FAIZA : VICTIME DE SES ENGAGEMENTS CITOYENS ?

La  jeune journaliste Faïza Soulé Youssouf du journal Al-watwan a été licenciée (Faïza Al-watwan sur facebook), il y a quelques jours. Ce licenciement abusif ne faisant plus de doute (cf les prises de position de la rédaction du quotidien, « les 4 raisons qui prouvent que Soimadou a tort » sur la page soutien à Faïza), les explications de cette décision « inouïe », « brutale, unilatérale et illégale » sont sans doute ailleurs.

« Une journaliste engagée »

La jeune journaliste est connue pour son engagement citoyen. Il faut dire que, depuis maintenant quelques années, Faïza est en première ligne dans tous les combats pour  l’amélioration des conditions de vie des  comoriens.

Elle participe pleinement à l’organisation du Mouvement Madji na Mwendje, qui lutte jusqu’à présent, pour une meilleure fourniture de l’énergie en s’appuyant sur des solutions pérennes. Elle faisait déjà partie, au début de l’année dernière, du Mouvement Citoyen qui luttait pour la même cause. Photos à l’appui, elle s’est indignée contre le directeur de la Mamwe, qui alors que le pays entier était plongé dans l’obscurité, n’a rien trouvé de mieux que d’aller  pousser la chansonnette au Select.

C’est encore elle,  qui, pour la première fois,  lance un appel à la mobilisation par vidéo pour la journée île morte de 2014. Un appel fait à partir de l’extérieur du pays. Dans ce geste  spontané,  elle a dénoncé avec véhémence le mépris et l’indifférence affichés par les gouvernants face à la souffrance du peuple comorien et a  exhorté ses concitoyens à se battre. La vidéo avait battu des records d’audience : près de 10 000 vues en 4 jours, soit bien plus que les vidéos publiée par les hommes politiques comoriens les plus suivis.

Ce n’est pas tout. Elle fait également partie du collectif « 3000 euros pour sauver une vie » qui continue à venir en aide au jeune paraplégique abandonné dans un hôpital malgache.

Ce n’est pas fini. Tout le monde a en mémoire l’épisode du tir volontaire du garde du corps du vice-président Mamadou. Elle a porté aussi cette cause, d’autant que la victime n’est autre que son oncle. Un intense moment d’affrontements par communiqués interposés entre la famille et le clan du vice-président.

« Un esprit libre et professionnel »

Le parcours de cette journaliste est semé d’engagements forts et d’actions entièrement assumés qui irritent.

Quand elle croit à une cause, elle n’a pas peur de donner de sa personne, de son temps, de son énergie. Lors de la manifestation du 06 juin dernier, elle a été victime de violences policières, elle a pris des coups. Elle n’a pas pour autant baissé les bras.  Au contraire, elle a porté plainte contre ses agresseurs. Et  attend toujours l’ouverture de l’instruction…

En fouillant un peu, on se rend compte que son militantisme remonte à 2011 avec le Mouvement Wanantsi wa Komori. Elle a d’ailleurs été suspendue pendant 3 mois  de ses fonctions  au sein de la société d’Etat Com’Air Assistance. La cause? Son engagement encore lui. En effet, elle était l’une des leaders de ce mouvement avec d’autres organisations socio-professionnelles qui a préparé  une série de manifestations dont deux journées ville morte. D’ailleurs à la veille d’une grosse mobilisation, elle a été arrêtée de manière totalement arbitraire. Le lieu de la manifestation quadrillée par les forces de l’ordre.

A voir son parcours, difficile de ne pas se poser de question sur les raisons de son licenciement. Au pays de l’Omerta, de la résignation et du régionalisme exacerbé,  une femme comme elle dérange. Dans un pays où, être salarié de l’Etat condamne à adopter  profil bas et mutisme, le militantisme de Faïza parait insupportable, limite une déclaration de guerre aux yeux de certains. Ainsi,  les « raisons » de «  s’en débarrasser » sont légion.

Est-ce pour rendre service au gouvernement ? Après, l’élan de solidarité que son licenciement a suscité et les témoignages de soutien qu’elle a reçus, on est en droit d’en douter. Décision précipitée,  « aubaine pour s’en débarrasser » ? Toujours est-il que, Soimadou avait toute la latitude de la censurer  -et de la surveiller-  en la gardant au sein de la société d’Etat. Mais en la virant, Faïza ne risque-t-elle pas d’être encore plus virulente, sans censeur pour «  rectifier » ses articles ?

Said Ali Soilih

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