« FRAGMENTS D’EXPERIENCE» : Une rencontre animée, sans langue de bois et très instructive
09 sept. 2014
Salle comble pour Idriss Mohamed Chanfi à la présentation parisienne de son livre ;« Fragments d’expérience : parcours d’un révolutionnaire comorien ». L’homme, ses engagement, ses combats, ses idéaux, ses valeurs, les trahisons et autres échecs, en somme, son « héritage-témoignage » d’une époque très mouvementée et décisive pour le devenir des Comores et ses perspectives d’avenir ont été passés au crible par un auditoire averti et impatient de « cuisiner » l’une des figures historiques de l’ASEC, du FD et animateur du Comité Maoré.
Pendant trois heures, Mohamed Idriss a répondu, sans langue de bois, aux multiples questions, remarques, observations, interpellations et témoignages, livré ses réflexions et a appelé « au rassemblement des nouveaux patriotes et à l’engagement ».
Fragments d’une rencontre.
Un concert de louanges pour l’œuvre
C’est un phénomène très rare qui du coup mérite d’être souligné. Une telle unanimité de tous les intervenants pour saluer « modestie, rigueur, objectivité, voire autodérision » dixit Hassan Jaffar. Mahafidh Eddine rajoute « courage et fortes convictions ». Moncef S. Ibrahim surenchérit de « vive émotion et audace », Irchad Abdallah agrémente le tout de « persévérance, constance et lucidité ». Un vrai concert de louanges pour l’œuvre, son auteur et surtout les raisons d’être de « ces fragments » de l’histoire du pays. Une démarche fortement appréciée qu’un acteur aussi actif livre sa version des faits avec autant de « lucidités ».
Des compliments valables autant pour le fond que pour la forme. Ceux qui ont eu la primeur de découvrir le livre ont fait part d’une qualité de plume hors pair, agréable et bien charpentée. Une pépite pour toute âme intéressée par la passé récent des îles de la lune. Même si Idriss affirme ne prendre le stylo que « par absolue nécessité ».La richesse de l’œuvre, mise en valeur par les lecteurs, s’est poursuivie avec l’auditoire, très attentif, pertinent et soucieux d’en savoir plus et d’engager le débat.
Autopsie d’un échec : la révolution version ASEC-FD
Si la raison d’être et la pertinence du « Parcours d’un révolutionnaire comorien » sont indiscutables, c’est parce que justement, ces « fragments d’expérience » parlent à tout le monde et suscitent moult réactions. C’est une longue période décisive de l’histoire politique, de l’histoire tout court du pays qui est en question. De l’autonomie interne élargie, passant par la marche vers l’indépendance, l’expérience soilihiste, le règne de Bob Denard, la décapitation du FD de 1985, jusqu’au récent sommet de la COI à Moroni. D’où le droit d’inventaire, un semblant de procès d’une génération, d’une organisation révolutionnaire qui avait tout « pour transformer » le pays mais visiblement a oublié « de prendre en compte les réalités locales », se coupant ainsi de la masse.
Par conséquent, les diverses interventions ont permis d’écouter le récit des faits et dates marquants : l’inimité à l’égard d’Ali Soilihi née de « ses agissements violents pendant la période Umma-Mranda ». 1985, la préparation du coup d’Etat, la trahison de l’autre, les conditions d’incarcération et la décapitation du Front. La libération du « Mandela » national et son « Anyibu » comme seul discours, « homme brisé et coupé du monde ». Le cafouillage du parti après le putsch d’Azali à cause de divergences de vue de la direction exécutive entre autres sujets abordés.
Tout comme « des commentaires de texte » sur les félons, ces frères d’arme qui ont viré de bord, troquant « le col Mao au djoho » si ce n’est un retournement de veste, la mise à l’écart du parti, la timide « mea culpa » et excuses aux « amis » et non au peuple pour espoirs déçus. Mayotte, l’indépendance du pays, la position du Comité Maoré et des gouvernements successifs sur les « désaccords » franco-comoriens (Aniami Mchangama) et la polémique liée à l’absence d’idriss pendant le sommet (Angloma et Mahafidh Eddine) ont été longuement abordés également.
Le fil conducteur de toutes les prises de parole était de comprendre comment « la machine à fabriquer des cadres » bien structurée, avec une idéologie et des convictions affirmées suscitant tant d’admiration « Est-ce qu’ils sont des comoriens ? », porteuse de tant d’espérance a-t-elle échoué ? L’auteur a apporté un début de réponse. Mais comme un disait un des interlocuteurs, « ce n’est qu’une introduction » d’un long chapitre de l’histoire nationale.
La suite ? « il appartient aux nouveaux patriotes » de définir la ligne politique à adopter et à défendre les intérêts du pays. Car « les voyous officiels n’ont aucun patriotisme ». Une affirmation confirmée par le témoignage poignant de Malika, ex-représentante du PNUD à Moroni en 1995 qui s’étonne encore qu’ « un premier ministre, un président de l’Assemblée nationale et un chef de l’armée se réfugient à l’ambassade de l’ancien colon au moment où le pays a besoin de ses leaders ». D’où les incitations et appels à l’engagement citoyen pour le pays. Widad, Mabad et Idriss ont appelé au rassemblement des bonnes volontés. Une chose est certaine. Même si on « s’occupe pas de politique, la politique s’occupe de nous » disait le général Birman. Morale de la rencontre, engagez-vous pour qui vous voulez, mais, engagez-vous quand même et pour des « patriotes » de préférence.
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