LA DIPLOMATIE FRANÇAISE PEUT-ELLE RATER L’OCCASION DE SE RÉCONCILIER AVEC LES COMORES ?

La relation entre la France et les Comores est marquée par une longue histoire commune, souvent douloureuse. Les deux nations ont partagé des moments tumultueux, notamment des crimes politiques, institutionnels et diplomatiques perpétrés par la diplomatie française contre les Comores. Des acteurs comme le mercenaire français au service des services secrets français ont laissé des traces indélébiles. Aujourd'hui, la question de Maoré reste un symbole des injustices passées, scrutée par les juristes et les défenseurs des droits humains. Et les nombreuses résolutions des Nations Unies.

La liste des actes hostiles de la France envers les Comores est suffisamment longue pour alimenter un documentaire détaillé. Des actions comme celles de Bob Denard, mercenaire français, sont tristement célèbres. Les crimes commis, y compris les assassinats de présidents comoriens et de civils, restent gravés dans les mémoires. Le drame du visa Balladur, mis en place par le Premier ministre français de l'époque, a également coûté la vie à de nombreux Comoriens. Pourtant, malgré cette histoire tumultueuse, les liens entre les deux nations perdurent.

« L’histoire est rugueuse mais… »

Malgré les blessures, il est indéniable que les Comoriens gardent une affection particulière pour la France. Nombreux sont ceux qui aspirent à obtenir la nationalité française ou à visiter la métropole régulièrement. Environ 300 000 Comoriens vivent en France, représentant une part significative de la population totale de l'archipel. Malheureusement, ce rêve de France a aussi conduit à des tragédies, avec 145 000 Comoriens qui ont péri dans les eaux entre Nzuani et Maoré.

Historiquement, la France a toujours cherché à maintenir des liens étroits avec les Comores, que ce soit pour des raisons économiques ou stratégiques. Cependant, ce "mariage de raison" a souvent été entaché de brutalité et de méfiance. Aujourd'hui, près de 50 ans après l'indépendance des Comores, les relations restent complexes et fragiles. Le récent soutien tacite de la France au régime controversé du Colonel Azali Assoumani a exacerbé les tensions. Les Comoriens, las de la dictature et de la répression, montrent des signes de désaffection envers la France, brandissant même les drapeaux d'autres nations lors de manifestations publiques.

« Une diplomatie de disgrâce »

Le régime d'Azali Assoumani, marqué par la corruption et les violations des droits humains, bénéficie du soutien de la France, selon certains observateurs. Ce soutien, visible lors des élections controversées du14 janvier 2024, renforce l'image négative de la diplomatie française aux yeux des Comoriens. La France, pays des droits de l'homme, se retrouve accusée de complicité avec un régime autoritaire.

Pourtant, il est encore possible de réconcilier les deux nations. Une nouvelle approche diplomatique, basée sur la reconnaissance des erreurs passées et le respect mutuel, pourrait ouvrir la voie à un partenariat durable. La France pourrait mobiliser l'élite comorienne qu'elle a formée pour construire des ponts solides et équitables.

Au-delà du realpolitik qui amène les états démocratiques à collaborer étroitement avec les dictatures tropicales, il faut s'interroger sur les limites de cette diplomatie aveugle.Comment des pays démocratiques peuvent-ils aller jusqu'à soutenir des régimes comme celui d'Azali Assoumani, qui a démantelé les maigres infrastructures institutionnelles démocratiques des Comores ? En réprimant violemment la liberté d'expression, en tuant des dizaines de personnes, emprisonnant des centaines d'opposants et détruisant le développement économique, ce régime qui contraint la jeunesse comorienne à risquer leur vie en mer pour espérer un avenir meilleur ailleurs. Où est la limite de cette diplomatie aveugle qui soutient un clan familial tout en perdant l'écrasante majorité des populations, que ce soit aux Comores ou ailleurs en Afrique ? Cette diplomatie aveugle, en légitimant les victoires électorales des dictatures, sacrifie la paix et la stabilité des populations.

La diplomatie française peut-elle saisir cette occasion pour se réconcilier avec les Comores et bâtir un avenir commun fondé sur l'amitié et la raison ? La présence ou l’absence de représentants français lors de l'investiture contestée d'Azali Assoumani le 26 mai 2024 enverra un message fort. La France doit prouver qu'elle est prête à écouter et à respecter les aspirations du peuple comorien, en mettant de côté les intérêts pour privilégier les valeurs de justice et de liberté.

Ali Youssouf Chioni

Secrétaire Général du MOUROUA

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