QUAND LA DIASPORA BASCULE DANS LE CHAUVINISME POLITIQUE ?
15 sept. 2013 On croyait naïvement la pratique tombée en désuétude complète. Ou au mieux réservée aux localités primo-accédant aux accessits du pouvoir. La réalité apporte son lot de désenchantement. Mieux encore, la pratique devient migratoire. La diaspora s'y met. Elle innove elle aussi. A la dias"assistance" s'ajoute le régionalisme décomplexe.
" Une pratique ancestrale populaire"
L'image fait partie du folklore politique local. A chaque nomination à un poste administratif ou politique important, le rituel est immuable. Une délégation plus ou moins conséquente de la localité voire de la région entière (bavu) de l'heureux élu, afflue chez le dignitaire du régime pour le remercier infiniment avec la verve qui sied aux circonstances. Avec l'avènement d'une nouvelle génération de politiciens diplômés bac++, on s'attendait à une modernisation des mœurs, à l'extinction de certaines pratiques traditionnelles contraires aux usages de l'époque. Or, le constat est consternant. Tant au niveau des iles autonomes que du pouvoir central, la tradition des courbettes et salamalec à tout va perdure et s'amplifie. Ainsi, à Dar Nadjah, le gouverneur Anisse Chamsoudine a reçu une délégation de Mjamawe, heureuse de la nomination de Housni Mohamed Abdou. A Ngazi-Ngome, le site du gouvernorat affiche triomphalement ses trophées des différentes délégations venues adresser ses remerciements au seigneur des lieux pour sa bienveillance en matière de cooptation. C'est le cas de la ville de Tsidje pour la promotion de Mme Sania Boina Boina au rang de commissaire. Ou encore les 200 personnes de la région de Mbadjini pour "soutenir" le directeur de cabinet du gouverneur, Ahmed Ali. Même des postes relativement moins prestigieux provoquent les mêmes réactions. Tout Moya au ministère de l'intérieur pour la nomination du Secrétaire General. Les Anjouanais résidant à Ngazidja a jamais reconnaissant envers Mouigni Baraka d'avoir choisi un anjouanais au département de la sécurité. La décence invite à faire abstraction des ministres.
Un ministre de la région ou de l’Etat ?
Jusque là, ce rituel ubuesque, héritage des temps féodaux, était cantonné au pays. Ca c'était avant. Au moment où sur le webosphere et sur les réseaux sociaux le rôle et la place de la diaspora font débat, celle-ci dérive vers un régionalisme politique décomplexé. La tendance suscite méfiance, interrogations et inquiétudes. En effet, d'ordinaire le militantisme politique même régional opérait dans la discrétion. A l’occasion d'un événement, l'hôte de passage était présente au public et il saisissait l'opportunité pour se faire mousser gratis. La nouveauté, la diaspora, en l'occurrence la fédération de l'association de la région de Mitsamihouli à Paris organise une réception du nouveau Mirex, El Anrif, originaire de la région. Un comportement, un procède qui interpelle beaucoup les internautes. Parmi ces indignés, la publication de Irchad Abdallah attire l'attention."Ce qui m'interpelle aujourd'hui, c'est l'ingérence de certaines associations régionales ou même régionalistes qui vont jusqu'a être kalif à la place du kalif. Je m'explique. Un ami de Marseille m'a interpelé sur le fait que des personnalités telles que le Mufti et des notables, surtout de Ngazidja représentant des trois hinya de Ngazidja en l’occurrence Mdombozi, Matsa pirusa, fwambaya, seront en région parisienne bientôt, sur invitation d'association du nord de l'ile de Ngazidja. Oui à l' occasion de la prochaine visite en France du nouveau ministre des relations extérieures, des associations de Mitsamiouli organisent une festivité en l'honneur de celui-ci". Comme Irchad et la cinquantaine de commentateurs de ce post, on ne peut ostensiblement rester indifférent à cet opa, à cette dérive. Une association régionale se substituant à la représentation nationale qu'est l'ambassade pour recevoir en grande pompe un ministre d'Etat en voyage officiel est inadmissible. Cela relève d'un amalgame tarabiscote entre le protocole républicain et les prébendes d'une tradition ancestrale. Un Ministre est un représentant de l'Etat et non l'ambassadeur d'une ville ou d'une région. Tout de même, Mitsamihouli ne reçoit pas le député de la circonscription ou le maire de la délégation spéciale !
« La diaspora serait victime »
Tout le monde dénonce avec véhémence la mohélisation du pouvoir, ce tare de la tournante qui fait fi des compétences au profit de l'ile d'origine. Ravivant ainsi l'esprit villageois obtus "aux identifications primaires: un tel de tel quartier du village ou la ville x dans la région y donc de l'ile Z, oubliant au passage le pays. On ne dénonce pas cette dérive pour se rendre complice d'un chauvinisme régional, surtout en France. La diaspora si prompte à critiquer à juste titre les autorités défaillantes se doit d'être exemplaire. Reproduire le même jeu, le même schéma, les mêmes pratiques en France est loin d'être à la hauteur des enjeux et des attentes. Comment expliquer qu'une région, jadis fière d'être avant-gardiste tombe dans le piège de la politique du "m'as tu vu"? Comment une association régionale peut-elle décemment débourser 6000€ pour une réception d'un ministre de la République ? Faire appel à des "hinyas " c'est-a-dire la notabilité tenant de la tradition de la grande-comore pour discuter de politique nationale comme si les autres comoriens des ils ne seraient pas concernés relèvent de l'absurdité. Est-ce à dire comme le pense la nouvelle génération qu' " il y a en France des gens qui se comportent comme si ils vivaient au bled. Ils sont même pires". La diaspora serait victime " de ces notables prisonniers de leurs reflexes de villageois, de ces identifications primaires". Pas étonnant, des lors qu’on sait que ces associations sont dirigées par les mêmes qui en pertent de vitesse au pays sont venus se refaire une virginité et une sante financière en attendant des lendemains meilleurs. A moins que tout ca relève d'un calcul politicien. Comme le soulignait en off un politologue du dimanche mais très pertinent. La région Mitsamihouli joue son atout chance pour préserver sa préséance en vue du prochain remaniement, mais aussi pour les "comoroniades de 2016". Comme les partis politiques n'ont de parti que le nom, les régions font office de militants et le ministre de chef de fédération. Sauf qu’à force de jouer trop perso, trop bavu, l'intérêt national se perd. Et ce sont les mêmes qui demain prendront la tète des manifestations pour dénoncer l'incurie du pouvoir.
Idjabou Bakari
COMORESplus