Marseille : le chagrin et la colère après la mort du petit Ejmyl
19 oct. 2009 Tout un quartier endeuillé a défilé hier au boulevard National.
Ni moteurs qui vrombissent. Ni crissements de freins, ni hurlements de klaxons. Hier, la fureur automobile s'est tue au Boulevard National (3e arr.), coupé à la circulation le temps d'une marche en hommage au petit Ejmyl, fauché mercredi par un chauffard qui circulait dans la voie des bus.
C'est dans ce silence assourdissant qu'un quartier tout entier a crié son chagrin. Et sa colère. Plus de 500 personnes, mères et pères de familles, copains d'école, voisins, commerçants, et de nombreux membres de la communauté comorienne sont venus partager le malheur de la famille Bellon. En tête de cortège, entourée de deux de ses enfants, la maman, très digne, a descendu le boulevard dans son fauteuil roulant. Silencieuse, recueillie, la foule a envahi l'espace, jusqu'au square où le drame est survenu.
C'est là que Ejmyl, 9 ans a couru derrière son ballon. Un camion garé sur le trottoir cachait la route. Le petit garçon n'a pas vu débouler le 4X4… Sur le portail du square, la gerbe de fleurs déposée par les parents d'élèves est venue rejoindre les bouquets et de lettres. "Adieu petit ange", "à mon pote parti trop tôt" : des petits mots à l'écriture maladroite, parfois accompagnés de cartes Pokemon accrochées par les gamins du quartier.
Autre initiative, celle des commerçants, qui ont largement participé à la collecte pour financer le rapatriement du corps d'Ejmyl aux Comores, comme le veut la tradition. Après une longue minute de silence, une prière coranique a résonné dans le boulevard. Alors seulement, les habitants n'ont plus tenu leur révolte. "Combien de morts faudra-t-il pour que ce quartier ne soit plus laissé à l'abandon ?", interroge une mère. "C'est une honte. Ces voitures garées en triple file, ces trottoirs impraticables, cette circulation dans tous les sens : il y a des accidents toutes les semaines. Et jamais un policier pour mettre de l'ordre !" proteste sa voisine, qui crie son "sentiment d'injustice".
Car il n'y a pas que les problèmes de circulation. "Rien n'est fait, on est des laissés-pour-compte: insécurité, logement, de chômage, même l'éclairage est pourri. Il y a beaucoup de jeunes ici et aucun équipement sportif, pas même un stade de foot. On a des rats dans les écoles, les enfants y attrapent la gale, les classes sont surchargées". Dans le square où est arrivé l'accident, "il n'y a qu'une balançoire, et des dizaines d'enfants qui font la queue", détaille une maman.
"On parle des quartiers nord, mais chez nous, la misère est encore plus grande. On est en train de créer un ghetto entre Euromed et le Vieux-port", confirme Naïma El Alaoui, élue à l'emploi à la mairie de secteur. "Il est impensable de laisser ces arrondissements dans cet état, à deux pas du Manhattan marseillais de la Joliette", renchérit le Député (PS) Henri Jibrayel.
Source : La Provence.com