Succession constitutionnelle
24 mai 2010Pour aimer les hommes, il faut détester fortement ce qui les opprime
(Jean-Paul Sarte).
Au nom de la tournante, Sambi dehors! L’opposition a entonné cette diatribe et le refrain repris unanimement par la cour constitutionnelle et par la communauté internationale qui réclamait d’une même voix le respect de la constitution en vue d’instaurer une démocratie de façade aux Comores. Il ne faut pas se surprendre, en pareilles circonstances, que les gens se demandent, mais où était cette communauté de droit, lorsque le pays était pris en otage par une poignée de mercenaires français? D’ailleurs, qui les ont armés et qui les ont protégés après leur éviction? Où était-elle lorsque des milices, qui s’adonnaient à la torture systématique des ses opposants et au viol, ont pris en otage, des années durant, une île entière ainsi que ses habitants? Que fait cette même communauté face à la question essentielle de Mayotte? Ne serait-il pas temps de se mobiliser pour exiger la fin de l’hécatombe dans d’une des plus grandes cimetières marines du monde au lieu de s’en remettre, à chaque crise interne, aux instances internationales pour régler nos problèmes politiques?
Si l’argument d’une succession constitutionnelle a toute sa légitimité constitutionnelle, selon de quel côté on se place, les urnes n’ont-elles pas la leur? Certes, nous savons tous que les élections législatives n’étaient qu’une mascarade cynique, toutefois, l’opposition en acceptant d’y prendre part, ne l’a-t-elle pas cautionnée, un peu? Pourquoi refuse-elle de se plier à ce principe élémentaire de la démocratique : la voix de la majorité ?
Comme il en est toujours de même à chaque élection en Afrique, battue, l’opposition se présente comme une victime aux yeux de la population, multipliant les discours démagogiques. Rien d’étonnant qu’elle exige la destitution de Sambi comme la priorité des priorités pour mettre fin à la crise des constitutions sans proposer pour autant aucune solution tangible pour bloquer les ambitions hégémoniques des puissances étrangères. Et les gagnants, de ne céder aucune place où pourrait s’articuler un autre point de vue, tout aussi valable mais, continue les manœuvres dilatoires et populistes pour conserver à tout prix leur mandat. Dès lors, la bataille s’engage sur un terrain miné : propos scabreux, attaques personnelles extrême, lynchage public de personnes, etc., sans que personne se questionne sur la mainmise de l’oligarchie de l’appareil gouvernemental sous la protection bienveillante de la main invisible.
La question est donc de savoir qui serait aujourd’hui crédible aux yeux des Comoriens dans ce conglomérat d’opposants fait d’anciens putschistes, de collabos ayant de ramifications internationales, d’anciens ministres qui ont démontré leur total mépris de la justice, des criminels financiers qui ont fait de la prison pour détournement de deniers publics dans lesquels ils se drapaient avec insolence et des élites qui ont été au cœur de tous les complots qui ont secoué les Comores ces trente dernières années? Quant au régime de Sambi, les promesses non tenues, la paupérisation de la classe moyenne, l’explosion de la délinquance juvénile et la corruption quasi généralisée est le reflet de son incapacité de freiner la dérive de nos institutions.
Inévitablement, avec des tels rapaces au pouvoir, qui malheureusement n’ont aucune disposition laissant voir la direction qu’ils prennent dans cette tournante pour sortir le pays de sa décadence, l’impunité a non seulement un triste et long passé, dans note pays, elle aura, avec eux, si nous ne régissons pas, un bel avenir devant elle.
Dans le fond, l’enjeu, avouons-le, ce n’est pas de mettre fin à une prolongation du mandat de Sambi. Ce faux prétexte à sa destitution est un mensonge colporté par les ennemis des Comores lequel, à force d’être répété notamment par les médias internationaux, a pris l’allure d’une vérité. Si d’aucuns pensent que Sambi n’est pas l’homme de la situation, et que son verbe fort n’a pas su convaincre même les arabophones qui, dans ce pataquès serait en mesure de rallier une majorité consensuelle ? En réalité, cette crise n’est rien d’autre qu’une course à la compétitivité dans le but de se prostituer devant les puissances impérialistes occidentales et les Émirs. La cour constitutionnelle a été le paravent derrière lequel se cachaient ses empires, l’opposition et oligarchie néocoloniale, ses exécutants. Et, les Mohéliens dans tout, ça, diriez-vous, des pions des politiciens aux ventres affamés.
À cet effet, tous ceux qui gagnent ou espèrent gagner des places dans cette courses s’opposent avec zèle aux actions audacieuses qui visaient à s’éloigner de l’ancienne puissance coloniale et de mettre de l’ordre dans les constitutions inapplicables; parce que une chose est sûre, ce n’est ni les puissances étrangères ni les constitutions qui feront la réussite des Comores : c’est sa souveraineté et la bonne gouvernance. Or, nous constatons que Sambi est loin de réussir ce pari multipliant chaque jour des gestes digne d’un vrai dictateur.
Afin de tromper la plèbe, ces ennemis des Comores se consentent qu’à des faibles mesures déguisées en stratégies, jouant sur la rivalité entre les îles, la réconciliation avec impunité et les contradictions internes afin de mieux exploiter la faiblesse de nos constitutions et d’obtenir par ricochet, leur reconnaissance au niveau internationale de par leur dévouement malveillant.
À cela, rien ne les arrête dans leurs mouvements qui visent à faire obstacle à tout changement qui remet en question la constitution même si celle-ci comporte des lacunes qui affaiblissent la stabilité, la paix et la solidarité sociale. Quoi qu’il arrive, cette boîte de Pandore, qui vient d’être ouverte, a les apparences d’un coup d’État, même si le mot a été étouffé. L'enjeu, nous le répétons, qui consiste à destituer un président qui défie l’ordre établi en choisissant l’ouverture à l’inertie atavique d’antan est inacceptable. De son côté, le président Sambi en tablant sur le populisme ne fait qu’attiser le feu de la discorde.
Non seulement s’agit-il d’un coup d’État mais d’un coup d’État mal préparé. C’est la raison pour laquelle, ni l’opposition ni Sambi n’a rien à proposer aux Comoriens à part que la machine du pouvoir doit tourner; tourner pour des élites peu scrupuleux qui ont mis tous nos indicateurs au rouge : flambée des prix des produits vivrières, pétroliers, chômage records, soins de santé inaccessibles, concert des coups d’État, croissance de l’économie souterraine etc, dont l’une des manifestations les plus évidentes est, comme nous l’avons indiqué, la corruption qui a gagnée tous les secteurs de la vie administrative publique, l’arrivée des investisseurs des réseaux douteux et la fuite des cerveaux.
Que nous propose l’opposition pour corriger les défaillances économiques qui sont des tares importantes dans la construction d’une société moderne? Quelle stratégie de lutte contre la corruption institutionnalisée devenue un enjeu attractif pour toutes les ricailles de la politique comorienne et qui a fait perdre à notre pays toute crédibilité, a été avancée? Pourquoi, la question de Mayotte essentielle à toute action politique et s’appuyant sur notre constitution n’est pas un élément de batail pour ce mouvement contestataire?
Pourquoi nos élites se sont-ils tus sur la mainmise des notables et des clans de la nouvelle bourgeoisie corrompue, sur les décisions étatiques? C’est aussi vrai pour l’instrumentalisation de la religion qui encourage la cupidité des politiciens qui ont fait de notre pays une république bananière; pas un mot sur cette hémorragie de la matière grise fuyant la répression, l’insolence des élites et la non reconnaissance de leurs savoirs à moins d’accepter de passer par le guichet unique : faire de la politique. Quelle stratégie l’opposition et les barrons de la majorité présidentielle nous proposent pour mettre fin à cette dichotomie de pouvoir insulaire, religieux, féodal, marital, et cette classe d’intellectuelle malhonnête, de pilleurs de l’économie nationale constituée en oligarchie dont la fortune dépend de l’instabilité et de l’absence d’un système judiciaire égalitaire ? Sur cette toile de fond se dessinent des enjeux concrets : assurer à tous les néocoloniaux, et à tous les assoiffés du pouvoir un contrôle unilatéral de la justice, des finances, de l’armée ainsi que de la diplomatie émergente qui a cessé d’écouter la seule voix de la vérité dont les conseils ont à chaque fois entraîné notre pays dans l’impasse.
Enfin, il s’agit donc pour nous Comoriens, d’être vigilants; de démonter, dans une telle situation de crise, notre volonté ferme de faire reculer les tendances radicales, l’injustice, le néocolonialisme et la discrimination basée sur les origines insulaires afin d’ouvrir la voie aux changements nécessaires pour atteindre une réelle égalité et d’empêcher que notre pays ne soit, encore une fois, livré pieds et mains liés à d’autres rapaces au nom de la démocratie.
Ben
Montréal