ABDOURAHAMANE CHEIKH ALI S'ADRESSE AU GOUVERNEUR DE NGAZIDJA
26 déc. 2013A Son Excellence Monsieur le Gouverneur de l'île de Ngazidja
Monsieur le Gouverneur,
Je me permets de vous écrire au sujet du choix de la ville qui doit abriter l'hôtel de ville dans la commune de Bambao Yadjou. Je sais que vous privilégiez le compromis pour surmonter les rivalités ancestrales entre villages dans le choix des localités devant abriter les sièges des délégations spéciales. Mkazi a fait preuve du sens du compromis dans la composition de la délégation spéciale de Bambao Yadjou en se contentant du poste de 1er Adjoint au Maire et en concédant à Mvouni les postes de Maire, de 3ème Adjoint et de Secrétaire Général de la commune. Les représentants de Mkazi avaient reçu de leurs homologues de Mvouni et de Mavingouni des assurances sur l'implantation de l'hôtel de ville sur leur territoire. Des rivalités ancestrales entre Mvouni, Mkazi et Mavingouni et des conflits fonciers récents entres habitants de Mkazi et leurs voisins conduisent aujourd'hui certains habitants de la commune de Bambao Yadjou à renier leur parole et à envisager l'implantation de l'hôtel de ville dans un no man's land au milieu des champs. Si ce projet absurde devait se concrétiser, ce ne serait pas un hôtel de ville mais plutôt un hôtel des champs! En effet, un hôtel de ville, qui est en fait le "Bangwe" moderne, ne saurait être construit au milieu de nulle part. Comme son nom l'indique, il doit être érigé DANS la ville. La commune ayant pour vocation de rapprocher l'administration des administrés, la logique voudrait que l'hôtel de ville soit implanté dans la ville la plus peuplée de la commune, en l'occurrence Mkazi qui, avec ses 8500 habitants, abrite plus de 55% de la population du Bambao Yadjou. Toute désignation contraire sera anti-démocratique.
Je tiens à rappeler que les conflits entre localités voisines ne sont pas l'apanage du Bambao Yadjou et n'ont jamais remis en cause le statut
des villes impliquées. Des conflits fonciers opposent Moroni à Iconi, les pêcheurs de la capitale ont souvent maille à partir avec ceux de la ville voisine d'Itsandra et pourtant il ne viendrait à personne l'idée de "punir" toute la population de Moroni et de transférer la capitale ailleurs. Le conflit meurtrier en décembre 1998 entre Mirontsi et Mutsamudu n'a pas remis en cause le statut de cette dernière ville comme chef lieu de l'île de Ndzouani. Des innocents ont perdu la vie à Mdé et à Vouvouni dans un conflit qui a opposé les 2 villages voisins et pourtant les habitants de la commune de Bambao Yahari ont pu dépasser les rivalités inter-villageoises et ont su se mettre d'accord pour installer le siège de la délégation spéciale à Mdé. Je peux citer d'autres exemples de conflits entre villages voisins qui n'ont pas provoqué de chamboulement dans la hiérarchie des villes et villages.
Excellence Monsieur le Gouverneur,
Le compromis traduit une bonne gouvernance mais lorsqu'il peine à se dégager, l'autorité politique doit trancher. Je vous demande solennellement de ne pas cautionner la stigmatisation de toute la population de Mkazi et de ne pas entériner un choix anti-démocratique qui heurterait la fierté de plus de 55% de la population du Bambao Yadjou.
S'agissant des conflits fonciers qui déchirent les Comores, il appartient aux tribunaux de les régler.
Depuis la chute du gouvernement d'Ali Soilihi, l'Etat sous-traite la gestion des conflits intra et inter-villageois à des autorités coutumières de moins en moins efficaces alors que la préservation de la paix civile constitue la raison d'être de l'Etat. La recrudescence et la gravité des conflits qui déchirent les communautés doivent conduire aujourd'hui l'Etat à exercer pleinement ses compétences en matière de sécurité des biens et des personnes.
Vous remerciant de votre compréhension, je vous prie d'agréer, Monsieur le Gouverneur, l'assurance de ma très haute considération.
Abdourahamane Cheikh Ali