A Mayotte, pas de soins pour les sans-papiers
16 oct. 2009 Face aux arrestations devant les hôpitaux, les étrangers en situation irrégulière renoncent de plus en plus souvent à se soigner. Parfois au prix de leur vie. Colère des associations.
Une médecine des urgences de Mamoudzou, à Mayotte, s’en indigne encore : « Un grand-père, sans-papiers, insulino-requérant, a vu son titre de séjour provisoire expirer. Il s’est fait arrêter et reconduire à Anjouan. Il en est revenu amaigri, avec une grosse complication de son diabète. Cela a entraîné un coma, puis la mort. » A Mayotte, les acteurs de la santé font le même constat : la politique du chiffre en matière d’expulsions de « clandestins » constitue un obstacle quotidien à l’accès aux soins. Il faut dire qu’au sein du futur 101e département français, cette politique prend des proportions inédites. A la fin septembre, la préfecture a déjà atteint l’objectif de 12.000 reconduites à la frontière fixé pour 2009. « On va certainement atteindre les 17.000 cette année », indique même le nouveau préfet, Hubert Derache. Un chiffre à comparer avec les 27 000 expulsions visées pour toute la France métropolitaine.
Responsable de la mission Médecins du Monde à Mayotte, le docteur Marie-Pierre Auger s’insurge : « Les policiers s’installent aux abords des dispensaires et attendent que les gens viennent se faire soigner pour les arrêter. En métropole, si un événement de la sorte se produit, il est médiatisé. Ici c’est tous les jours que cela arrive. » Ce contexte a conduit une autre ONG, Médecins sans Frontières, a ouvrir un centre de soins à la périphérie de Mamoudzou, en mai dernier. « Dans notre dossier médical, nous demandons à nos patients : avez-vous renoncé aux soins ces derniers mois ? Si oui, pourquoi ? Les gens répondent toujours la peur d’être arrêté, pas forcément le manque d’argent », explique Isabelle Alix, coordinatrice médicale. Selon elle, ces obstacles sont « réellement préjudiciables à la santé, dès lors qu’ils entraînent une rupture de soins ».
Né aux Comores, Antoisse Ousseni a servi quatre ans dans l’armée française. Deux de ses enfants ont un passeport français. Mais la préfecture refuse sa régularisation au prétexte qu’il ne peut justifier d’une entrée légale sur le territoire. Le vieil homme se terre donc dans le « banga », une cabane de tôles et de planches surchauffée, où il réside. Pourtant, il souffre d’hypertension. « Quand je vais à l’hôpital, je dois faire attention à ne pas être poursuivi », se désole-t-il. Un accident vasculaire cérébral, la semaine dernière, l’a conduit tout droit aux urgences. « Des cas d’hypertendus qui font un AVC et qui se retrouvent hémiplégique, des diabétiques non contrôlés et qui risquent de devenir aveugles à quarante ans, on en a plusieurs », témoigne-t-on à MSF. « Le soir, on nous amène des bébés qui ont eu 40 toute la journée », rapportent pour leur part les médecins urgentistes de Mamoudzou. Cet afflux de patients après 19 heures n’est pas rare : à cette heure-là en effet, la police aux frontières a fini sa journée de travail…
Hugo Lattard
HUMANITE.FR