La source des souffrances de beaucoup d’habitants de Mayotte
11 avr. 2013
Nous aurions pu vous parler de Mayotte comme un territoire d’exception pour l’application des Droits de l’Homme en général et du droit français plus particulièrement (droit commun, droits sociaux, droit du travail, droit des étrangers), vous parler des 20 arrêtés de l’ONU à l’encontre de la France pour l’occupation illégale de l’ile comorienne de Mayotte, vous parler de toutes ces situations inhumaines engendrées par la non application du droit.
Nous avons choisi de vous parler de ce qui est, pour nous, la source de toutes les souffrances que nous constatons chez beaucoup d’habitants de Mayotte : peut-on faire de Mayotte un territoire français en occultant son appartenance à l’archipel des Comores ?
L’histoire a montré que ce type d’administration pour des territoires culturellement et historiquement liés est un échec. Rappelez-vous les conséquences de la construction du Mur de Berlin. Observez les terribles conséquences de la construction du Mur de Séparation entre Israël et les Territoires Occupés Palestiniens. Rappelez-vous le pourquoi de la création de l’Europe au lendemain de la 2ème guerre mondiale.
Les murs semblent être un rempart souvent envisagé et mis en pratique par les différents états à travers le monde. Il s’agit bien d’un mur, infranchissable, qui sépare Mayotte et les Comores depuis l’instauration du visa Balladur le 1er janvier 1995, restreignant les déplacements des populations et des marchandises. La mise en place de ce mur entre Mayotte et ses îles sœurs, ainsi qu’avec la région (Madagascar notamment), a des conséquences néfastes sur l’ensemble de la population de l’île.
Conséquences désastreuses
Les conséquences de cette politique à Mayotte sont désastreuses ; en voici quelques aspects que vous pourrez observer en venant sur le territoire :
Plus de 10.000 personnes sont mortes ou disparues dans le bras de mer entre Mayotte et Anjouan depuis l’instauration du visa Balladur en 1995.
De nombreuses familles sont déchirées, séparées par des reconduites à la frontière souvent arbitraires et dominées par la politique du chiffre (en 2011, il y a eu 21.762 expulsions dont 5.389 enfants), laissant au moins 4 500 mineurs se débrouiller seuls pour survivre.
40,7 % de la population n’a pas la nationalité française (30% serait en situation irrégulière), entraînant une précarisation désastreuse et une dangereuse montée du communautarisme et du racisme.
Mayotte vit dans un climat de violence (montée de la délinquance et des agressions à la personne) et de répression policière quotidienne (rafles au mépris de la loi, contrôle au faciès, présence policière excessive) qui s’empire d’année en année.
Ces problématiques ne sont hélas pas relayées dans les journaux nationaux et internationaux, qui se préoccupent peu de ce petit bout de France à l’autre bout du monde, de cette poussière d’Empire.
Pistes de réflexion
Les Indigné(e)s de Mayotte ne se contentent pas ici de faire la liste de tous les problèmes et de toutes les conséquences néfastes de cette situation. Nous souhaitons également apporter des pistes de réflexion quant à l’avenir de ce territoire, pour qu’une réelle cohésion sociale s’y installe :
Suppression du visa Balladur et arrêt des reconduites à la frontière (reconnues comme une violation du Statut 7 D de la Cour Pénale Internationale, qui qualifie de « crime contre l’humanité tout déplacement forcé de population à l’intérieur d’un même territoire » ) pour permettre aux habitants et aux marchandises de cet archipel de circuler librement.
Régularisation des personnes régularisables de droit dans le respect de la législation et assouplissement des exigences préfectorales pour la délivrance des autres titres de séjour.
Refonte générale de la législation du droit des étrangers et de la demande d’asile en respect aux législations internationales en vigueur et dans le respect de la vie et de la dignité des personnes.
Favoriser la coopération régionale décentralisée afin que l’eldorado mahorais disparaisse au profit d’un développement économique régional issu d’échanges pérennes entre les îles comoriennes et les autres territoires de la région tel que Madagascar.
Les méfaits de cette politique néocolonialiste
En ce début d’année 2013, tandis qu’en Europe les citoyen(ne)s rendent un hommage légitime à Stéphane Hessel, un silence assourdissant règne au sujet de Mayotte, petite île de l’archipel des Comores, devenue 101ème département français malgré les 26 arrêtés de l’ONU pour l’occupation illégale de ce territoire comorien. [7] On voit aujourd’hui très clairement les méfaits de cette politique néocolonialiste.
Il y a quelques jours, les habitants de certains villages de Mayotte venaient chercher dans les écoles les filles et fils des « clandestins » venus des îles voisines de l’archipel afin d’accomplir les travaux que la population leur propose contre un maigre salaire et un loyer exorbitant. Face à la fermeté des villageois dans leur volonté de chasser ces étrangers, les différents services de l’État français à Mayotte ont alors décidé d’officialiser un véritable service public de délation : « lors d’une rencontre avec le vice-rectorat, la gendarmerie et les représentants des villageois, le directeur de cabinet du préfet, a accepté, au nom de l’apaisement des esprits, que les membres du collectif soient associés à la lutte contre l’immigration clandestine en fournissant des informations aux forces de l’ordre sur le statut administratif supposé de certains habitants de la commune » [8].
De nouveau, on triera les enfants selon leur origine dans les écoles de la République !!!
Ces politiques aberrantes de reconduites à la frontière (26.400 en 2011, dont 6.000 enfants) ont déjà fait plus de 8.000 victimes en mer depuis la mise en place du visa Balladur en 1995.
Des valeurs bafouées à Mayotte
Depuis plusieurs années, de nombreuses associations [9] et rapports officiels pointent les désastres de cette politique néocoloniale, enfonçant chaque année un peu plus la vie des habitants de cette île dans un climat de violence et de racisme. Avec près de 35% de la population sans titre de séjour, ces « occupants illégaux » sont chaque année un peu plus stigmatisés comme étant la source de tous les maux de l’île : l’insécurité, le manque de place à l’hôpital et à l’école…
À qui la faute ? Ne serait-ce pas davantage dû à des décisions politiques plutôt qu’à la présence de ces « clandestins » : très peu de gendarmes pour les rondes de nuit, 66 classes fermées à la rentrée prochaine, grand manque de personnels hospitaliers, d’instituteurs.
Si la France s’est bâtie après la guerre avec des valeurs humanistes dont nous sommes tous si fiers aujourd’hui, pourquoi laissons-nous ces mêmes valeurs être bafouées à Mayotte ?
Les Indigné(e)s de Mayotte
Source: Temoignage