HOTEL DE VILLE OU MAIRIE DES CHAMPS : BAMBAO YADJU AU BORD DE L’IMPLOSION
24 juil. 2014
On croyait la hache de guerre enterrée profondément dans le Bambao Yadju. C’était à coup sûr sans compter sur les chevaliers de la discorde, ces champions du monde de la division et du mal vivre ensemble. Et dans le concert des régions en conflit ouvert, le Bambao mène la danse et celui du yadju tient apparemment à rester en tête du hit-parade. Les faucons ont le vent ascendant. Malheureusement, rien n’y fait. Pas même la présence de ce mois sacré de ramadan. Décision politique peu apaisante, « Fatwa » inimaginable, « malavo » ahurissant, la commune la plus homogène de Ngazidja vit peut-être ses derniers jours.
Hôtel de ville ou mairie des champs ?
Telle est à priori la question qui divise Bambao yadju en deux clans : Mvouni et Mavingouni d’un côté et Mkazi de l’autre. Pourtant, après le découpage et l’instauration au forceps des délégations spéciales par le gouverneur, plusieurs réunions et conciliabules tripartites avaient eu lieu pour adopter une position commune. Un compromis, semble-t-il fût trouvé à l’époque. La délégation spéciale siégeait normalement pendant un laps de temps.
Le calme revenu, la paix retrouvée, on s’attendait à une reprise des travaux. Hélas, de nouveau, la polémique sur la localisation et l’emplacement de l’hôtel de ville reprend de plus belle, atteint des proportions inimaginables conduisant la commune au bord de l’implosion. Le couple Mvouni-Mavingouni conteste âprement l’idée d’une mairie sise à Mkazi. Il préfère, de loin, l’option d’une implantation à mi-distance entre ces trois localités. Et il le fait savoir par tous les moyens, y compris des plus abjects et donc, condamnables.
Bien évidemment, ce revirement n’est pas du goût de Mkazi. Elle se drape dans sa légitimité conférée par la loi votée par les députés de l’Union des Comores et ne compte surtout pas se laisser déposséder de ce « noble » privilège. D’autant qu’elle bénéficie du soutien de quelques « athlètes » prêts pour les scrutins olympiques de 2016.
Bambao yadju victime de strabisme divergeant
De loin, difficile de prime à bord de comprendre les motivations profondes et sérieuses du mélodrame qui se joue actuellement dans cette commune. Surtout qu’au regard de la loi et de l’organisation administrative, nul ne peut raisonnablement contester le statut de « capitale » régionale de Mkazi. Ville la plus peuplée de la commune, la première à accueillir tous les enfants au sein de son école primaire et à abriter le service cantonal d’Etat-civil. Un chef-lieu cantonal que jamais personne auparavant n’a remis en cause.
Sauf à sonder l’histoire récente et mouvementée des acrimonies, des états d’âme et des ambitions plus ou moins affirmées forcément opposées des trois localités.
Mkazi victime de ses bad boys …
Pourquoi une telle levée de bouclier ? L’histoire récente peut fournir quelques clés de compréhension. A peine Mouigni Baraka découpa et imposa les délégations spéciales, une frange incontrôlée de Mkazi procéda à une opération « occupation illégale » de terrains appartenant à des habitants de Mavingouni. Un litige, qui malgré la médiation de la notabilité et des actions en justice, n’a trouvé son dénouement que quelques jours avant l’installation officielle du maire. En somme deux ans de défiance, de guerre salivaire et de blocus.
Le conflit Mkazi-Mavingouni était d’actualité que la tentation expansionniste de certains Mkaziens les a conduits à s’attaquer à des biens fonciers de Mvouni. La riposte fût très rude avec des dégâts conséquents. Ces querelles de voisin, ajoutés aux multiples petits accrochages inhérents au mode de vie locale, induisent un comportement de méfiance et de suspicions réciproques. Mkazi serait devenue victime de ses bad boys. A une volonté d’hégémonie supposée, répond un orgueil blessé, bafoué. Mavingouni « capitale » historique et au carrefour de la commune plaide pour sa situation géographique pour héberger l’hôtel de ville. Mvouni la capitale des « cerveaux » appréhende les soubresauts d’une bipolarité avérée de sa rivale. D’où l’idée d’un lieu neutre : une mairie des champs.
La commune victime des chevaliers de la discorde
Ils sont légions, ces faucons profitant de l’air chaud ambiant pour prendre le vent ascendant. Et lorsque les petites calcules politiciennes à la petite semaine s’immiscent, la radicalisation s’affiche. Jadis, fief imprenable de Mouzaoir Abdallah et d’Ali Mroudjaé, la région est devenue orpheline de ses « parrains ». Sans aucun régional de l’étape d’envergure, chacun joue sa partition et croit en sa bonne étoile. Tant pis pour l’intérêt général.
…Tremplin pour un destin national ?
Dans sa démarche forcée, d’installation de ses délégations spéciales, avant les prochaines échéances électorales, Mouigni Baraka comptait capitaliser sur la paix retrouvée dans la commune. Mais face à la fronde, il a choisi son camp. Il joue la carte Mkazi à fond. C’est ainsi que Bambo ya dju se retrouve avec un maire et un conseil municipale tous issus de Mkazi.
Le boycotte et le retrait des délégués des autres villes ne l’incitant même pas à faire usage la médiation : « ye essentiel ndé muhimu » comme dirait l’autre. L’objectif est ailleurs. C’est que le gouverneur sait parfaitement que derrière la fronde se cache une armada de bonne volonté toute désireuse et intéressé par ce vivier ce réservoir important de voix. Par conséquent, tous les moyens sont bons pour s’assurer d’avoir une part du gâteau. La guerre de positionnement de chef trouve localement de relais dans tous les milieux sociaux. Pire encore, la situation se radicalise. Plus que jamais, la commune est à deux doigts de l’implosion. La guerre salivaire et médiatique commence à se traduire en acte. Une délégation du couple rebelle Mvouni-Mavingouni a exprimé le désir de se rattacher à Moroni, au nom de liens historiques. Une proposition que si elle était dénué d’arrières pensées politiques, contribuerait à dépassionner le débat sur le grand Moroni.
Moins honorable et glorieuse la décision d’interdire aux enfants devant passer les examens d’entrée en 6ème de s’y rendre. Motif : le centre d’examen est situé à Mkazi. Un « fatwa » émanant, et c’est une circonstance aggravante, de la notabilité locale, soutenu par une grande parti des « cadres ». Le jour J il y avait 95% des enfants de Mavingouni qui ont pu composer grâce à l’intervention des jeunes. Et seulement 5 enfants de Mvuni ! Mieux encore, des parents ont eu l’outrecuidance de rentrer même dans les salles d’examens pour récupérer leurs progénitures. Comble de la bêtise humaine, le vendredi suivant, un directeur d’école qui a osé brisé le blocus a été banni –ha lapvoi- et condamné à payer 2 000€ pour sa réinsertion.
On aurait cru que l’école, l’éducation et le devenir de nos enfants demeurent un sanctuaire protégé des vicissitudes de la vie politique et de l’ingérence du « mila na ntsi ». Hélas, encore une tabou qui tombe. Est-ce à dire que quand la politique des intérêts s’allie à la notabilité asservie le monde devient no limit ? La fin justifierait-il les moyens ? Et la commune dans tout ça ? Comment des intellectuels, des « Ulémas » et des parents peuvent-ils cautionner de telles dérives ?
BAKARI Idjabou
COMORESplus