SAKO:UNE DEFENSE BANCALE
28 nov. 2013 Symbole de toutes les turpitudes et des égarements du palais de l'injustice de Moroni, le sulfureux procureur général a rompu le silence. Dans une interview accordée à la Gazette des Comores, hier, Soilih Mahamoud alias Sako a plaidé sa cause. Et, le moins qu'on puisse dire, sa ligne de défense colle visiblement à l'image de son institution: inconséquente, peu crédible et condescende.
"Sako, l'immaculé."
Malgré un constat lucide et réaliste:" La corruption est partout au sein de la société, dans les services comoriens" et même "la justice n'est pas épargnée", le procureur général vire très vite dans un autoportrait tres flatteur, presque héroïque. Un miraculeux, un immaculé, un saint, immunisé contre le cancer de la corruption généralisée, perdue dans un monde plein "d'hommes animés de mauvaise fois." Et il développe sa tirade: " Je suis honnête et digne" Corrompu ? Pas le moins du monde. " Je ne suis pas corrompu!". Mais plutôt un homme intègre et dévoué qui "mène un combat contre les abus et les injustices".
Après la déclaration sur l'honneur, le procureur général déploie son arsenal de défense. D'abord, il défie ses supposes complices d'avoir le courage de se faire connaitre au grand jour. "Que celui qui m'a donné de l'argent vienne témoigner". Ensuite, il s'adresse à tous ces détracteurs et accusateurs les exhortant de fournir leurs preuves:" Qui a des preuves les apporte!" Puis, il assène les preuves de sa transparence et de sa probité."D'ailleurs, j'ai prévenu la commission anti-corruption pour qu'elle enquête sur la corruption au sein de la justice". Enfin, l'argument imparable: "Un magistrat du parquet ne peut pas être corrompu car on ne traite pas des affaires civiles".
"Sako, victime de règlements de compte"
Le magistrat intègre du palais recycle les stratégies de défense. Apres l'auto disculpation, c'est bien connu, la meilleure défense c'est l'attaque. Et si elle est accouplée à la théorie de victimisation, c'est encore mieux. Comme disait la fable "si ce n'est pas toi, c'est donc ton frère". Ainsi, selon Sako, le tribunal serait le siégé d'un groupe de magistrats qui sabotent les travaux de la justice". Un nid de subversifs qui préfèrent boycotter le bon fonctionnement de la justice". Il aggrave la charge en les qualifiant d'"hommes animes de mauvaise foi". Des hommes qui nuisent a la justice. "Ils ont une haine envers certains magistrats et bloquent le bon fonctionnement de la justice". Mais en plus, ils ont des comportements qui portent préjudice aux justiciables." Ils ont des jugements qu'ils n'ont pas rendu et ne travaillent presque jamais".L'absentéisme étant devenu une pratique courante.
Quant aux accusations de corruption sur sa personne, elles seraient le fruit "d'un règlement de compte" de la part d'un ex-procureur débarqué de ses fonctions. Cerise sur le gâteau la "courroie" judiciaire de la mohelisation se présente en tant que "victimohelien"."Si certains veulent m'éjecter parce que je suis Mohelien, c'est qu'ils se trompent". Avant de conclure : "C'est mesquin de réfléchir de la sorte".
" mépris et imposture font bon ménage"
En effet, Sako a raison au moins sur une chose. "C’est mesquin" de traiter tout un peuple "d'ignorants". Contrairement à ses affirmations, afficher un tel mépris à l'égard de ses concitoyens est indigne de la fonction. Les mots ont un sens. Méconnaitre les arcanes d'un monde judiciaire que lui-même qualifie de "corrompu", limite far-west, dans lequel le droit a visiblement déserté les bancs des salles d'audience et les magistrats pratiqueraient assidument l'école buissonnière que le prétoire, ne fait pas du citoyen un idiot fini.
Si il n'était pas question de l'homme le plus influent du palais de justice, la défense de Sako prêterait à rire. Un rire jaune bien entendu, tellement leur légèreté et leur inconsistance frisent le ridicule. Une prise de parole qui réduit à néant les maigres espoirs d'une vraie reforme de la justice.
Comment croire à une volonté de reforme face à de telles inepties, d'incohérences et de déconnection à la réalité ? Que le procureur général disculpe Sako. Cela va de soi. Personne n'attendait mieux. Mais qu'il s'amuse avec le peuple en lançant un appel solennel, un défi à ses supposés complices, "les corrupteurs" de sortir de l'ombre! De plus, saisir la fameuse commission anti-corruption pour "enquêter au sein de la justice"! Le citoyen lambda, tout ignare qu'il est, sait parfaitement que la coquille vide de commission anti-corruption est juste bon pour amuser la galerie, servir de faire valoir auprès des institutions internationales friandes de ces appellations incontrôlées et de planques dorées et juteuses pour les amis.
Mais le summum de la tartufferie du One Man Show de Sako revient à l'exigence de preuve. Décidemment, à cause sans doute de Mamwe, Le procureur général a du rater la conférence de presse du procureur M. Oussein. Car ce jour la, l'ex-procureur de la république avait bel et bien présenté des preuves matérielles étayant ses accusations. Que cesse le déni de réalité. Des preuves exhumées, exhibées, des personnes confondues ou sur lesquelles plus que des soupçons de délits graves pèsent sur elles sont nombreuses et de surcroit connues des services de la justice. Pourtant l’impunité totale continue ses beaux jours. Enfin, oser sous entendre qu'au plus fort de la mohelisation du régime, être de l'ile de Djoumbe Fatima serait un handicap, n'est ce pas le comble de l'hypocrisie à moins que ca soit une nouvelle provocation.
Au delà du cas factuel de Sako, il est difficile de ne pas s'interroger sur le rôle du ministre de la justice. A un moment crucial où la justice n'inspire ni confiance ni respect, les magistrats se livrent mutuellement à des accusations graves de corruption, manquement à l'éthique et à la déontologie, soumission aux politiques et peu soucieux du droit, le silence du garde des sceaux devient assourdissant. Une reprise en main de ce bateau à la dérive s'impose. Un coup de balaie au préalable semble salutaire. Un conseil national de la magistrature seul ne ferait que de multiplier la cacophonie.
Idjabou Bakari
COMORESplus