400264 334120876615551 95458056 nLe torchon brûle entre Orange Moroni et Mouigni Baraka. Offensé d’être débouté de leurs revendications, le mouvement Orange Moroni part en guerre contre le gouverneur de N’gazi N’gomé. Le commissariat aux finances en ligne de mire.

Depuis quelques semaines déjà, le landerneau blogosphère comorien bruissait de confidences chuchotées parcimonieusement par les milieux « bien informées » sur les tractations en cours à Mrodjou. Et très vite, l’écho des points de discorde entre Mouigni Baraka et la section Orange de Moroni a percé. Mohamed Daoud, alias Kiki et ses amis auraient fait preuve d’intransigeance et  des exigences à satisfaire. De conciliabule en négociation, de concertation en conciliation, de médiation en réunion au sommet, les requêtes introduites par Kiki, l’ex homme fort de « la République  » suscitaient la désapprobation de Mouigni. Les pourparlers préalables au remaniement du conseil de N’gazi N’gomé achoppaient  sur deux points.

Orange Moroni exigeait l’éviction de deux fortes têtes du régime. Le commissaire aux finances et porte-parole du conseil ; Mohamed Soulé Issilam et le directeur du cabinet, Delapeyre Raoul Yvon. Deux personnalités influentes jugées coupables d’obstruction à toute réconciliation du mouvement Orange dans son ensemble. Mais la principale revendication, la plus cruciale et non négociable était la quête du « saint graal » version sous les cocotiers, la nomination, à tout prix, d’un Moronien au commissariat aux finances. Un nom circulait même déjà. Ce que le député résume bien par cette formule : « les finances ou rien ! »

S’il est vrai que chaque citoyen engagé en politique peut légitimement aspirer à accéder à des fonctions importantes, stratégiques, selon ses compétences, il n’en demeure pas moins que s’interroger sur les motivations peut révéler des surprises. Or, force est de constater que, le nouveau « héro » de la lutte contre la corruption, « le tombeur » de Rastami avance des arguments plus que douteux, suspects et étrangement équivoques. Mouigni « manifeste une attitude hostile à Moroni », dixit le député. Avant d’assener comme un coup de massue, en dehors du commissariat des finances, « Mahamoud, (le nouveau commissaire à l’environnement), dans sa nouvelle fonction, ne va rien voir et ne pourra rien faire en retour. »

Quelle relation faut-il établir entre le commissariat aux finances et la capitale ? N’gazi Ngomé serait-il devenu vraiment un régime de « manya huli » ou certaines régions et localités ont des privilèges particuliers ?  Y aurait-il eu quelque part un deal classé « secret défense » qui stipulerait que les finances de l’île déviendrait l’apanage de Moroni ? Autant de questions qui laissent perplexe dans un pays où « la mohélisation » du régime suscite l’indignation généralisée et montre les dérives d’une constitution bâclée.

Cependant, visiblement, au regard de l’équipe installée à Mrodjou, Kiki a perdu de son aura légendaire et de son influence sur le gouverneur.

Le gouverneur s’affirme

Face à l’intransigeance de ses « amis » de Moroni, le gouverneur affirme son indépendance et s’affranchit de leur pesante tendance hégémonique. Ainsi, aucune des principales doléances des Moroniens n’a été satisfaite. Au contraire. Le remaniement opéré à Ngazi N’gomé ressemble plus à un ajustement technique qu’à une révolution de palais.

De ce fait, le résultat constitue un désaveu cuisant et flagrant de l’offensive de la capitale. Mohamed Soulé Islam, l’ex argentier de l’île, au centre de l’œil du cyclone, a seulement changé de portefeuille, cédant le très convoité poste à Soalihi Hamada. Il occupe désormais celui de la production, tout en demeurant numéro deux et porte-parole du régime. Alors que Delapeyre Raoul Yvon voit sa position renforcée. De directeur de cabinet, il passe à commissaire à la sécurité intérieure. Une belle promotion donc. Pire encore, Moroni perd l’éducation qui était sous la charge du Docteur Moussa Said au profit de Mme Sania Boina Boina et ne dispose que d’un commissaire : Mahamoud ABDALLAH chargé de l’environnement.

Il n’en fallait pas plus pour déclencher ouvertement les hostilités.

Frustré, Orange Moroni attaque Mouigni Baraka

Le député de Moroni Nord, Abdoulfatah Said, armé de sa verve et de sa force de percussion habituelle, endosse le costume du « flingueur ». Tel un amoureux éconduit, il confie à La Gazette des douces amabilités à destination de Mrodjou. Les mots sont cinglants, les accusations très graves et les menaces précises. Bref, une belle déclaration de guerre larvée comme le monde politique, seul, détient le secret de fabrication.

Le gouverneur, jadis intronisé en grande pompe par ses détracteurs du jour, « Nguro ndro », devient le détenteur du « plus grand diplôme, le diplôme de la trahison. » Un homme « sans parole ». Il aurait promis le commissaire aux finances à Moroni avant de se rétracter. De surcroît, copinage et népotisme seraient pratique courante : « Le pouvoir de N’gazidja est géré par ses amis de la douane » affirme le député. Et mieux encore, « Mouigni dirige l’île comme la douane ». Les responsables actuels de la douane Amisse et ses adjoints, comme ses prédécesseurs tels que Kiki et Mouigni apprécieront la justesse et la pertinence de la remarque. Mais le citoyen reste dubitatif quant à la comparaison. L’élu de Moroni Nord poursuit sa diatribe par un appel aux conseillers de l’île à « mettre hors d’état de nuire » le gouverneur « avant qu’il ne soit trop tard ». Abus de langage ou appel à l’insurrection ? Un appel ambigu. D’autant que « rendez-vous » est pris « en 2014 et 2016 ». « Nous lui assurons qu’il ne gagnera pas les futures élections », promet Abdoulfatah.

Rupture consommée ou roulement de mécanique afin d’impressionner le partenaire récalcitrant ? Toujours est-il que les déclarations fracassantes du bouillant médiatique député de Moroni Nord fragilisent d’avantage la position de la machine à gagner qu’était le mouvement Orange. Cette confrérie des « douaniers » née aux législatives de 2009, a su s’imposer comme force politique nationale incontournable avant de ravir N’gazi N’gomé. Conçu comme une machine au service d’un homme, son leader naturel d’alors, « Kiki de la république », l’émergence d’autres leaders aux ambitions affirmées, créant une concurrence au sein du mouvement, met en péril l’existence même de ce parti, qui court droit à l’implosion.

Mais au-delà des péripéties de ce mouvement, tant que la nébuleuse de factions politiques qui constelle le paysage politique national ne repose pas avant tout sur une idéologie, un dogme, une doctrine claire et précise mais répond essentiellement à des personnalités enracinées à des localités susceptibles de lever des fonds aux provenances plus qu’incertaines, le pays restera soumis aux caprices de ces apprentis politiciens. Et le pire, c’est que pendant ce temps-là, le pays ne débat pas de l’essentiel : comment subvenir aux besoins élémentaires du peuple ?

BAKARI Idjabou

COMORESplus

Retour à l'accueil