LES RESEAUX SOCIAUX MOBILISENT LES CITOYENS
06 août 2013Chaque jour qui passe apporte son lot de révélations qui font la « une » et surtout le bonheur des internautes, pourfendeurs et défenseurs inlassables de l’actualité sur la toile. Grâce aux réseaux sociaux, le village universel qu’est le net rapproche les Comoriens. Les places à palabre, les places des villes et des villages perdent de leur aura légendaire. Les bangwé virtuels, les forums et pages communautaires gagnent en audience et en popularité.
Des réseaux en vogue
Il faut dire que dans le monde virtuel, les pesanteurs de la bienséance et la hiérarchie qui sied à l’organisation classique sont inexistants. La parole est libre. Chaque être s’exprime sur tout. Les opinions se valent, du moins, dans son expression. La limite, c’est celle que se fixe l’individu, qui au demeurant reste responsable de sa parole, de ses écrits, et le modérateur quand il y en a un. Point de « Mzé » ni de « Foundi » ou encore moins de « Mouhichimiwa sayidina » machin chose, ces courbettes que les Comoriens raffolent, qui monopolise le débat et à qui faire la révérence est un devoir. Du coup, les brides déliées, beaucoup d’interpellations, insultes parfois, accusations souvent proférées à tort ou à raison, débats plus ou moins animés y foisonnent et attirent de plus en plus de monde.
Régal ou fastidieux, le débat sur les réseaux sociaux renouvelle le genre et suscite un intérêt certain de par la diversité, l’acuité et la pertinence des sujets abordés. Du coup, les pages communautaires augmentent à une vitesse exponentielle, les blogs se structurent et les pages personnelles s’affinent.
De la parole aux actes
Telle la méthode traditionnelle des « tracts » jadis utilisée par le Front Démocratique sous l’ère des mercenaires qui avait le don de mettre en furie le président Abdallah, les statuts sur Facebook et les publications des blogs indisposent et dérangent beaucoup. Au point même où Comores Télécom, en mesure de rétorsion, a privé La Gazette de son accès internet pour avoir publié un article sur la censure de cette société : « Comores Télécom referme le monde » massivement repris, partagé et commenté sur la toile.
La défiance à l’égard des institutions et des politiques, jugés corrompus et incompétents, incite les internautes à devenir de plus en plus critiques, suscite des vocations de « lanceurs d’alerte » et de polémistes et stimule les actions citoyennes pour un vrai changement. Rien que ces derniers jours, quelques faits ont révolté, indigné et mobilisé les facebookeurs. A commencer par la supposée « Affaire de séquestration », grosse révélation du blog Mlimadji. Dans un article, le blog accuse ouvertement le VP Mamadou d’avoir séquestré et violé une fillette de 13 ans dans une maison à Moroni. Bien évidemment, le buzz est garanti. Accusation gratuite, diffamation, atteinte à la dignité, manipulation politique etc… crient les uns. Alors que d’autres dénoncent injustice, pédophilie, ignominie, impunité et d’autres amabilités. La saga continue. Mlimadji ne lâche pas l’affaire, entretient savamment la flamme et remet de l’huile sur le feu. D’autres pages assurent le relai et font des piqures de rappel. Le net s’est aussi déployé dans un tout autre registre. Celui de la solidarité. En effet, la multiplication de message de soutien à Hachim a inondé les pages communautaires. Incarcéré dans une affaire de menace de mort par sms proféré à l’encontre d’un chef de projet mauvais payeur, le chef d’entreprise a bénéficié d’un large et massif soutien, sans précédant sur la toile. A tel point que certaines autorités ont cru vraiment à un virus ou un cyber attaque. Plus instructif et prometteur encore, le cas de la mobilisation contre la censure de Comores Télécom : un modèle du genre. Une première dans les annales de la contestation. Née et coordonnées à partir de facebook, l’initiative du soulèvement a pris corps très rapidement. Des équipes dévouées prennent vite la tête du mouvement pour lutter contre les abus d’une société d’Etat qui considère ses clients comme des vaches à lait. Le succès des pages dédiées à cette cause ; « Non à la censure », « Portons plainte » et « Touches pas à mon skype » réconforte ses animateurs dans l’idée qu’il est possible d’agir ensemble pour l’intérêt général. La plainte déposée constitue la preuve tangible de la transformation de l’essai : un passage de la parole aux actes.
Le dernier et pas le moindre cas qui agite et déchaine les passions, avec un flot de commentaires plus ou moins aimables, concerne l’achat, supposé, d’un appartement F5 à Nice par le VP Mamadou. Une acquisition pour la modique somme de 58000€. Un prix somme toute raisonnable dans l’une des cinq villes les plus chères en France dans l’immobilier. Le débat est houleux. Réquisitions sévères contre défenses tenaces s’affrontent. Les arguments pleuvent. Mais on ne retiendra ici que du déballage une ligne se détache : la nécessité de transparence et la volonté de changement. Ainsi, un collectif pour agir autrement prend forme. Dans le viseur, les biens mal acquis. Car si il est vrai que le VP comme tout citoyen est libre d’acheter ce qu’il veut où il veut autant qu’il le souhaite, la question de la nature et de la provenance des fonds ayant servi à l’hypothétique achat intéresse les citoyens. Surtout qu’un soupçon de corruption pèse sur la classe politique alimentant la suspicion.
Une lame de fond monte. Elle réclame ni plus ni moins qu’un vrai Etat de droit. Pas un simulacre de démocratie avec des institutions aux coquilles vides. Un mouvement citoyen est en train de naître. Pourvu que les prochaines échéances électorales ne l’étouffent pas avant éclosion.
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