5d4a1e57Evolution paraitrait certainement inappropriée pour parler des profondes mutations intervenues au sein de l’administration fiscale comorienne. Cette administration dont la mission demeure l’une des plus régaliennes de la République est érigée, aujourd’hui, en établissement public administratif(EPA) jouissant d’une véritable autonomie administrative et financière.  Il n’est pas habituel de confier l’administration et la gestion de l’impôt à un établissement public  jouissant d’une autonomie juridique et  détaché carrément du département des finances, le ministère de tutelle. L’on peut légitimement considérer que la création de l’Administration Générale des Impôts et du Domaine(AGID) constitue une révolution copernicienne opérée au sein de la galaxie fiscale comorienne.

Etablissement public

Pourtant, ce n’est pas la première fois aux Comores qu’on confie la mission fiscale à un établissement public, même si de par le monde, l’expérience semble rare. En effet, dans les années quatre-vingt,  le fisc comorien était érigé en Administration Générale des Impôts(AGI), un établissement public administratif autonome administré par un Conseil d’Administration et une Direction générale.

Aujourd’hui, la création de l’Administration Générale des Impôts et du Domaine des Comores(AGID) est motivée par la recherche de l’efficacité d’une administration dont la performance est en deçà des attentes des autorités financières de l’Etat. La direction générale des impôts a, entre 2008 et 2010, enregistré une baisse de ses recettes, lesquelles recettes ayant passé de 33% à moins de 30%.

Recherche d’efficacité

On a donc considéré que l’efficacité du service ne pouvait être obtenue dans un contexte institutionnel où le fisc est éclaté en direction générale des impôts  dépendante de l’Union et trois directions nationales placées sous l’autorité des îles autonomes, le tout sans liens fonctionnels, ni opérationnels et encore moins hiérarchiques.

On a pensé, à raison, que la division de l’administration fiscale constituait un obstacle à la mobilisation des recettes fiscales, aussi bien pour l’Union que pour les îles autonomes en ce qu’elle avait entrainé la fragmentation de la population fiscale, des difficultés d’identification des nouveaux contribuables, une augmentation des coûts de fonctionnement, la non uniformité de l’application de la loi et la démultiplication des interlocuteurs fiscaux. C’est ainsi que s’imposait la mise en place d’une administration unique devant assurer les intérêts respectifs de l’union et des îles, notamment pour ce qui concerne le partage des recettes, la transparence de la chaine des recettes, la fiabilité de la comptabilisation des recettes et le respect des règles d’affectation.

Compétences

L’Administration Générale des Impôts et du Domaine est donc crée par la loi N° 12-004/AU du 21 juin 2012 et son organisation est régie par la loi N° 13-005/AU adoptée par l’Assemblée de l’Union le 19 juin 2013 et portant statut de l’AGID. Et en tant qu’établissement public administratif, l’AGID est également régie par la loi n° 06-010 du 2 janvier 2006 portant réglementation générale des sociétés à capitaux publics et des établissements publics.

L'AGID exerce, pour le compte de l'Union et des gouvernorats, tous les attributs de la puissance publique nécessaires  à la mise en œuvre de la politique fiscale intérieure dont la définition reste sous la responsabilité de l'Union et des Iles. Elle est chargée, de l'application des lois et règlements pris sur la base de la loi de l’Union des Comores, soit de  délibération des îles et relatifs à l’assiette, à la liquidation et au recouvrement des impôts, droits et taxes relevant de sa compétence. Elle est compétente pour la mise en application de la législation pour tout ce qui concerne les impôts directs et indirects et taxes assimilées, les droits d’enregistrements, de timbres, de publicité foncière et taxes assimilées.  Elle s’occupe  également du domaine de l’Etat, de l’organisation foncière, du cadastre, les curatelles, ainsi que les biens vacants et sans maitre ou placés sous séquestre en conséquence d’une mesure de sûreté générale.

Structuration

L’AGID est dirigée par un Conseil d’Administration, une Direction Générale et 3 directeurs régionaux représentant les îles autonomes. Le Conseil d’Administration est présidé par le ministre des finances. Y siègent également les commissaires chargés des finances des îles, ainsi que le trésorier payeur général(TPG), le directeur du budget et le gouverneur de la banque centrale. C’est le directeur général, assisté d’un directeur général adjoint, qui dirige l’AGID. Le directeur général est nommé par décret présidentiel sur proposition du ministre des finances après consultation du Conseil d’Administration parmi deux candidats sélectionnés par un cabinet indépendant à la suite d’une procédure d’appel d’offre. Les directeurs régionaux sont nommés, pour chaque île, par arrêté du gouverneur de l’île, sur proposition du directeur général et après consultation du Conseil d’Administration. Ils doivent être des agents des impôts ayant au moins le grade d’inspecteur.

Par ailleurs, il est crée au sein de l’AGID quatre directions : une direction des grandes entreprises, une direction des petites et moyennes entreprises et des particuliers, une direction du contrôle et des vérifications, ainsi qu’une direction des domaines, du timbre et de l’enregistrement.  

Ventilation des recettes

Les recettes fiscales sont partagées en « recettes propres » aux îles autonomes, lesquelles sont versées sur le compte propre de chaque île ouvert dans les livres la Banque,  et « recettes  à partager » entre les îles et l’Union qui sont versées sur un compte spécial de l’Union ouvert dans les comptes de la Banque Centrale.

Pour couvrir ses dépenses de fonctionnement de ses services, y compris la rémunération du personnel, et d’investissements, l’AGID sera dotée d’une subvention annuelle tirée des recettes des impôts et taxes collectées. En effet, un pourcentage de recettes des impôts et taxes est fixé par le ministre en charge des finances et le montant est affecté à un compte à la Banque Centrale directement géré par l’AGID. Puisque aucun pourcentage minimum n’est fixé, les dispositions légales laissent penser que  ressources de l’AGID vont dépendre du bon vouloir du ministre des finances qui a le plein pouvoir de réguler en hausse ou en baisse la dotation annuelle.

Par ailleurs, pour une bonne gestion des ressources allouées au fonctionnement de l’AGID, le Conseil d’Administration est chargé d’en contrôler la bonne exécution budgétaire et chaque année, il fait diligenter un audit des comptes de cette établissement public.

Transition

Nonobstant  l’article 17 de loi portant statut de l’AGID qui prévoit que le directeur générale de cette institution sera nommé parmi deux candidats sélectionnés par un cabinet indépendant, l’article 41 du statut prévoit, à titre transitoire, que l’actuel directeur de la Direction Générale des Impôts(DGI) sera nommé Directeur générale de l’AGID afin d’assurer son installation effective. C’est une fois que le Conseil d’Administration aura considéré que l’installation de l’AGID est effective qu’il pourra lancer l’appel d’offre pour le recrutement d’un nouveau dirigent.

En dépit de la promulgation de tous les textes relatifs à la création et à la mise en place de cette nouvelle institution, ainsi que la mise en place et la réunion du Conseil d’Administration, sur le plan pratique, la substitution de la DGI par l’AGID peine à intervenir. Jusqu’alors le décret devant nommer l’actuel directeur des impôts, l’homme à l’origine de cette reforme fondamentale, comme dirigent de l’AGID n’est pas tombé. Et l’on ne sait actuellement si le fisc comorien est dirigé par une direction Générale des Impôts(DGI), une direction du ministère des finances ou une Administration Générale des Impôts et des Domaines (AGID), un service public administratif.

Réserves

Il est vrai que toutes les précautions sont prises par le législateur afin d’assurer une sécurité optimum de la gestion administrative et financière de ce nouvel établissement public. Il n’empêche que certains détracteurs de la reforme craignent que ce nouvel établissement public ne s’inscrive dans la lignée des autres établissements publics administratifs ou établissements publics industriels et commerciaux dont  la mauvaise gestion est quotidiennement décriée et les détournements des fonds sont monnaie courante. Sauf que l’AGID fonctionnera avec une subvention dont le pourcentage est fixé par le ministre en charge des finances.  Avec un tel système, le risque de faire engloutir toutes les ressources fiscales dans les frais généraux, notamment les frais du personnel, comme ce qui se passe dans la quasi-totalité des établissements publics, est exclu.

La mission de l’AGID, on le rappellera pas assez, est de gérer et d’administrer l’impôt. Et tout dérapage dans ce domaine conduirait inéluctablement à la remise en cause de l’existence même de l’Etat comorien.  Espérons que ceux qui sont chargés de cette noble et délicate tache sont conscients de l’étendu de leur responsabilité pour ce qui est de la santé macro-financière de cette République lilliputienne qui n’a de ressources pour sa survie que ses seules maigres recettes fiscales.

Abdou elwahab Msa Bacar

COMORESplus

Retour à l'accueil