Les raisons d’un silence
27 avr. 2013
On est nombreux à se demander pourquoi la population ne bouge pas après les derniers évènements. Mais quand on sait la crise qui la touche au plus profond d’elle-même malgré un versement régulier des salaires, quand on voit haut combien elle irritée par les mesures des dites délégations communales, quand on observe la montée galopante des scandales financiers, à se demander si elle ne partagerait un succès !
Loin de l’idée de l’apologie d’un retour aux putschs, mais il n’y a pas de différences entre un ZINZINDOUE envoyé par l’UA et l’OIF en 2002, pour remplacer la commission nationale d’homologation des résultats, formée de juristes nationaux, représentatifs de tous les courants politiques, aux grands dames de l’accord de Fomboni. Rien ne diffère cet acte de la décision du conseil constitutionnel, qui, au mépris de la contestation contre la fraude massive avérée, a proclamé, malgré les observations négatives des observateurs de la communauté internationale, des résultats, dont le peuple sait, lui font voler sa victoire.
Si à coup de millions volés dans les caisses de l’état, certains s’octroient tous les droits, y compris de la vie et de la mort, le peuple ne peut que rester indifférent dans ces combats de coqs.
Pourtant, il n’est plus besoin de sortir d’une très grande école, pour comprendre la sociologie du pays. Anjouan et Mayotte, ont toujours eu une vocation ouvrière, donc plus combatifs au devant des revendications, alors que Mohéli et Ngazidja, raisonnent en paysans, donc plus attentifs à la volonté divine. L’exemple d’un président confronté à une tentative de coup d’état, qui se retourne, à la population pour le sacrifice d’un taureau est révélateur. D’ où une certaine dichotomie dans les mises en œuvre des mesures gouvernementales.
Entre des Comoriens qui croient en l’état, pour satisfaire leurs besoins, et ceux qui ne comptent que sur Dieu pour apporter les solutions, le fossé est grand. Mais, avec un peu de responsabilité, jamais une loi comme celle du maire de Pontoise, ne viendrait semer la discorde dans le pays. La constitution de 1978, avait réglé la question des communes à l’échelle du pays, sans heurts. Elle disait je cite : « seront érigées en commune, tout village de plus de 100 habitants ou plusieurs villages qui en feraient la demande ».
Pour mieux comprendre la situation politique que traversent les Comores aujourd’hui, j’invite à remonter le temps jusqu’en 1992. Au moment de la discussion sur le texte constitutionnel, les Mohéliens ont demandé que « l’équité entre les îles » soit établie comme règle. Ce qui, au demeurant, était parfaitement concevable. Sauf que, les partenaires, dans le débat, ne l’ont pas compris ainsi. Ils se sont aventurés sur la voie d’une « égalité des îles », au dépend de la réalité sociale et économique.
Depuis, cette notion est intégrée dans le raisonnement des cadres de toutes les régions, jusqu’à déboucher sur les dix ans de séparatisme et aujourd’hui « l’ingouvernabilité » du pays.
La haute trahison qui, hier, ne serait tolérée par aucune autorité politique, est devenue, aujourd’hui un système de garantie de pérennité à un poste. Ce qui était vrai hier, avec la signature d’Abdou Souefou, autorisant, Mayotte à participer aux Jeux des îles de l’Océan Indien, avec le gouvernement d’Ahmed Abdallah Sambi, qui, au moment du renouvellement de l’accord de pêche avec l’Union européenne, a accepté un document faisant de Mayotte une entité différente des autres îles différencié, ne peut être différencié, aujourd’hui, avec la signature par le ministre comorien des affaires étrangères, du document de la COI, qui prive le pays de l’île sœur. Là encore, au nom de la durabilité au poste, et de surcroit d’un rendez-vous de son excellence le Président, auprès de son homologue français, quoi alors de plus normal pour un gouvernement lâche et sans conviction ?
Il n’y a pas si longtemps, un président nomme Ahamed Abdallah Sambi a laissé sans réagir diplomatiquement, l’organisation d’un referendum, sur la départementalisation de Mayotte. Où étaient les réactions des intellectuels et politiques sur une exigence de saisine du conseil de sécurité de l’ONU ? Aucune. Tout le monde s’est engouffré contre l’idée d’une modification de la constitution et un prolongement de mandat. Cette décision est passée comme une lettre à la poste. Voilà que des intellectuels, venus d’un autre monde, crient aujourd’hui au secours contre le diable, parce que l’essentiel est avalé.
Hier des experts en tout genre, nous expliquaient que jamais, nous ne gagnerons une bataille pour Mayotte contre la France, car, notre pays n’intéresse personne. A l’heure où le pays commence à intéresser du monde, les intellectuels et les cadres du pays se dressent comme un seul homme, contre toute idée d’ouverture à l’exception d’un monde arabe en proie à ses multiples contradictions. Ce sont d’ailleurs ces mêmes cadres, qui, au nom de la durabilité du poste, signent entre deux verres, des conventions engageant le pays pour des décennies, parfois, au détriment de l’intérêt national.
Avec la politique dite de réconciliation nationale, on voit bien, que l’île d’Anjouan, longtemps bernée dans des mensonges, commence à prendre conscience de sa place dans la construction nationale. Elle a changé son drapeau, supprimant la main pour la remplacer par les quatre étoiles comme à Ngazidja. Quelle autorité lui a imposé ? Personne, si ce n’est le bon sens.
Pour contrer cette évolution, les acteurs de cette période triste, n’ont eu d’autres choix, que l’actualité présente : retour programmé de Mohamed Bacar, la tentative de coup d’état et les agissements pour la réintégration des ex-FGA au sein de l’Armée Nationale de Développement.
Après les révélations de la presse française sur la participation du mercenaire M. Klein à cette tentative de déstabilisation, on aurait bien voulu avoir les explications de l’Ambassade des Comores à Paris qui, durant près de trois mois, a reçu dans ses murs, cet affreux. Faute de quoi, ça serait alors aux enquêteurs de se penser sur nos diplomates.
Il n’y a pas longtemps, le blog Infos-Wongo, a accusé Mohéli d’occuper toutes les hautes fonctions, alors que sa population ne représente que de 5% de la population du pays. L’auteur du texte, a, par contre, volontairement omis, dans ses explications logiques, le fait qu’Anjouan, avec 42%, de la population, ne contribue aux recettes de l’état qu’à hauteur de 12% et ce depuis 1978 alors qu’elle reçoit près de 58%, dotation et fonctionnaires nationaux confondus, tandis que Mohéli ne contribue au budget qu’à hauteur de 0.2%. Comme à l’accoutumée, la faute, ce sont les autres, mais moi, je suis clean.
Tant que le complexe empêchant le droit de vérité, ne sera pas aboli, que l’équité soit adoptée comme base de raisonnement, que la compétence conjuguée à un effort de patriotisme, ne soit la seule garantie pour accéder aux responsabilités, que les décisions concernant l’avenir du pays ne soit avec une commission collégiale d’intérêt national, alors, le devenir de la nation restera aux mains de baroudeurs de touts bords et de tous pays.
Le comportement exigu de notre armée, au moment de l’arrestation des assaillants au coup d’état, alors que le pays devait être aguerri à ces genres de situation, pose plus de problèmes à la conscience collective. Jamais, un pays digne de ce nom, ne se laisserait survoler en basse altitude, par un hélicoptère, sans réagir. Pourtant, un hélicoptère, parti probablement du nord de Madagascar, a survolé notre espace aérien, jusqu’à passer au-dessus de l’aéroport international, avant de se poser sur la clairière de concassage de CBE, décharger sa cargaison et redécoller avant l’arrivée des militaires ! Comme le pilote est parait-il, était un blanc, les humoristes seraient tentés de dire : sous Azali nous avons eu droit à « 7 blancs et 1 noir », avec Ikililou, nous avons droit à « 7 noirs et 1 blanc ».
Ici, encore une fois, ce sont les pauvres agents de la sécurité aéroportuaire, malgré l’absence de moyens d’action, 2 pistolets PA et 25 balles, ainsi que les renseignements de la police, qui ont filé les éclaireurs, que le pays n’est plus en proie à une guerre civile.
J’en appelle à tous ceux qui sont épris de paix et de stabilité pour les Comores, de rester vigilent, afin que cette histoire ne soit enterrée, comme c’est en voie de l’être, sous la pression et les menaces de certains protagonistes. Ici, il ne s’agit plus d’une affabulation, mais d’un véritable complot dont les ramifications vont de la France, en Egypte, au Soudan et l’intérieur de l’administration et des forces armées. Des gens bien placés, seraient amenés à étouffer la vérité, mais pour l’intérêt du pays, le devoir de toute la vérité s’impose.
Paris, le 27/04/2013.
Mohamed Chanfiou Mohamed