ACHIRAFI SAID HACHIM, PRESIDENT DU PARTI CADIM, S'EST ENTRETENU AVEC COMORESplus
16 déc. 2013" Le droit est la première richesse d'un pays !"
Achirafi Said Hachim a été ministre de la fonction publique et des affaires islamique du président Djohar et ministre de l’interieur du Taki Abdoulkamrim. Fondateur et président du parti RDDC, devenant parti Cadim depuis fevrier 2011. Le président du parti CADIM nous a accordé une interview. Pour lui, les Comores souffrent d'un manque d'organisation. L'instabilité chronique, au service de certains hommes politiques, soucieux de se servir au lieu de servir, dans un pays où la justice est soumise et la corruption règne à tous les étages, avec une tournante qui accentue le chauvinisme insulaire au dépens d'un idéal républicain, le salut ne peut venir que d'une réfondation nationale: un renouveau des institutions avec la collaboration de la diaspora.
Comoresplus : Monsieur Achirafi Said Hachim, 40 ans après l'indépendance, les Comores se cherchent encore. De quoi Soufflé le paus ?
Ashrafi Said Achim : Je crois que le pays souffre d'un problème structurel et pâtit de la conjoncture. Et celà dès sa naissance. A la proclamation de l'indépendance, les Comores manquaient cruellement des infrastructures nécessaires dont un jeune Etat a besoin. Tant sur le plan socio-économique qu'organisationnel. Par ailleurs, je suis convaincu que la question de Mayotte a bouleversé la donne. La relation avec l'ancienne puissance tutrice a dysfonctionné. L'accompagnement vers une prise en charge efficiente des prérogatives de l'Etat, de son encadrement et de son organisation a été baclé. Il y a en outre, l'instabilité chronique qui a prévalu après. Ajoutons à celà, le "chacun pour soi". Personne ne pense pays, Etat, ou république. Point d'ambition pour le pays, ni de projet, encore moins de conscience nationale. La corruption généralisée parachève le mur des handicaps. Une corruption à tous les étages. Malgré des magistrats bien formés, ils demeurent sous la coupe de politiques qui les brident et les maintiennent sous leur tutelle. Or le droit, le respect de la justice est la première richesse d'un pays. Car il garantit les libertés fondamentales pour tous, encourage les initiatives et guide l'Etat. Par conséquent, une refondation du pacte républicain est nécessaire pour rétablir un vrai Etat de droit. Ce que la tournante, qui au départ était sensé être un compromis en tant de séparatisme n'est pas parvenu à réaliser. Ni Azali, ni Sambi et ni Ikililou n'ont pu élever le niveau du débat politique au niveau national. Au contraire, ils ont renforcé le chauvinisme insulaire et ont fait de la tournate une monarchie îlienne. Il est impératif de tenir des assises pour évaluer la tournante. D'autant que Sambi, Azali et pourquoi pas Ikililou peut-être souhaitent se representer en 2016. La question est comment mieux gouverner et définir un projet commun ? Et la tournante élude ce problématique.
CP : Vous avez soutenu Ikililou pour les présidentielles, quelle analyse faites-vous de sa politique ?
A. S. H : Ikililou est sujet à beacoup de critiques. Or le mal vient aussi de ses prédecesseurs. Il s'inscrit dans la continuité. Aucun président n'a brillé dans les questions d'intérêt général. C'est mal parti !
CP : Les Comores connaissent des scandales de corruption à répetition. Le dernier étant la "citoyenneté de la honte" avec Abou Achiraffi. Quel est votre avis sur la situation?
A. S. H : Ceux qui ont conçu la citoyenneté économique pensaient bien faire. Cependant, il faut créer des mécanismes de contrôle et de transparence pour ces fonds. Sinon, on s'expose aux malversations. Et il y a de quoi s'inquièter. C'est comme la polémique entre Sambi et Mamadou sur l'argent de la citoyenneté économique. Peut-on un jour connaître le fin mot de l'histoire ? Ni la justice, ni la commission anti-corruption n'apporte pas de réponse. Elles gardent le silence. La justice doit devenir autonome et indépendante.
CP : Le président Ikililou a été attendu en France pour parapher "des accords de coopération et de défense". La France occupe Mayotte. Beaucoup de Comoriens voient dans ces accords une "cession déguisée" de Mayotte. Qu'en pensez-vous ?
A. S. H : La question de Mayotte relève du droit international. L'ONU a reconnu un archipel, une république avec les frontières coloniales. Dès lors Mayotte ne peut pas être française ! Cependant, il faut être réaliste. Un tableau ronde avec tous les acteurs du dossier comprenant, les Mahorais, la France, les Etats riverains et les Comores, doit se tenir pour aplanir les difficultés. Notamment discuter de la circulation des hommes entre les îles. On ne peut pas ne pas aller à Mayotte. Quant aux accords de défense, ils sont nécessaires et indispensables. Nous n'avons pas la capacité de nous défendre seuls. Donc, sans complexe, dirigeons nous vers des accords de coopération avec des partenaires, tout en nous responsabilisant. La France est un pays ami. Il nous revient à nous de définir nos priorités d'abord.
CP : 40 ans après l'indépendance l'Arabie Saoudite ouvre une ambassade à Moroni au moment où le chiisme progresse. Et la constitution comorienne se reclame du sunnisme. Doit-on craindre une guerre de confessions téléguidée depuis le Moyen-Orient ?
A. S. H : Les comoriens sont avant tout musulmans, majoritairement sunnites et tolérants. Donc, aucune guerre fratricide à craindre. En aucun cas, les relations bilatérales ou multilatérales ne doivent pas être à l'origine de dissension interne. Pas plus que la pratique religieuse. D'où encore le besoin d'un état de droit.
CP : Vous êtes président du parti CADIM. En quoi votre parti diffère-t-il des autres ?
A. S. H : CADIM m'a fait l'honneur de le présider. Tous les partis défendent les principes fondamentaux: liberté, justice, progrès, sécurité, développement etc... Nous sommes un parti qui dans l'opposition ou au pouvoir cherche à impulser un changement fondamental, à une refondation du pays. La quête des portefeuilles ministérielles et de directions juteuses n'est pas notre pratique. Nous oeuvros pour un idéal de changement culturel, économique, juridique et social. Nous travaillons pour un processus de développement.
CP : Quelles sont vos solutions pour répondre aux attentes d'un peuple abandonné ?
A. S. H : D'abord, réviser la constitution afin de revenir à une république et non au pouvoir d'une île. Ensuite, procéder à des études approfondies des secteurs clés afin de fixer un cap précis et clair et des objectis réalistes. Lutter farouchement contre la corruption. Mais surtout rémedier à cette justice défaillante afin de la rendre indépendante et crédible. Ainsi, permettre aux entrepreneurs, aux investisseurs et aux audacieux d'agir en toute tranquillité. Bref, il faut travailler à instaurer un climat de confiance et de stabilité.
CP : Quelle va être la stratégie électorale de CADIM aux législatives ?
A. S. H : Nouis faisons parti de la majorité présidentielle. Donc, nous allons discuter avec nos partenaires. Nous espérons positionner des candidats au sein de l'alliances pour le renouveau politique, pour être présents à l'Assemblée nationale. Pourquoi pas intégrer des citoyens de la diaspora ? Mais cela dépendra de la suite que donnera le gouvernement aux attentes légitimes de cette diaspora.
CP : Le "Tous pourris, corrompus" est une reflexion largement partagée chez les Comoriens. Une défiance vis-à-vis des politiques. Vous, qu'est ce qui vous motive encore ?
A. S. H : C'est vrai que la population, dans la misère et la difficulté se retrouve face à quelques politiciens dans l'opulence illicite. Certains entrent en politique pas pour servir mais pour se servir, s'enrichir. La politique n'est plus un idéal mais un tremplin pour son intérêt personnel. Moi, je suis en politique pour me rendre utile. J' ai fait mienne la phrase de Kennedy. Je fais de mon mieux pour mon pays. Ma démarche est d'amener le peuple à relever la tête, à garder un peu d'espoir, à aimer l'entreprise et à défendre la justice. Mon voeu, voir le pays se redresser. Sinon, j'aurai suivi le chemin de mon défunt père, un grand commerçant.
CP :En ce moment une partie de la diaspora se lève pour reclamer ses droits et devoirs, notamment le droit de vote et une representation à l'Assemblée, qu'en pensez-vous ?
A. S. H : La diaspora, ce sont des Comoriens. Ils doivent jouir des mêmes droits que ceux de l'intérieur. Je suis tout à fait favorable qu'elle intègre l'assemblee. La diaspora est un acteur important pour le rayonnement culturel, indispensable pour l'économie du pays et potentiel vecteur de renouveau de par sa richesse et sa diversité de talents et d'experstises. On ne peut pas se permettre de les écarter.
CP : La tournante pour Mayotte, c'est du faisable ou complètement utopique ?
A. S. H : Je suis d'avis qu'on y réflechisse. Rien n'est impossible en politique. "La politique passe là où l'aiguille ne passe pas" disait De Gaulle. Ce qui importe c'est l'intérêt général. Et si Mayotte pouvait revenir, quel bonheur ! Avant de finir, j'insiste sur la situation confuse et le flou savamment entretenu par les anciens présidents Sambi et Azali. Ils doivent expliciter l'idée qu'ils se font de la constitution. Au lieu de communiquer sur leur désir de retour au pouvoir, ils auraient tout intérêt à faire part de leur expérience gouvernementale, avec un état des lieux, un bilan et les perspectives d'avenir. Et par la même occasion expliquer aux citoyens pourquoi, ils tiennent tant à revenir au pouvoir.
CP : Achirafi Said Hachim: Merci
A. S. H : Merci à vous de même, de m’avoir accordé cette interview que je juge très importante.
Propos recueillis par Idjabou Bakari
COMORESplus