LA PRESIDENCE AZALI : PORTRAIT D’UN REGIME EN DECALAGE

Par OM

Longtemps, je me suis posé en spectateur naïf, espérant et croyant au changement. Mais à mesure que les jours se succèdent, ma déception grandi et, aujourd'hui, elle a atteint son paroxysme. Il faut dire que les événements de ces derniers jours balaient toute forme d'espoir. De retour au pouvoir, le président Azali peine à convaincre. Il multiplie les mesurettes; des mesurettes aussi illisibles les unes que les autres, lorsqu'elles ne sont pas complètement en décalage avec les enjeux politiques du moment. Cet article se propose de dresser le tableau de ces espoirs déçus et de l'homme qui, malgré lui, les incarnait. Portrait d'une démocratie mourante et d'un homme trop sûr de lui.

« Une démocratie agonisante. »

Récemment sur Africa 24, un journaliste de la chaîne interrogeait le président Azali sur le licenciement massif des jeunes comoriens et la hausse du salaire de ses ministres notamment. Le président, avec aplomb et sang froid, a daigné répondre qu'il ne s'agit là que la première d'une longue série de mesures analogues. Les Comoriens doivent donc se faire à l'idée de conjuguer avec autant de décisions incompréhensibles. Il y a là, deux hypothèses possibles. D'abord, personne ne méconnaît, hormis visiblement le premier citoyen comorien lui même, l'impopularité de cette décision de licenciement de masse. Donc, soit le président comme tout le monde, sait que cette décision fait grincer des dents parmi les simples citoyens longtemps martyrisés et choisit de leur tourner le dos ce qui constituerait une forme de mépris, soit, et c'est là la deuxième hypothèse, il ignore tout de ce que pense son peuple ce qui marquerait une déconnexion totale entre lui et ses administrés. Dans tous les cas, on est là face à une aberration qui mérite d'être soulignée. Nul ne peut, en situation de démocratie, ignorer ou mépriser son peuple.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que le président Azali n'est pas à son premier mandat en tant que chef d'Etat de l'Union des Comores. C'est d'ailleurs lui, le premier président de celle-ci. Il connaissait donc les difficultés qui l'attendaient et il y a refait face. C'est qu'il se pensait à même de faire mieux qu'auparavant. Pourtant, il donne l'impression d'instaurer progressivement un régime de terreur ou même de dictature en tout cas liberticide se manifestant par des arrestations arbitraires et des violations des libertés fondamentales. Des hommes sur lesquels pèsent des réels soupçons de détournement de fonds à la tête desquels le tristement célèbre docteur Djaza, ont été arrêtés, incarcérés puis relâchés sans la moindre forme de jugement. De l'autre côté, des journalistes dont le travail d'informer est reconnu à l'instar d'Abdallah Agwa, sont inquiétés sans réels fondements. Et comme pour renforcer le caractère déjà terrifiant de ce régime, les peines d'outrage à magistrat, se prononcent comme l'eau qui coule. Une justice expéditive donc, à la tête de laquelle, un avocat dont la fonction consisterait en temps normal, à combattre les injustices ou à dire le droit.

Nous voilà face à un régime qui tâtonne. Cela n'est pas inédit en soi. Les Comoriens ont une lourde expérience de ces régimes laboratoires. Ce qui est particulier dans le cas présent, c'est que le président à l'origine de tout ce cafouillis, affiche une fierté déconcertante comme convaincu que le meilleur est à venir. On peut tout à fait camper ou demeurer sur ses positions du seul fait de la conviction. Mais lorsque la conviction est au delà des espérances du peuple, le fossé se creuse rapidement. Et l'histoire est là pour nous rappeler que rarement un gouvernement n'a brillé sans son peuple complice.

« Un homme trop sûr de lui »

Interrogé sur sa politique, le président Azali a insinué qu'il ne changerait pas d'un iota, sa politique actuelle. Il se trouve que le peuple qu'il administre, est en décalage de point de vue avec lui. Le président ne remarque-t-il pas ce décalage ? Ce qui est certain c'est que le président est extrêmement fier de lui. Cela l'empêche de voir la réalité en face et donc d'apprendre de ses erreurs. Dire que malgré l'impopularité de ces mesures, il maintiendra son cap, c'est là une preuve irréfutable de son excès de fierté. Il est vrai, la conviction est la mère de toute idée porteuse. Mais la conviction poussée à extrême, finit par frôler l'entêtement. Et de l'entêtement, c'est exactement ce que récuse les peuples offusqués. S'il a coûté la peau du président tunisien au lendemain de la Révolution du Jasmin, s'il a coûté très cher à Mubarak, il peut être tout aussi dangereux ailleurs en d'autres circonstances.

Omar MIRALI

COMORESplus

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