L’AVION DE MAMAN A CRACHE : QUAND L’ECRIVAIN SALIM HATUBOU REND HOMMAGE AUX VICTIMES DU CRASH DU 30 JUIN 2009
23 juil. 2013 L’avion de maman a craché est un livre de Salim Hatubou publié aux éditions Cœlacanthe en 2011. Avec ce énième opuscule (cet auteur franco-comorien a, à ce jour, publié plus d’une quarantaine d’œuvres), l’auteur du Sang de l’obéissance rend hommage aux 152 passagers péris le 30 juin 2009 dans le crash de l’Airbus 310 de la compagnie aérienne yéménite aux larges des Comores. Des comoriens, au nombre de 142, hommes, femmes et enfants et 10 membres de l’équipage, de nationalité yéménite, ne sont jamais arrivés à destination après leur départ aux aéroports de Marignane et de Roissy en France. Dans ce livre, l’auteur pleure ses concitoyens qu’on a mis dans un avion poubelle et qu’on a envoyés au fond de l’océan.
Ce livre est composé de neuf chapitres. Neuf histoires racontées par des enfants. Neuf vies qui peuvent ressembler à la vie de tous ces 142 concitoyens dont les âmes sont aspirées par les profondeurs de l’océan et la folie des vagues d’une mer déchainée et sans âme. La lecture du premier chapitre, tel un prélude d’une oraison funèbre, vous fend le cœur, vous impose une tristesse inégalée et vous fait sentir une douleur aigue. C’est comme si on vous impose un silence magistral afin d’entendre la voix d’un enfant de dix ans débiter une dernière prière avant de rendre l’âme. On comprend aisément pourquoi le parlementaire français, Renaud Muselier, a choisi de lire ce texte à l’Assemblée Nationale française en juillet 2009 en hommage aux victimes du crash.
Ce livre il faut le lire en commençant par le dernier chapitre. Celui qui égrène la liste des victimes. Celui où l’auteur écrit avec l’encre eternel sur les pages des sempiternels livres noms et prénoms des disparus en nous demandant de ne pas oublier. Ne pas oublier ces maris, ces femmes, ces frères, ces sœurs, ces enfants, ces filles et ces fils. Ne pas oublier ce qui leur est arrivé. Ne pas oublier cette tragédie. Oui, l’auteur nous demande de faire taire le silence et de faire résonner chaque nom dan le cœur du monde pour que ne s’éteigne pas, plus jamais, la lumière des nôtres. Ne pas oublier, ne pas oublier, ne pas oublier, semble être le principal message de ce roman. Ne pas oublier pour la mémoire des victimes. Ne pas oublier afin qu’une telle catastrophe ne se reproduise plus jamais.
Le style ? Egal à lui-même, Salim Hatubou ne s’est aucunement départi de son style simple, limpide et bondé d’humour qui fonde l’originalité et l’accessibilité de son œuvre prolifique. Il fallait son talent rédactionnel et son expérience littéraire pour pouvoir raconter des petites belles histoires au sein d’une grande Histoire tragique. Les histoires du roman sont à l’image de celles des victimes du crash. Tout commence par une belle histoire et finit par une mauvaise. Comme cette famille qui est venu à l’aéroport dire au revoir à des amis qu’elle ne reverra jamais ou ces autres familles venues tôt le matin à l’aéroport de Hahaya, avec tambours et colliers de jasmin, accueillir des « je viens » dont l’avion n’atteindra jamais le tarmac.
Tout est à l’inverse de ce qui était prévu. Des familles qui voulaient visiter un pays qu’ils ne verront jamais, des couples qui voulaient faire un grand mariage qu’ils ne célébreront jamais, un pays qui attendait des vacanciers qui recevra des cercueils, une période de fête devenue période de deuil et un avion qui devait atterrir qui a amerri à jamais dans les abysses de l’océan. On est très loin du happy end caractéristique des romances où le chevalier blanc arrive toujours à la fin sauver sa dulcinée, l’épouse et lui donne des beaux enfants. Ici ce chevalier blanc, qui devait être incarné par l’Etat comorien, a brillé et continue à briller par son absence. Le transport est connu pour être l’enfant pauvre de la République. Dans ce livre, on dénonce ceux qui sont élus pour servir et qui se servent. On déplore le mal d’éducation, de santé, la crise économique, la gestion chaotique et les détournements des maigres deniers publics, ainsi que la déconsidération de la diaspora par les gouvernants. Pourtant, c’est cette diaspora qui construit les routes, les écoles, les dispensaires, met l’eau et l’électricité dans les villages ou dans les régions alors que tout cela devrait revenir à l’Etat comorien.
Et comme il est souvent dit que la vérité sort de la bouche des enfants, l’écrivain Salim Hatubou a donné la parole aux enfants pour raconter la tragédie du 30 juin 2009 afin que personne n’oublie plus jamais ça.
ABDOU ELWAHAB MSA BACAR
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