Il y a 38 ans, le six juillet 1975, l’archipel des Comores a recouvré son indépendance. Sans l’île de Mayotte.

Mayotte est comorienne

L’ancienne puissance coloniale avait décidé unilatéralement de prendre en compte les résultats du referendum d’autodétermination du 22 décembre 1974 île par île. Contrairement à ce qui fut convenu dans les accords  du 15 juin 1973 entre les Comores et la France  relatifs à l’accession des Comores à l’indépendance où il était prévu que ces résultats devaient être considérés sur une base globale. Cependant, la résolution 3385 (XXX) du 12 novembre 1975, relative à l’admission des Comores à l’Organisation des Nations Unies,  a réaffirmé la nécessité de respecter l’unité et l’intégrité territoriale de l’archipel des Comores, composé des îles d’Anjouan, de la Grande Comore, de Mayotte et de Mohéli. Dés la résolution 3161 (XXVIII) du 14 décembre 1973 jusqu’à la résolution 48/56 du 13 décembre 1993, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté pas moins de 20 résolutions pour affirmer constamment l’unité et l’intégrité territoriale des Comores.

Une diplomatie régressive

Depuis une quinzaine d’année, on a l’impression que la question de l’île comorienne de Mayotte préoccupe peu ou prou la diplomatie comorienne. Non seulement, il n’y a eu aucune résolution des Nations unies sur ce contentieux depuis 1994, mais aussi et surtout cette question ne figure nullement à l’ordre du jour des sessions de l’Assemblée générale depuis plusieurs années. Plus grave encore, on rapporte que la question de Mayotte est retirée à l’ordre du jour de l’Assemblée générale à la demande de l’Etat comorien.

L’annonce par les autorités comoriennes que le contentieux sur Mayotte ne fut pas évoqué lors de la rencontre du 21 juin 2013 entre le président de l’Union, M. Ikililou Dhoinine, et son homologue français, M. François Hollande, dénote de l’absence d’une doctrine officielle de l’Etat comorien sur la question de Mayotte.

Mayotte s’éloigne de plus en plus

Il est difficile de nier que l’île comorienne de Mayotte a pris le large. Elle s’éloigne de plus en plus des îles sœurs : un éloignement politique mais aussi et surtout social et économique.

Mayotte est devenue le 31 mars 2011 un département d’outre-mer et une région d’outre-mer. Le 29 mars 2009, pendant que les comoriens se querellaient sur une reforme de la constitution, la population mahoraise  a voté par referendum à plus de 95% pour la départementalisation de leur île (avec plus de 30% d’abstention). Mayotte est ainsi devenue  le 101e département d’Outre-mer(DOM).  La demande d’intégration de Mayotte comme partie intégrante de l'Union européenne est approuvé par le Conseil européen le 11 juillet 2012. Selon cette décision, Mayotte deviendra, le 1er janvier 2014, la neuvième région ultrapériphérique de l'Union(RUP).

Pour son intégration dans la région, Mayotte s’emploie pour devenir membre de la Commission de l’Océan indien(COI).

Drame humanitaire

Pendant que l’économie mahoraise progresse et que la vie de la population de l’île s’améliore de plus en plus, l’économie comorienne s’effondre et les conditions de vie de la population  se détériorent de jour en jour. Cette disparité économique sépare de plus en plus Mayotte des autres îles sœurs et est à l’origine d’un drame d’ordre humanitaire. La jeunesse comorienne, en quête de vie meilleure, périt dans le bras de mer, ce « Mur de Berlin salé », ce cimetière marin, qui sépare Mayotte d’ Anjouan. Ce qui fut un problème politique devient de plus de plus une crise humanitaire prise, malheureusement, avec légèreté par la France et les Comores.

Par ailleurs, les organisations de défense de droits humains ne cessent de déplorer les violations flagrantes et fréquentes des droits humains les plus élémentaires dont  font l’objet les comoriens sur le territoire mahorais. Cette situation est certainement  aggravée par la non application d’une partie de la législation française, notamment les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile(CESEDA), à Mayotte. Une véritable mascarade, car  la constitution française dispose dans son article 73 que dans les départements d’outre-mer les lois et règlements sont applicables de plein droit. Même dans les cas où des dérogations sont admises, celles-ci ne peuvent porter, entre autres, sur les garanties des libertés fondamentales.

Quel retour 

Un certain réalisme pousse à croire que tout retour de Mayotte dans le giron naturel n’est possible qu’avec l’assentiment de la population mahoraise. D’ailleurs, la constitution française prévoit expressément que nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n'est valable sans le consentement des populations intéressées. Et même si la constitution comorienne proclame sans ambiguïté que Mayotte est comorienne, le retour de Mayotte ne pourra se faire contre la volonté des mahorais qui devraient, conformément à la constitution française, se prononcer par referendum. Or l’état désastreux de l’économie comorienne, de l’éducation, de la santé, des infrastructures, de la vie de tous les jours etc.,  annihile tout espoir de voir la majorité des mahorais se prononcer, un jour, en faveur du retour de l’île dans son giron naturel. Ce fossé économique est à même d’obstruer plus qu’autre chose le retour de Mayotte. Tout processus pour la réintégration de celle-ci  au sein de l’Union des Comores est voué à l’échec si le niveau de la vie aux Comores n’est pas préalablement amélioré pour s’approcher de celle qui prévaut actuellement à Mayotte.

Laila Said Omar

COMORESplus

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