LES CHANTIERS URGENTS DE LA RECONSTRUCTION

Nous hériterons dema.in d’un pays en lambeaux, en rupture avec tous ses repères moraux, aux fractures sociales béantes et à l’économie dévastée. L’urgence ne se résumera pas à panser les plaies provoquées par les coups portés par Azali, souvent en dessous de la ceinture, contre tous ceux qui ont refusé de courber l’échine face à ses manœuvres visant à transformer notre république en un pouvoir absolu héréditaire. Elle ne se résumera pas non plus à instaurer des institutions politiques consensuelles à même de garantir la stabilité politique et le vivre ensemble entre les îles composant l’Etat comorien.

L’urgence consistera aussi à remettre l’économie à flot et à redresser les finances publiques.

Les sociétés d’Etat accumulent les pertes et croulent sous les dettes. Le secteur privé étouffe sous l’arbitraire et un matraquage fiscal dont le seul but est de financer le train de vie fastueux du colonel Azali et de sa famille. Les investisseurs étrangers fuient comme la peste un pays gangrené par la corruption, au système de santé déliquescent, aux infrastructures énergétiques, routières, portuaires et aéroportuaires défaillantes, quine possède pas la main d’œuvre qualifiée requise dans bien de secteurs et qui n’offre pas un horizon politique clair.

Bien des jeunes furent appâtés en 2016 par le slogan 1 JEUNE = 1 EMPLOI.  8 ans plus tard, malgré les statistiques fantaisistes de l’Agence Nationale pour la Promotion des Investissements qui assimile l’augmentation exponentielle du nombre de vendeurs de cacahuètes grillées à Volo Volo à des créations d’emploi, le chômage bat des records, particulièrement chez les jeunes de moins de 25 ans. 46% de la population active est au chômage. Plus de 70 % des personnes en activité correspondraient à des travailleurs pauvres. Je clos ce chapitre sinistre en soulignant que 45 % de la population comorienne vit sous le seuil de pauvreté selon la Banque mondiale…pendant que les inégalités de revenu se creusent et qu’une petite minorité s’est exponentiellement enrichie en se servant sur la bête.

Les pénuries de produits de première nécessité se succèdent. L'inflation explose à 20,8% entre janvier 2022 et janvier 2023 selon la Banque Centrale des Comores.

La population est asphyxiée financièrement (en plus de l’être politiquement) mais la situation financière de l’Etat n’est pas plus enviable.

Le déficit budgétaire ne cesse de croître. Il passe de 3,9 % en 2022 à 6,3% (prévisions) en 2023 selon la Banque mondiale.

Le creusement du déficit budgétaire est responsable de l’explosion de la dette publique qui est passée de 33,7% du PIB en 2022 à 40,7 % du PIB en 2023. Le ratio dette publique/PIB atteindra 45,2 % en 2025 selon la Banque mondiale. Ce qui a conduit le FMI à rehausser le risque de surendettement externe de « modéré » à « élevé » dès février 2022.

Le taux de croissance économique de 3% enregistré en 2023 constitue une bonne performance par rapport au 2,4% de 2022 mais s’inscrit dans le cadre du rythme de croissance faible observé depuis 1980 (2,6% en moyenne). Quand l’on sait que l’émergence se caractérise entre autres par un taux de croissance supérieur à 5% sur une longue période, on est obligé de constater que le colonel Azali et les siens abreuvent les Comoriens de chimères.

Le peuple a besoin de liberté. Il aussi besoin grandement de pain. De pain gagné dignement à la sueur de son front et non des miettes jetées par terre par des corrupteurs méprisants. Il est difficile de défendre ses opinions lorsqu’on est pas autonome financièrement. La main qui donne écrase toujours la main qui reçoit. Il est illusoire de parler de séparation des pouvoirs, d’indépendance des médias ou de limitation du nombre de mandats présidentiels à un homme qui n’arrive pas à garantir la substance quotidienne à sa famille. De ce fait, au nombre des urgences de demain devront figurer en bonne place la lutte contre la vie chère, la rupture des chaînes qui entravent la création et le développement des entreprises privées (matraquage fiscal, tracasseries administratives, corruption) et un soutien réel à l’agriculture (lequel ne se mesure pas au nombre de séminaires).

Demain, il nous faudra remédier aux faibles capacités des organes de gestion des CRDE (centres ruraux de développement économique), ouvrir un lycée agricole à Mohéli pour y former des techniciens supérieurs (BTS), constituer un fonds de garantie pour faciliter l’accès des agriculteurs aux prêts bancaires et augmenter le budget de l’agriculture en y allouant plus de ressources internes. Où trouver l’argent pour provoquer le choc de croissance dont a tant besoin l’agriculture comorienne ?

Le budget des Comores s’élève à 125 milliards 511 millions 193 mille 966 francs comoriens pour l’exercice 2023. La part de l’agriculture se limite à 1 milliard 502 millions dont 370 335 176 francs comoriens de ressources internes, soit 1,2 % du budget. La Présidence avait prévu de dilapider 8 milliards 707 millions 600 mille francs comoriens en 2023 (elle a certainement dépassé ce plafond) soit 7% du budget total. Je voudrais faire remarquer que ce ratio est plus que le double des dépenses prévues par la loi de finances française au profit de la Présidence de la République française et des services du Premier ministre. Le budget de la République française au titre de l’exercice 2023 s’élève à 567 milliards d’euros dont 114,5 millions d’euros pour l’Elysée et 17,62 milliards d’euros pour Matignon. Les 2 têtes de l’exécutif français ne coûtent que 3,12 % du budget total pendant que nous consacrons 7% de nos maigres ressources à Beit-Salam. Ailleurs, on recherche les responsabilités pour améliorer le quotidien de ses concitoyens, placer et/ou maintenir son pays sur une trajectoire de développement ou d’excellence. Chez nous, on vise le sommet pour s’enrichir avec les siens et pour mener une vie de pacha aux crochets d’un peuple qui sombre dans la misère.

Le budget de la présidence devra être limité à 2% du budget global. Les 6 179 376 120 francs ainsi économisées sur la présidence devront être réaffectées aux autres secteurs, en particulier à :

  1. L’agriculture : 1 milliard supplémentaire pour atteindre 2% du budget
  2. L’éducation et notamment la formation professionnelle : 4,5 milliards supplémentaires pour atteindre 15% du budget au lieu des 11,47% actuels. Nous devrons consacrer des efforts considérables à l’éducation et à la formation professionnelle car les citoyens éclairés et mieux formés sont mieux armés pour combattre la pauvreté et l’arbitraire.
  3. Le solde doit être réparti entre les autres secteurs

Pour clore, je voudrais citer quelques chiffres d’un pays de la région dont l’émergence n’est pas un vœu pieux. Le Kenya consacre 18,6 % de son budget à l’éducation et à la formation et 1,35% à l’agriculture pendant que nos députés ont limité les crédits de ces secteurs à 11,47% et à 1,2% afin d’offrir à Azali le 4ème salaire le plus élevé de tous les présidents africains et lui permettre d’écumer le monde avec Madame pour goûter aux délices des palaces.

Abdourahamane Cheikh Ali

COMORESplus

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