GREVE DES ENSEIGNANTS, LES ELEVES SONT SACRIFIES PAR LES PATRONS DE L'ENSEIGNEMENT
17 janv. 2014Danse classique ou saison cyclique, la grève à l’éducation est apparue avec son lot de mensonges, de menaces, de contre vérités et de courses girouettes. Le journal Alwatwan dans sa publication du mercredi 15 janvier dernier a fait apparaître deux articles, l’un en page 2 et l’autre à la dernière sur l’éducation. Ces deux articles sont un bon exemple de ces caractéristiques décrites plus haut. Dans le premier article, la Commissaire à l’éducation a fait exactement le même jeu que ses prédécesseurs, c’est-à-dire jouer le jeu de l’étouffement, de l’accusation et de la fabrication du bouc émissaire. Dans sa stratégie, les enseignants doivent ramasser la colère du peuple qui voit ses enfants trainer dans la rue.
En effet, dans cet article on nous dit que madame la Commissaire recommande aux enseignants de faire preuve de « civisme et de responsabilité ». Je trouve cela assez étonnant de la part d’une autorité de l’éducation qui accuse officiellement nos foundis d’irresponsabilité et de manque de civisme. Mais, j’appelle les enseignants à revisiter ces deux notions pour mieux comprendre le contexte. Qu’est ce que le civisme ? C’est le sentiment qui fait le bon citoyen (attachement à la Cité, à la patrie….)
Et du coup, surgissent en moi des questions :
- Est-ce qu’un travailleur qui réclame de meilleures conditions de travail n’est pas un bon citoyen ?
- Supposons que les enseignants observent le silence, rentrent dans les classes et ouvrent les portes des écoles chaque matin. Est-ce que pour autant le problème de la gestion de carrière de ces derniers sera réglé ?
- Et pour finir, en quoi la grève, qui est un droit universel reconnu par nos textes de lois peut-elle être perçue comme un manque de civisme ?
Quant à la responsabilité, il s’agit de l’obligation de répondre, d’être garant de certains actes.
Quel est donc la responsabilité de l’enseignant dans le scenario de l’enseignement/apprentissage ? Les missions sont claires, il s’agit d’exécuter des plans et programmes mis à disposition par l’Etat. Cette responsabilité est reçue par le fonctionnaire des mains de l’Etat qui lui confie également le droit de défendre ses intérêts lorsque ceux-ci sont enjeu. En quoi donc la grève est une preuve d’irresponsabilité ?
Ces questions et ces définitions préalables démontrent encore une fois que le débat est mort. Les limites de tels arguments et la faiblesse des lignes d’attaque sont à plaindre. Mais, comme depuis longtemps, je m’oppose à ces grèves à répétition qui ne concernent que le bien du travailleur et jamais celui du travail. Nos enfants vont dans des écoles sans toilettes, sans tables et chaises, sans tableau, sans cahier, sans livres et sans craies. Jamais le syndicat n’a daigné se rebeller contre ces difficiles conditions de travail. Jamais les enseignants n’ont organisé de conférences ou des réunions publiques pour dénoncer ces conditions qui encouragent l’échec scolaire. Touts les grèves de tous les temps mettent en exergue des conditions financières.
Mais dans tout ceci, je trouve que l’Etat est victime de son désordre, de l’abandon de ses principes, des valeurs et des procédures administratives.
Wandru wedungana tsi magoungouno
Il me parait utile de rappeler que l’Etat a des outils pour gérer ses personnels. On peut être recruté le même jour et connaître des parcours très différents, cela dépend du degré d’engagement et de la qualité de travail de chacun. Dans ce cas précis de l’enseignement, il faut bien expliquer au public que l’enseignement a des personnels appelés « Inspecteurs » et « Conseillers pédagogiques » sur l’ensemble du territoire, dans les fameux CIPRs. Le rôle de ces personnels est de contrôler le degré d’exécution des programmes, la qualité des apprentissages et l’engagement et le sérieux de chaque enseignant pour établir un rapport personnel à transmettre à la hiérarchie. La finalité est de mettre au point un programme de formation continue d’une part et d’autre part proposer les meilleurs enseignants au tableau d’avancement annuel. Cette façon de faire crée l’émulation chez les personnels enseignants qui vont mieux travailler pour décrocher un avancement l’année d’après.
Mais, ce que je présente ici appartient à l’histoire et la gestion des personnels est soumise à la pression des syndicats. Des syndicats qui vont demander que les centaines d’enseignants parsemés sur le territoire national bénéficient tous d’avancement le même jour. Je parie que si l’Etat revenait à ce scenario que j’ai évoqué plus haut, tout le monde gagnerait. L’Etat aurait les moyens d’avancer quelques centaines d’enseignants par an, le système gagnerait en efficacité puisque chacun des enseignants ferait des efforts pour améliorer son travail et espérer bénéficier d’un avancement. Les encadreurs pédagogiques auraient du travail à faire et se sentiraient mieux dans leur rôle de participation aux décisions.
En ce moment là, les syndicats présenteraient finalement sur la table des discussions , les énormes problèmes de travail (manque de manuels, de supports pédagogiques, de locaux, de formations, de calendriers, d’inspection….) qui seraient des contributions à l’amélioration de notre système éducatif. Dans le contexte actuel fait du « tout ou rien », l’Etat n’aura pas les moyens de ces revendications. Et l’on aura beau appeler à la responsabilité et au civisme, rien ne changera.
Demain, les enseignants décideront sous leur propre initiative de revenir en classe mais après demain ils reprendront la grève car leur problème n’aura pas trouvé de solution. Tant que l’Etat ne se redresse pas, tant que les instruments de la gestion des personnels ne sont pas utilisés, tant que les personnels de la Fonction Publique ne comprennent pas que l’Etat recompense les meilleurs et sanctionne les faibles, nous resterons encore longtemps dans cette valse qui finit par ne plus faire danser. Et chaque jour que dieu fera sur cette terre sera un jour de grève. Mais dans tout cela je soutiens la grève parce qu’elle va me faire gagner quelques points indiciaires moi aussi et après de longues années de gel de carrière.
Ali Mohamed
COMORESplus