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Abdou elwahab Msa Bacar est docteur en droit. Il a fait sa thèse sur la fiscalité internationale. Enseignant de droit public à l’Université des Comores depuis de nombreuses années, il est actuellement élève-avocat à l’école du barreau de Paris(EFB).    
Suite aux différents climats parfois de turbulence, nés par la mise en place des délégations spéciales dans les communes de Ngazidja par le gouverneur Mougni baraka, COMORESplus s’est entretenu avec Abdou elwahab Moussa.
COMORESplus : Que pensez-vous des délégations spéciales mises en place par le gouverneur de l’île de Ngazidja Mouigni Baraka Said Soilihi ?
ABDOU ELWAHAB MSA BACAR : D’abord il faut rappeler que cela fait plus d’une décennie qu’on offre aux comoriens tout et n’importe quoi sur les communes. Ce n’est que depuis juillet 2011 qu’on a un ensemble de dispositif juridique, dont des lois sur la décentralisation, sur l’organisation territoriale et sur le scrutin communal, votées par le parlement et promulguées par le président de la République. Il est vrai que la voie royale pour ce processus de communalisation est l’organisation des élections communales. Mais est-ce qu’on a les moyens d’organiser de telles élections maintenant et puis en organiser d’autres en 20014 et en 20016 ? C’est pourquoi l’idée d’une élection communale en même temps que les législatives me paraissent raisonnables. De toute façon rien n’empêchait les autorités insulaires de mettre en place ces délégations en attendant l’organisation du scrutin. En réalité, on ne peut que se réjouir  et approuver cette belle initiative qui vient de mettre fin à une situation confuse et illégale qui a trop duré.
CP : Alors pourriez-vous nous dire pourquoi, ceux qui contestent cette décision, ne l’ont pas fait depuis que la délibération sur ces délégations a été adoptée par les conseillers de l’île en février 2012 ?
A M B : On dirait que ces gens ne suivent pas les travaux de leurs représentants au sein du Conseil de l’île. Cette délibération, il faut le rappeler, a été adoptée en séance plénière par nos conseillers le 15 février 2013. Et pour information, elle n’a fait que viser les lois sur la décentralisation telles qu’elles ont été édictées par les représentants du peuple comorien. Et l’idée centrale qui caractérise cette délibération, c’est le caractère provisoire de ces délégations. Celles-ci sont mises en place de manière temporaire et expérimentale en attendant l’organisation du scrutin. Tous ceux qui réclament des élections au gouvernorat de Ngazidja savent bien qu’il s’agit d’élections devant être organisées au niveau national et dont la responsabilité relève autant aux autorités de l’union qu’aux trois gouverneurs des îles. La vérité est qu’à travers cette levée de bouclier contre les délégations il y a une manœuvre de déstabilisation contre le gouvernement et le gouvernorat de Ngazidja.
CP : Si on veut faire une vue globale des réactions, celles-ci  sont divergentes. Certaines communes accueillent à bras ouverts cette mise en place et d’autres non. Pourquoi cela ?
A.M.B : Ceux qui sont contre ces délégations prétextent l’absence d’élections pour justifier leurs virulentes protestations. Mais la raison est toute autre. N’oubliez pas que les communes, c’est avant tout du pouvoir, de l’argent, du prestige et de l’honneur. Certaines personnes s’étaient autoproclamées maire à vie et profitaient du système. On a trop tendance à parler des détournements au sein de l’Etat, mais des gens se sont enrichis d’une manière illicite en dilapidant impunément, au vu et au su de tout le monde, les maigres ressources des communes dites pilotes. Se voyant perdre leur prébende, ces gens créent la confusion et sèment la zizanie. 
CP : Des nombreuses communes ont été pilotes. Elles se conformaient aux lois locales, pansez-vous que cette nouvelle application, dont les délégations spéciales, est constitutionnelle ?
A.M.B :  il faut vraiment ignorer le processus et surtout être de mauvaise foi pour avancer qu’il y a quelque chose d’inconstitutionnel dans ce processus initié par les autorités insulaires de Ngazidja avec l’appui du gouvernement de l’Union. D’abord, notre constitution charge les gouverneurs d’administrer les communes de leurs îles. En suite, c’est lors des assises nationales sur la décentralisation qui se sont tenues à Moroni en juin 2012 qu’il a été recommandé de mettre en place de délégations dans les îles de Moili et Ngazidja, à l’instar de ce qui se fait déjà à Anjouan, en entendant l’organisation du scrutin communal. Il faut rappeler que l’association des maires de Ngazidja a activement participé à ces assises. Enfin, le gouverneur Mouigni Baraka Said Soilihi n’a fait que prendre un arrêté pour promulguer une  délibération du conseil de l’île sur les délégations. Le gouverneur n’a fait que rendre applicable la volonté de ceux qui représentent la population de Ngazidja au niveau de l’île. Je m’étonne vraiment de l’attitude de l’Association de maires de Ngazidja, qui parle d’illégalité alors que ce sont les membres de cette association qui sont aujourd’hui dans l’illégalité. La loi sur la décentralisation institue une Association nationale des maires comoriens (A.N.M.C.) qui rassemble l’ensemble des maires des communes de l’Union des Comores. Mais pas une association des maires de Ngazidja. De plus, la majorité des membres de cette association ne sont actuellement maires nulle part. A titre d’exemple, Mme Moinaecha Mroudjaé, présidente de cette association a été maire de Bandamadji, mais sous l’empire de la loi actuelle, cette mairie n’existe plus. Bandamadji est l’une des localités qui composent la mairie de Bangani, laquelle est présidée par le docteur Issa. Il faut que ces personnes respectent la loi en se retirant de cette association puisqu’ils prétendent respecter la loi. Il y a des fortes présomptions que la cour constitutionnelle déclare que cette association n’a pas de qualité et d’intérêt à agir sur le contentieux qu’elle a engagé devant cette juridiction contre les délégations. En outre, la cour pourrait se déclarer incompétente pour la simple raison que les dispositions des articles  24 et suivantes de la loi organique portant organisation et compétence de la Cour Constitutionnelle ne mentionnent nulle part que la cour peut se prononcer sur l’inconstitutionnalité d’une délibération d’un conseil de l’île ou d’un arrêté d’un gouverneur.
CP : Récemment, lors de l’investiture du Maire à Moroni, la contestation a été vive : Comment expliquez-vous ce climat ?
A.M.B : Il est vrai que la loi fondamentale prévoit expressément que Moroni bénéficiera d’un statut particulier qui plus est, sera déterminé par une loi organique. Cette loi n’est pas encore votée et j’espère que le parlement se penchera rapidement sur celle-ci afin de donner à Moroni ses lettres de noblesses. Car cette ville est la vitrine du pays et il est plus urgent qu’elle soit administrativement structurée et qu’elle bénéficie des moyens financiers adéquats devant permettre son administration  dans la sérénité Mais en attendant tout cela, Moroni doit être administrée. Je pense qu’à l’instar des autres municipalités, le gouverneur avait le devoir de nommer le maire, désigné par la population de la capitale. Pour ce qui est des troubles qui ont émaillé l’investiture du nouveau maire, il n’est un secret pour personne qu’il s’agit beaucoup plus de frictions politiques qu’autre chose. Mais connaissant la clairvoyance et la sagesse des moroniens, cette bourrasque qui a secoué la capitale passera rapidement et c’est ensemble que les moroniens vont œuvrer pour le développement de leur ville.  
C.P : Avec les deux climats qui s’installent à ce sujet, la commune de Djoumoi-shongo a adopté celui des agitations, que dites-vous de cela ?
A.M : Il faut comprendre que dans la sous région d’Itsandra yadjou, le contexte est différent. Ici la source des troubles est le choix du lieu d’installation de l’Hôtel de ville. Certaines personnes des villages de Wellah et de Samba Nkouni contestent le choix d’installer la mairie à Dzahani II, pourtant chef lieu historique de la sous région. Des éléments incontrôlés des ces deux villages ont investi le village de Dzahani II et on déplore plus de six maisons brulés et des personnes blessées. Mais je suis convaincu que la population de cette région finira par s’entendre. Car ce qui nous lie est beaucoup plus important que ce qui nous divise. Ce qu’on peut regretter dans ce genre d’affaires, c’est l’inaction de l’appareil judiciaire et l’impunité généralisée. Lorsque l’Etat se révèle incapable d’assurer la protection de la société, c’est la justice privée qui prend le devant. La population se fait justice elle-même.
C.P : Lors de l’investiture à Moroni, la ville d’Ikoni a été réveillée par des barricades érigées par des voyous locaux et infiltrés. Que pensez-vous de cela ?
A.M :Ikoni est une grande ville, c’est une ville princière. C’est une ville exemplaire en matière de développement local. Personne n’ignore le soutien et l’apport de la diaspora d’Ikoni pour le développement de sa ville et certainement celle-ci deviendra un modèle en matière de gestion et de transparence. Je suis convaincu que les ikoniens savent l’intérêt d’institutionnaliser leur municipalité. Mais il est vrai, que des gens malintentionnés profitent de l’investiture des communes pour déstabiliser nos localités et l’île. Mais Ikoni saura surmonter ces problèmes internes et saura placer l’intérêt de sa population au dessus de tout et l’investiture de la mairie se déroulera certainement dans un climat de paix et de sérénité.
CP : D’où viennent donc ces manipulations ?
A.M.B : Ces manipulations viennent encore une fois de ceux qui vivent de la politique et qui font de l’Etat leur vache à lait. Tous les prétextes sont bons pour ces gens pour déstabiliser le pays s’ils ne sont pas au pouvoir.  L’histoire des délégations fait des jaloux, car les autorités au pouvoir à Ngazidja sont en passe de réussir ce que les autres ont échoué. N’est-il pas surprenant de voir que la première personne qui est partie en croisade contre ces délégations  n’est toute autre que le prédécesseur de Mouigni Baraka.
CP : Un mot pour les wangazidja.
A.M.B : Je dirais au wangazidja que ces communes serviront bien leurs intérêts s’ils en font bon usage et s’ils évitent les pièges que leur tendent ceux qui cherchent à les manipuler pour leurs intérêts personnels et politiciens. Pour une fois, on entre dans une ère où les wangazidja, peuple épris d’amour pour sa terre, inscriront leurs actions de développement dans une démarche normative, transparente, participative et moderne. Il ne faut pas céder aux manipulations et il faut surtout préserver notre unité et notre solidarité, marque des comoriens.
CP : Monsieur Abdou elwahab Merci.
A.M.B : Je vous remercie de même.
Propos recueillis par SAID YASSINE Said Ahmed
COMORESplus
 
 
 
 
 
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