vit aujourd’hui en exil forcé à Paris.

L’arrivée au pouvoir d’Ahmed Abdallah Sambi, « Kabaïla » de haut rang, dans la hiérarchie Mutsamudienne, est la consécration des efforts de cette caste. Feu Abbas Djoussouf est l’un des premiers à tirer sa révérence, après avoir constaté que les fils de Mohamed Ahmed Soulaïmana et Kokigno l’ont mené en bateau, à la direction du parti MDP-NGDC. Il s’en est rendu compte à la conférence d’Antanarivo, que son propre ministre Abdallah Mirghane, travaillait pour le compte des séparatistes. A son retour, il a décidé de se retirer définitivement de la vie politique.

A ceux qui croient encore à une transition pacifique, ils devront s’accommoder que le Président Ahmed Abdallah Sambi, qui se considère comme un messie, envoyé pour sauver les « Kabaïlas » de la persécution des « Wa Matsaha »,  ne quittera ce pouvoir que par la force des Baïonnettes. Les agissements du Lt colonel Ahmed Abdou Bastu, vont dans ce sens afin de tenter de faire racheter sa famille ; Mais, pour l’heure, rien ne dit que son entreprise trouvera un écho favorable.

MCM

 

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