MORONI : PEUT-ON SE HISSER LES UNS DES AUTRES ?
18 janv. 2017Par NM
Le départ. Après la pluie, le beau temps parviendra-t-il à pointer l'horizon afin d'illuminer une région qui en mérite tant ? La grande ville des Comores venait, en effet, d'être bousculée par une secousse politique. Dans les faits et le verbe. Elle est partie du ministère de l'intérieur. Le chef des lieux, Mohamed Daoud Alias kiki, s'est rendu sur les trottoirs de la ville pour nettoyer un commerce informel, et surtout un encombrement des espaces de circulation piétonne le long des extérieurs de l'hôpital El-Marouf vers le marché volo-volo et autres lieux.
Quelques mois plutôt, celui ci occupait la fonction du maire de Moroni, désigné à l'issue d'un choix surprenant, eu égard des résultats sortis des urnes. Un "nettoyage" qui n'aura pas réussi à convaincre les victimes de " l'improvisation politique" ira jusqu'à crisper une grande partie de l'opinion à cause d'une méthode perçue comme cavalière. L'écho de la mairie, porté par Moustapha Chamsoudine, sur la chaîne de Mayotte 1ère est venu raviver un malaise déjà criant, quand le magistrat de la ville a suggéré à une partie de la population de regagner "chez eux". Quelle réplique de l'État après une telle bévue ? Mesure-t- on les conséquences qui écclabousseront jusqu'aux comoriens résidents à Mayotte, dont le "chez eux" aura trouvé un refrain jubilatoire ?
Le silence du maire sortant et actuel ministre de l'intérieur n'aura que trop dévoiler les doutes réels qui pesaient sur sa méthode et le dédoublement quant à sa fonction de représentant de l'État. Comme si la surprise de son élection municipale l'a rendu redevable et fragile auprès de ces grands petits électeurs, réputés de souche, distingués électeurs, imbus de tant de complexes, qui, en somme, affaissent la solidité d'une ville à la hauteur de Moroni.
« Le bal des complexes »
Ce que la désignation finale pour l'élection municipale, pose un sérieux problème de bon sens, au-delà de la légalité textuelle. Il saute aux yeux quand il s'agit de Moroni, ville hautement politique, dès le transfert de la capitale, lors de l'autonomie interne vers les années 1960, de Mayotte à Ngazidja. Le Moroni de la tradition, dont les racines seraient les "Wenya Mahatub ", renforcées ultérieurement par les "wenya matswa Pirusa", allait entrer dans une nouvelle phase d'ouverture et d'assimilation de plusieurs vagues comoriennes, qui caressent sa beauté et son offre nouvelle. Un bouleversement sur le conservatisme. Il est inconcevable de verrouiller l'élection municipale, sous les mains d'une sorte de "G8" ou un machin de conseil de sécurité pour choisir le premier magistrat de la ville capitale, nonobstant un échec cuisant essuyé dans les urnes ! De surcroît, on a sinistrement réussi à installer une fumée démocratique où certain(e)s électeurs et électrices ne puissent être éligibles !
1- Complexe de supériorité
Les familles de tradition ont du mal à sortir des schémas légués des aïeux. L'essence de la ville se devait de conserver sa crème, qui ne saurait que refléter les quartiers de Badjanani, Mtsangani... Au point que les quartiers de Irugudjani, Magudju'u, Basha seraient perçus comme des zones déjà périphériques. Ceux-ci trouvant également Zilimadju, Djomani, Hamramba, Mbuweni plus fades encore. Or, ces quartiers, conséquence de l'accroissement démographique, émergeaient parmi des familles venues du centre de la prétendue "crème ancienne et traditionnelle", si on considérait que dans la tradition grande comorienne, sur plusieurs enfants de la même famille, seule la fille aînée garde la concession familiale initiale. Les autres partent vers d'autres périphéries pour s'y installer et entamer d'autres vies de couple et donc de nouvelles familles en devenir.
Certes des familles venues d'autres horizons plus lointaines et proches des Comores s'y sont ajoutées par la suite, pour aboutir au résultat actuel, phénomène évident de la capitale d'un État fédéral, extrêmement centrée sur sa gestion administrative. C'est ainsi qu'une famille modeste comme la mienne venue exclusivement de Mbeni a croisé, dans ce brassage "d'accidents" de la vie, des familles formidables et des amis mémorables : Laith Bacar Kassim, Soidroudine AHAMADA, Nasser Ahamed Ali, Papa Hassan Bounou, Dr Ahmed Ali Assoumani, Fundi Gaba ( paix à son âme insha'Allah)... Dans les quartiers de Ribatwi, Asgaraly, Djomani, Mhumre ect. Quelques uns avouent, aujourd'hui, n'avoir découvert mon "mbenité", si je puis dire ainsi, qu'une fois en France, par le biais d'autres croisements de vie familiale et de couple. Cette méfiance des individus tintée de mépris des uns envers les autres, aura fait bloquer un projet d'ouverture présenté quelques années plutôt par les bureaux de RPDM et RCBF. Mr Barwane Mohamed, n'a pas vu d'un bon œil un statut qui met en équilibre l'ensemble de quartiers qui composent la ville de Moroni. Il aurait dit, au cours d'une réunion en île de France que "ce sera très dommageable car ces gens là ne nous ressemblent pas ". Un précèdent !
Par ailleurs, il est à noter également le beau texte cosigné par un certain Nakidine Mattoir, ancien président de CASM. Il dénonce les propos du Maire Moustapha Chamsoudine et loue "une hospitalité légendaire (...) une ouverture mémorable et incontestable" de Moroni. Sic. C'est le même qui voulait, un temps plutôt, une assise exclusive de Moroni à 2 quartiers, Badjanani et Mtsangani ", à en croire un commentaire facebook posté par Soidroudine AHAMADA. C'est dire qu'il y a des mentalités à assainir pour mieux vivre la ville dans la dimension qui est la sienne. L'outrance de langage du maire en exercice n'est autre que cette accumulation vieillote d'une grande ville qui rechigne à s'assumer dignement et démocratiquement.
2- Complexe d'infériorité
Cet engrenage a nourri également un sentiment néfaste de résignation. Beaucoup d'habitants des zones dites périphériques, à force des regards condescendants, ne se mobilisent pas assez pour cette commune qui les a vus naître pour une bonne partie. Qui les a vus venir également. Qui les voit venir travailler et partir aussitôt. Puis revenir le lendemain. Et des lendemains successifs. Une chaîne qui unit tant de diversités. Dans le même navire. Le nôtre. Il est évident que Ntsaweni, MBENI, Nkurani, Fumbuni , Djoyezi, Mutsamudu... Offrent moins une perspective d'élire des maires venus des ailleurs du pays.
Mais ce n'est pas la capitale des Comores. Et pire encore, le pouvoir étatique n'a jamais tenté une grande politique de décentralisation, moyen de créer d'autres pôles économiques, devant attirer d'autres vagues de déplacement. Londres a réussi, à l'issue d'élections ouvertes, sans un "G8 malicieux, " ni " un conseil nobiliaire corrompu de chef des quartiers ", à faire de Sadiq KHAN, fils d'origine indo-pakistanaise de confession musulmane, son maire. Nul n'a le droit de braquer son regard exclusivement sur le nombril. Il est vraiment temps de lever la tête pour regarder le monde, tirer le bon grain de l'ivraie, avec courage et respect.
Nourdine MBAE
COMORESplus