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Dr Youssouf Said Soilihi, est président du parti Djawabu depuis 1999. Economiste du développement rural, de Janvier 1994-Avril 1995, il était ambassadeur de la francophonie à Genève. Ancien candidat aux élections de la Présidence de la République en 2002 et de Gouverneur en 2007. Observateur  électorale : Présidentielles et législatives en novembre 2005 au Gabon, présidentielles à Madagascar, présidentielles et législatives en République Démocratique du Congo en 2006 et 2011, présidentielles en République de Djibouti en 2011, présidentielles en Algérie 2012. Dr Youssouf Said Soilihi,  était Vice Président de l’Assemblée Nationale en Union des Comores. Février 2008 à mai 2010 : Ministre des  Finances, de l’Economie, du Commerce, du Plan, de la Coopération décentralisée. Ile Autonome de Ngazidja. A part ces expériences politiques et économiques… Youssouf Said Soilihi est auteur d’Ali Soilihi, l’élan brisé ? Et Comores, les défis du développement indépendant.

 

COMORESplus : La cour constitutionnelle de l’Union des Comores doit prochainement statuer sur la requête de l’Association des Maires de Ngazidja, portant opposition à la création des délégations spéciales ainsi qu’à la mise en place de ces dernières. Alors, quelle est votre position en tant que Maire ?

Youssouf Said Soilihi : Depuis la création de ces nouvelles délégations spéciales qui veulent se conformer, semble t-il à la loi sur la décentralisation, et leur mise en place, beaucoup a été dit et écrit. Les partisans comme les adversaires ont eu le temps de développer leur argumentation. Et nous attendons le jugement devant être prononcé par la Cour constitutionnelle, même si d’ores et déjà, y compris dans ce blog, certains ont annoncé les résultats avant que cette Cour ne statue officiellement. Certaines déclarations laissent ainsi entendre que l’Association de Maires de Ngazidja serait déboutée, notre plus haute juridiction s’apprêtant à se déclarer incompétente. Il n’est pas surprenant que je vous dise que je suis contre ces nouvelles délégations spéciales, mais pas pour les mêmes arisons souvent avancées par mes anciens condisciples.

CP : Pourquoi êtes-vous opposé alors ?

YSS : je m’oppose à la configuration de nos communes telle que dessinée par la loi en vigueur. Elle m’apparait inappropriée. Et ne rentre pas encore dans le moi collectif de ces localités. D’ailleurs, on le sent à travers les diverses oppositions qui se sont manifestées par les populations qui contestent souvent le chef lieu de la commune, le tracé, les villages mis ensemble pour former la commune. Les administrés ont du mal à se retrouver. Ce qui explique en partie les conflits qui  existent et qui risquent de perdurer. Les gens de Ntsaouéni par exemple ne vont pas se reconnaitre dans le Mbude ya suheyili facilement. Ils n’accepteront pas aisément d’affecter leurs ressources tirées de leur anda et de leurs cotisations à cette structure à laquelle ils ne se sentiront pas liés. En réalité, ce cadre communal nous a été imposé par nos partenaires et les experts qui ne nous ont pas écoutés. C’est une première raison. Le gouvernorat aurait dû prendre le temps nécessaire de la concertation avant de chercher à appliquer la loi.

CP : Pour vous, si  les autorités compétentes se mettaient à se concerter avec les populations visées, cela pourrait régler le problème ?

YSS : Non, cela n’aurait pas suffi car, nous avons une autre difficulté : ces  structures portent le nom des communes mais elles ressemblent à des associations. Et beaucoup est à faire. Savez-vous que nous n’avons pas le cadre financier réglementaire approprié ? Quel est le cadre qui définit le budget des communes ? Leur comptabilité ? Qui règlemente leur administration ? Les décisions du Maire ? Savez-vous que nous avons une loi sur les opérations financières de l’Etat. Cette loi intègre t-elle les opérations effectuées au niveau d’une municipalité ? Les préfets qui n’ont aucune formation ni compétence en matière de gouvernance municipale sont-ils à même d’encadrer ces communes ? Savent-ils qu’ils doivent recevoir les actes posés par ces délégations spéciales pour examiner leur légalité ? Non ! Voilà une autre difficulté. Compte tenu de cela, comment et où enregistrer les mouvements financiers opérés de l’extérieur au bénéfice des communes ? Rien que pour ces deux raisons, je trouve inopportune la décision de mettre en place ces délégations spéciales.

CP : En réalité, n’est-ce pas parce que vous en tirez beaucoup d’avantages notamment financiers que vous vous opposez à ces délégations spéciales et que ne voulez vous pas quitter ce siège juteux ?

YSS : Je sais que certains le pensent. Or, manifestement non ! Je suis de ceux qui ne tirent aucun avantage notamment financier de la fonction de Maire. Au contraire, il m’est arrivé, à plusieurs reprises, d’utiliser mes ressources propres pour les besoins de notre commune : téléphone, carburant, frais de restauration, frais de voyage etc.

CP : Devenu Maire par auto-proclamation, cooptation, acclamation ou putsch, vous n’aviez pas de légitimité et réclamez maintenant une légalité pour les nouveaux qui doivent vous succéder. Est-ce que cela est normal ?

YSS : C’est faux de penser ainsi ! Le Président El-back avait procédé de la même manière que le fait le Gouverneur Mouigni Baraka : la population se réunissait, faisait un choix, communiquait le procès verbal aux autorités de l’île qui actaient cette décision par un arrêté pour mettre en place les délégations spéciales. Ces arrêtés constituaient le cadre légal. C’est ce qui se passe maintenant. Mouigni Baraka ne fait pas mieux.

CP : On vous reproche, vous les maires, d’avoir une gestion opaque, de faire des détournements de fonds, de vivre au dessus de vos moyens, de brasser des centaines de millions de nos francs, de ne pas rendre compte de vos gestions et d’avoir des passifs, et de craindre les passations de services qui pourraient vous créer des ennuis. Alors comment expliquez-vous ceux-là ?

YSS : Loin de tout ça. Pourquoi le gouverneur n’a-t-il pas, avant de mettre sur pied ces délégations spéciales, procédé à des audits de ces communes ? Sur quelle base s’appuie t-on pour dire que les Maires ont détourné des fonds ? Quelles preuves ? J’ai dit qu’il n’y avait pas de normes comptables propres aux communes. Qu’il n’y a pas de nomenclature budgétaire, ni de procédure de contrôle ni à priori ni après les opérations comptables. En ce qui me concerne, j’ai  présenté chaque année un bilan et un rapport financier publiquement. Et chose inédite aux Comores, l’Etat, représenté par le Ministre de l’intérieur et le Gouverneur de l’île, sous la pression de mes adversaires, ont diligenté un audit qui a révélé que mes comptes étaient équilibrés. Je ne peux que me réjouir d’un tel  résultat.

CP : Que mettez-vous dans votre actif ?

YSS : J’ai fait construire un ensemble hospitalier d’un coût global de 235.446.386 frs comoriens sur fonds propres communautaires. Ce complexe médical, constitué de deux bâtiments dont le premier, d’un coût total de 185 000 000 frs (cent quatre vingt cinq millions) et d’une superficie de 853,14 m2, a été achevé   en deux ans, de 2006 à 2008. Et le second, d‘un coût de 92 000 000 frs (quatre vingt douze millions de francs comoriens) et d’une superficie de 640 m2 est quasi terminé. Seule une partie des fonds a été payée. A ce jour, il reste à régler 25.252.040 frs (vingt cinq millions deux cent cinquante deux mille et quarante francs) pour que la société chinoise avec laquelle nous sommes liés par un contrat reprenne les travaux et les finisse. Cet argent est disponible sur le compte de Ntsaouéni. J’attends que l’ordre soit donné par la communauté villageoise pour que ces fonds soient versés sur le compte de la société chinois en question.

CP : Youssouf Said Soilihi, on vous remercie.

YSS : Je vous remercie de même.

 

Propos recueillis par Parabolik Assoumani

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