Mon pays vit sa colère sans élever la voix
28 févr. 2014
Les images de cartes postales ne manquent pas sur les Comores, une destination qui peut devenir prisée. Ainsi se mêlent dans les représentations de très belles plages, les cocotiers, une corruption généralisée, la pauvreté préoccupante, le chômage et une grisaille bien ambiante.
Une autre face du pays
Une autre face du pays est apparue depuis que la presse comorienne dévoile une série de scandales où est mêlée une grande partie de la classe politique. Un ancien ministre, pris en flagrant délit de corruption est contraint à la démission. L'indignation est généralisée. Enfin l'abcès de la corruption est crevé. Depuis, des affaires de corruptions font la Une des journaux, jour après jour. Le plus étonnant est que tout cela est parfaitement connu du monde politique, de la fameuse commission anti-corruption et que personne ne dit rien, y compris les plus honnêtes. C'est que chacun se protège tant que le sommet ne dit rien.
Ceci n'est que la pointe de l'iceberg, car la corruption est partout, dans les contrats de travaux publics, dans les permis de construire, dans la rédaction des diplômes, dans les certificats de médecins, dans les services des impôts, dans les grands mariages...bref, dans toutes les administrations, toutes, sans exception, aucune. La corruption se pratique aussi du coté des élections, où les votes s’achètent en grand nombre. A la veille des élections dites harmonisées, les états majors des écuries politiques ont lancé la machine à corrompre. Les « assassins » d'hier veulent revenir sur les lieux du crime et on s’apprête à leur donner, encore une fois, les clefs de la maison. La corruption est telle qu'elle dérive en assassinats de personnalités plus ou moins liées à des dossiers sensibles.
Absence de mouvements sociaux d'envergure
Face à cette situation, l'opinion ne bouge pas ou peu. L'observateur étranger s'étonne, à juste titre, de l'absence de mouvements sociaux d'envergure alors que les conditions de vie sont de plus en plus difficiles. Les alternatives politiques et sociales sont absentes ou peu visibles. L'opposition n'existe pratiquement pas. La majorité des plus pauvres n'exprimant pas leur opinion sur leurs difficultés et leurs manques de perspectives. Alors que la grogne de la rue est visiblement de saison partout dans le monde.
L’éphémère mouvement citoyen de la place de l'indépendance
La question de la corruption est de loin celle qui mobilise le plus aux Comores. Ni les conditions difficiles de la vie quotidienne sur cette terre où la vie est coups et blessures pour le plus grand nombre. L’éphémère mouvement citoyen de la place de l'indépendance n'a pas su mobilisé autant de monde. Malgré son réel succès, ce mouvement n'a pas rassemblé plus d'indignés. Ce mouvement ne s'est pas reproduit depuis. C'est une contradiction bien comorienne, dès qu'on aborde la question de l'action concrète, on tombe sur du mou. Il y aurait ici l'occasion pour le mouvement citoyen de la place de l'indépendance de s’inscrire dans la lignée de tous les indignés du monde qui ont rompu le silence auxquels ils sont en général réduits. Ce mouvement doit être soutenu, dans tous les sens du terme, par tous les comoriens. Le climat social est tel qu'il y a besoin de concentrer les efforts et ne pas se disperser. Le mouvement citoyen de la place de indépendance est une « affaire » sérieuse pour être confiée aux seuls initiateurs. Le pays vit sa colère sans élever sa voix. Or notre pays sent vis à vis de ses dirigeants beaucoup de déception, d'amateurisme et de colère.
Le début d'une transformation ?
Les mois et années qui viennent diront si la prise de conscience de plus en plus forte des comoriens contre la corruption généralisée et la vie chère n’était qu'un moment d'indignation ou le début d'une transformation. L'opinion aboie mais ne mord pas. Les mécontentements s'additionnent mais la Révolution ne vient pas encore. Jusqu'à quand ? Je ne sais pas. Dans pas longtemps. Elle prendra maintes formes et empruntera plusieurs détours. Et nos précieuses ridicules ne peuvent pas dire qu'ils n'étaient pas prévenues.
Ibrahim Mahafidh Eddine