La profanation des tombes des KALFANE n'est pas un banal fait divers, ce n'est pas un fait "qui fait diversion" pour reprendre la formule chère au sociologue français Pierre BOURDIEU. Cette violation de sépulture est un symptôme de la dégradation de la vie sociale aux Comores. Les auteurs de ce délit affichent le visage hideux de l'intolérance. Une intolérance qui est en augmentation constante depuis les années 1990 et qui est parfois encouragée voire initiée par des politicards prêts à tout pour s'attacher une clientèle. Je me rappelle de ces jeunes loups qui pour éjecter les anciens de la scène politique déclarèrent qu'ils luttaient contre la confiscation du pouvoir politique par les grandes villes et par les "grandes familles" alors que les gouvernements comoriens comptaient dans leurs rangs, depuis la période de l'autonomie interne, des personnalités originaires des zones rurales et que les enfants des campagnes, issus de familles modestes ou soi-disant nobles, intégraient progressivement tous les échelons de l'administration à la faveur des progrès enregistrés en matière d'éducation et de formation professionnelle. Votre concitoyen pour peu que vous estimiez qu'il ne vous ressemble pas devient l'ennemi à abattre. Hier celui-ci avait pour défaut d'être né dans une autre île de l'archipel ou tout simplement dans le village d'à côté, d'être citadin ou campagnard. Aujourd'hui, son crime c'est son origine ethnique. Pourquoi ces criminels ont profané les tombes des Kalfane et épargné les autres sépultures ? Considèrent-ils les membres de la communauté ismaélite comme des étrangers ou comme des Comoriens de seconde zone en raison de leurs origines indiennes ? Un Kalfane est aussi comorien qu'un Mchind(ra)ou qu'un Djamalilaïli. Notre constitution garantit "l'égalité de tous en droits et en devoirs sans distinction de sexe, d'origine, de race, de religion ou de croyance". Les distinctions sociales et les honneurs de la République sont dus non pas en fonction de critères liés à notre naissance mais sur la base de nos mérites individuels et de nos actions. Qui peut dénier leur comorianité à des gens nés aux Comores, qui investissent et créent des emplois aux Comores ? L'intolérance se développe inexorablement. D'un filet d'eau hier, elle est devenue aujourd'hui un torrent en furie qui ébranle les fondements de notre Nation. La haine se déversait jusqu'alors uniquement sur les vivants. Désormais, elle n'épargne pas les morts. La profanation des tombes des KALFANE ne doit pas demeurer impunie. Elle appelle une réponse ferme. Une réponse judiciaire et politique.

Abdourahamane Cheikh Ali

Ancien Directeur Général de l'ONICOR

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