COMORESplus S'EST ENTRETENU AVEC LE DEPUTE ABDOULFATAH SAID (Cet entretien, nous l'avons réalisé avant la création du parti RDC)
16 nov. 2013
« La survie du régime en dépend »
COMORESplus s'est entretenu avec l'atypique et actif député Abdoulfatah Said Mohamed. Le voyage vaut le détour. Chevalier autoproclamé anti-corruption, avec la verve et la hargne qui le caractérisent, il livre ses vérités sur l'actualité. Ses mots sont acerbes vis-à-vis de ses collègues, « des fonctionnaires, non des élus » et complices, emprunts d'encouragement pour les magistrats engagés dans une opération salutaire et tranchés pour ses engagements.
COMORESplus : Mr le député, demain aura lieu la marche contre la corruption, seriez vous de la partie
Député Abdoulfatah Said Mohamed : Oui, avec détermination et dévouement. Une décision courageuse et salutaire. Elle est tardive certes mais comme dit l’autre, mieux vaut tard que jamais.
CP : Beaucoup de lecteurs surtout sur les réseaux sociaux se demandent après vos dernières sorties, quand le député va-t-il quitter la douanocratie qu’est le parti Orange.
A.S.M : Le parti Orange est un parti politique jeune composé de membres de différents horizons socioprofessionnels. Sa force repose sur la diversité des opinions et la multidisciplinarité de ses membres. Je pense que nous ne pouvons pas trouver de parti politique composé uniquement de professeurs, d'avocats, des commerçants… Pourquoi vous voulez que ce soit autrement pour le cas de mon parti Orange ?
CP : Depuis quelques mois vous avez revêtu les habits du chevalier anti corruption de manière peu conventionnel en utilisant beaucoup les médias et les réseaux sociaux, plus que les enquêtes parlementaires, faut-il comprendre de la part d’un député de la majorité que l'Assemblée est soumise à l’exécutif ?
A.S.M: Non. Aujourd’hui, nous avons une Assemblée de l’Union monocolore fuyant ses responsabilités dévolues par la Constitution. Le débat est quasi inexistant. Plusieurs résolutions parlementaires tendant à la création de commissions parlementaires d’enquêtes portant sur la citoyenneté économique, sur l’achat des avions et de bateau sans appel d’offres, sur la gestion opaque des sociétés d’Etat, sur les pavillons de complaisance sont bloquées par les députés eux-mêmes au niveau de la conférence des présidents, organe chargé de programmer l’ordre du jour des travaux parlementaires. Les députés se considèrent comme des fonctionnaires de l’Etat ne bénéficiant d'aucune légitimité du peuple. Le contrôle de l’action du gouvernement fait défaut au cours de cette législature.
CP : Des scandales à répétition ternissent l’image du pays. Le dernier en date, l'affaire Achraffi alimente encore les chroniques. Que savez-vous de cette affaire?
A.S.M : Malheureusement, ce scandale de la vente illicite des passeports comoriens était prévisible. Depuis 2008, le gouvernement a lancé les opérations relatives à la biométrisation des documents officiels sans qu’un texte législatif soit posé pour la protection des données personnelles pourtant exigé comme préalable par la Convention des Nations Unies pour la protection des données personnelles, adoptée en 1990. C’était une opération commerciale plutôt qu’autre chose. 5ans après rien n'est fait pour améliorer le système.
CP : Le président Ikililou à deux reprises, a exhorté la justice de faire son boulot, le croyez-vous vraiment?
A.S.M:Oui, je le crois. Il faut que la classe politique prenne de l’initiative en apportant sa modeste contribution pour une justice plus juste. Je propose la signature des conventions judiciaires permettant des magistrats étrangers de venir travailler avec nos magistrats.
CP : Selon vous pourquoi Ikililou veut enterrer l'affaire alors que son ennemi déclaré, son ex mentor, Sambi serait mouillé ?
A.S.M :Cette affaire est le plus grand scandale financier des Comores indépendantes. Cette volonté avérée d’étouffer l’affaire s’explique par le fait que tous les différents corps de l’administration sont impliqués : diplomates, des ministres sortants et en exercice, des policiers. Une affaire d’Etat. Le président est pris entre le marteau et l’enclume, la survie du régime en dépend.
CP : N est ce pas l'occasion pour les députés de faire la lumière mais toute la lumière sur la citoyenneté de la honte ?
A.S.M: (Rires)…ces députés ne feront rien. Certains perçoivent des subsides pour s’opposer à toute démarche visant à la manifestation de la vérité sur la citoyenneté de la honte. Je me suis battu depuis 2010 pour que les recettes provenant de la citoyenneté soient inscrites sur la loi des finances, il n’en est rien. J’ai soumis une proposition de loi pour l’abroger, toujours blocage. L’assemblée est donc partie prenante sur ces scandales à répétitions par son silence complice.
CP : Vous avez publié un texte affirmant que l'exécutif et le législatif ont trouvé un accord pour prolonger la législature jusqu’ en novembre. Or la Cour Constitutionnelle s’est prononcé déjà à ce sujet. Quel est votre avis ? Le politique peut-il s'assoir comme de rien n’était sur une décision de la cour ?
A.S .M : Je rectifie. Un compromis entre les chefs des institutions politiques constitutionnelles (le président et ses vice-présidents, le président de l’assemblée, les gouverneurs et les présidents des conseillers des iles) vendredi dernier à 18H30 à Beit Salam. Mon avis, je ne veux pas de prolongation. Que les élections soient organisées en même temps en novembre 2014, c’est une bonne chose. Mais comment concilier le respect scrupuleux des décisions de la cour constitutionnelle qui ne sont pas susceptibles de recours et le souci d’harmoniser les élections ? Wait end see. Le génie comorien.
CP : Vous donnez l’impression d’être un électron libre, en ce moment ou les ambitions s’ affichent, quelles sont les vôtres ?
A.S.M: je ne suis pas un électron libre. Mes actions s’inscrivent dans la droite ligne de mon parti politique Orange. Tu vois que les partis politiques toutes tendances confondues ne font rien pour dénoncer la vente de la citoyenneté comorienne. Pour moi, cela constitue une démission collective.
CP : La guerre interne à Orange est-elle finie ou la scission est envisageable?
A.S.M : Pas de guerre dans le parti. Il y a le parti Orange et les autres.
CP : Après l'épisode Qatari, l'arrimage force aux Quai d'Orsay, Bolero vient de renouer avec les Saoudiens. Y a-t-il une politique diplomatique propre aux Comores?
A.S.M:Excusé du peu. Les relations entre les Etats ou la diplomatie, ce n’est pas mon point fort.
CP : Nous vous remercions.
A.S.M :Je vous remercie de même.
Propos recueillis par Idjabou BAKARI
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