QUE 6% AU BAC 2013 ! TOUS RESPONSABLES ET COUPABLES.
22 juil. 2013 La faillite du système éducatif national éclate au grand jour. Les résultats catastrophiques et honteux du bac en témoignent. Une prise de conscience de tous les acteurs responsables de ce gâchis s impose avant de reformer le système de fond en comble.
Un constat alarmant
Inexorablement, lentement mais surement, depuis des décennies, la maison Education nationale se consume à petit feu. Des années que la situation perdure. Les ministres défilent. Les dossiers s’empilent. Pas de mesure significative pour améliorer l’état des lieux. La gestion des affaires courantes remplit le quotidien. Point question de la sempiternelle rengaine sur la baisse supposée ou avérée du niveau scolaire. Un débat, qui du reste, n est pas spécifique aux iles de la lune, même si les interrogations sont légitimes.
Non, le constat alarmant et inquiétant porte sur le taux de réussite à l’examen phare qu’ est le baccalauréat: 6%! Une misère, un vide sidéral, un révélateur saisissant de l’échec du système éducatif national. Que 6% d’admis au bac en 2013, après 38 ans d’ indépendance! La déception est énorme, limite inqualifiable. D’autant que les résultats du jour ne constituent pas un accident de l’histoire. Mais loin de là. Ils s’inscrivent bien dans la moyenne de ces dernières années où le taux oscillait entre 4 et 10%. Dire que sous d’ autres cieux, le bac devient presque une formalité. Le taux de réussite tutoyant allégrement les 86%. Les jeunes lycéens comoriens seraient plus idiots qu’ailleurs ? Le comble du cynisme, c’est de voir certains des acteurs responsables de ce fiasco s’honorer de leur cuisant échec: pathétique et lamentable.
Un Etat démissionnaire
Indéniablement, l'Etat demeure le principal responsable. Il se doit d'assumer pleinement et efficacement la mission régalienne qui lui est impartie: l’Education nationale. Quoi de plus noble, de plus gratifiant et lucratif pour un pays que de mieux préparer l'avenir en formant la jeune génération ? Or, force est de constater, que malgré un budget de fonctionnement assez conséquent, l'Education nationale demeure passive et atone quant à l’organisation et a la promotion du système scolaire pour une meilleure réussite. L'Etat est démissionnaire, laxiste et complaisant. Il a abandonné lâchement la scolarité aux mains des établissements privés. En fait, il a procédé à ce qui ressemble à une location gratuite de sa mission principale sans contrepartie. Les institutions étatiques chargées d'animer et de soutenir le système éducatif se murent dans le silence d' une tombe. La formation des enseignants, maillon principal de la chaine éducative, brille par son intermittence faute d’une vision à long terme. Du coup le recrutement du corps enseignant est tributaire du retour aléatoire des étudiants partis à l’étranger, dans des pays plus ou moins réputés.
Un corps enseignant sous-estimé
Pilier indéfectible, dévoué et concerne de l'éducation, le corps enseignant souffre de peu de considérations de la part de sa hiérarchie et de conditions d’exercice peu encourageant. La fermeture ubuesque de l’ENES ( Ecole Nationale d Enseignement Supérieur) et de l'ENI (Ecole Nationale des Instituteurs), formidables pourvoyeurs d' enseignants professionnels compétents et qualifies, à nui considérablement et durablement à la qualité de l’enseignement. L’absence de formation supérieure au pays a conduit bon nombre de jeunes bacheliers à tenter l’aventure à l’étranger. Livres à eux même, sans aide ni soutien en matière d’orientation ni de plan cohérent, beaucoup d’ entre eux se sont retrouves dans des universités plus ou moins réputées, suivant des cursus plus ou moins adaptés aux besoins du pays.
Juste au moment où le pays avait besoin de beaucoup de professeurs suite à la libéralisation du marche de la scolarité. L'augmentation exponentielle de l'offre a entraine des aberrations dont l'évaluation des conséquences reste à faire. Les salaires peu satisfaisants du service public incitent beaucoup d'enseignants, dans un pays où le niveau de vie tient facilement la comparaison avec Paris, à privilégier le privé ou faire vivre dignement est possible des lors que le professeur démultiplié ses prestations. L'accumulation répétitive d'arriérés de salaire a fini par avoir raison des plus résistants. Pour tous ces professionnels dévoués, de tels résultats constituent un échec.
Des privées surcotées
Autrefois, " un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre" chantait Aznavour, il n’existait que deux Ecoles privées à Moroni : l’Ecole française et le GSFA ( Groupe Scolaire Foundi Abdoulhamid). Aujourd'hui, chaque village dispose de son école privée, chaque ville de son ou ses collèges et lycées privés. Les établissements privés ont poussé comme des champignons sans contrôle ni directives de l'Etat. Il n’est nullement question de livrer à la vindicte populaire ces établissements. Néanmoins, à l'aune des résultats catastrophiques du bac, considérant que 80% des candidats proviennent de ces écoles, on est en droit de s'interroger sur l'efficience de certaines d'entre elles. D' autant que phénomène de mode oblige, mimétisme béate d’une société en mal de repère, la quasi totalité de ces jeunes n'ont connu que les bancs du privé pendant toute leur scolarité.
Leur palmarès est un critère pertinent, révélateur de la fiabilité de la structure éducative. Dans ce secteur d’activité, les marchands d’illusion font merveille aussi. Si des établissements comme le GSFA, Ecole Mouigni Baraka etc... réputation et notoriété ne souffrent d'aucune contestation possible, d'autres assurent un service minimum, loin des sacrifices consenties par les familles. Ils se contentent d'empocher le magot. La marche est lucrative.
Des parents dépassés
Contrairement à une époque pas si lointaine, où les parents refusaient catégoriquement d'envoyer leurs enfants à l'école des blancs de peur qu' ils deviennent des "wazoungou makafir". Une période, pendant laquelle, l'enfant était considère avant tout comme une main d'œuvre nécessaire et indispensable à la culture vivrière ou à la pêche si ce n’était l élevage pour la survie de la famille. Aujourd'hui, les familles, conscientes que l'ascension, la promotion sociale passe par l'éducation et le savoir, se saignent à blanc, se privent de tout, investissent plus que nécessaire sur la réussite scolaire de leur progéniture. Ainsi des parents se serrent la ceinture, s'endettent et parait-il certaines se livrent à des actes que la morale reprouve pour offrir une meilleure éducation et espérer un lendemain souriant à leurs enfants.
De parents de la " classe aisée", cadres, simples employés ou de mères au foyer, la fréquentation du privé n'est plus désormais un marqueur social. Il relève du phénomène sociétal pesant. Avec 70000Fk/trimestre de frais de scolarité pour un lycéen sans les frais annexes en moyenne, les familles déboursent des sommes astronomiques au nom de leurs enfants et doivent s'attendre légitimement à une prestation de service à la hauteur de l'investissement dans un pays où le salaire moyen d'un fonctionnaire est de 35000FK. Malheureusement, pour diverses raisons, cet investissement financier s’accompagne rarement, pour beaucoup, d'un suivi scolaire et d'encadrement familial. Le ou la jeune lycéen(ne) se retrouve souvent livrer à lui même.
Des lycéens insouciants
Nul doute que le lycéen est responsable et coupable de la déroute. Le bac, ce précieux sésame avec la forte charge symbolique qu’il représente est la finalité, la quête ultime, le but de ces trois années au bahut. L'obtenir, c'est valider une somme de connaissances acquises pendant tant d'années. Un peu de discipline, un minimum de sérieux et d'application dans le travail semblent suffisant. Il est simplement demander au candidat ni plus ni moins que de faire son job correctement. Or pour la génération virtuose du virtuel, les geek du web 3.0, facebookeurs invétérés, accros des SMS, fideles a MSN, les cours occupent moins de place que les séries sud américaines et les histoires de cœur et de... pour beaucoup. Les difficultés scolaires lies au problème de niveau, les programmes bâcles et inachevés, les contraintes du quotidien complètent le tableau de l'arbre des causes à l’ origine du fiasco. Un tableau loin d'être exhaustif.
On peut difficilement rester inerte face à ce naufrage collectif. Un sursaut national est plus que nécessaire. Il est vital. Un nouveau contrat éducatif s'impose.
Les jeunes lycéens comoriens ne sont ni plus ni moins idiots que ceux d'ailleurs. Et ils méritent largement que tous les acteurs se mobilisent pour reformer profondément le système. Etat, syndicat des enseignants, établissements privés, associations de parents d’élèves comme représentants des élèves et experts de la société civile, ensemble, travaillant en synergie, pour peu qu’ils acceptent de collaborer, peuvent sortir le système éducatif de sa lente agonie.
Idjabou Bakari
COMORESplus