317263 161304613958488 2073322396 nLe mot notable n’est pas comorien. Il est français né du latin et désigne quelqu’un qui jouit d’une position importante et d’une certaine notoriété au sein de la société. Mais ceux qui lisent aujourd’hui les différents travaux réalisés par des Comoriens (Ouvrages littéraires, articles, Thèses, Mémoires, …) ont tendance à penser que le terme « Notable » est d’origine comorienne. Son usage est plus fort aux Comores que dans son milieu d’origine. Les premiers Comoriens à s’être servis du concept avaient, me semble-t-il, bien compris le sens du mot et son usage était plus que significatif.

En effet, jusqu’aux années 1990, être Notable ou un peu plus c'est-à-dire un Grand-notable c’est être une personne honorable, riche, généreuse, juste, charismatique, respectueuse et respectée…Et étant donné que le Grand-mariage est considéré  comme un passage obligé pour tout Comorien, le Notable demeurait une personne ayant accompli le Grand-mariage. Mais il ne suffisait pas d’accomplir le Grand-mariage pour être appelé Notable ou Grand-notable. Il arrivait que dans une ville comme N’tsaoueni, Mbeni ou Foumbouni où le respect des principes du Grand-mariage avait atteint son apogée on ne trouvait qu’une dizaine de notables. Et aujourd’hui, le mot est banalisé et a perdu son sens original sans bénéficier d'aucun autre sens très significatif.

Titre de grand notable, un virus social

Aujourd’hui, des hommes s’arrogent le terme Notable pour avoir réussi (sans succès) à accomplir le Grand-mariage avec une femme ou non. Des hommes incapables de verser leurs cotisations sociales ; des hommes dont les enfants ne fréquentent pas l’école pour des raisons financières sont appelés Grand-notables et en sont fiers. Et il suffit de les appeler par un autre nom pour qu’ils se fâchent contre toi.                                                                           

Les Cadres Supérieurs de ce pays, malheureusement, ne se rendent pas encore compte que le mot a perdu son sens et ne signifie pas grande chose. Ils sont Enseignants, Médecins, Avocats, Directeurs, Conseillers… mais ils préfèrent être appelés Grand-notables. Dans les grandes rencontres intellectuelles ou politiques, ces Cadres-là s’habillent à la « notabilitaire » afin de se distinguer des autres Cadres n’ayant pas accompli le Grand-mariage. D’où, pondre des idées afin de justifier leur capacité intellectuelle ne leur dit pas grande chose. Même si on leur demande leurs catégories socioprofessionnelles, ils préfèrent répondre ainsi : je suis Grand-notable. Grand-notable est devenu une des catégories socioprofessionnelles aux Comores. Tous ceux qui ont accompli le Grand-mariage ont donc un métier. Une situation qui renforce l’injustice, les discriminations, la corruption…dans les villages. Car, ces gens qui travaillent au « palais de la notabilité » doivent avoir de quoi subvenir leurs besoins vitaux. Et comme dans le Grand-mariage tous les moyens sont bons, chaque matin une personne doit être bannie, il doit y avoir une réception, ou un projet imaginaire doit être financé par le village, une façon de remplir les poches de ces Grands-notables. Et les Cadres-notables y sont pour quelque chose…

Mistoihi ABDILLAHI

Écrivain et Sociologue

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