Abdou Radjab

 

En début de soirée de ce jour de match opposant l’équipe nationale comorienne et une sélection étrangère, je me trouvais dans un taxi quelque part dans le Bambao, sur l’axe Mitsoudje-Moroni. Ce jour là, les Cœlacanthes arrachent un match nul mais très important pour une jeune sélection comme la nôtre. Sur la route, un jeune homme, visiblement, grand supporter des verts, arrête notre taxi et monte devant, rejoignant le chauffeur et un autre passager pour compléter...ils sont deux sur l’unique siège passager de devant. Le nouveau passager (NP), bouillonnant comme de l’efferalgan, lance une conversation avec nous autres passagers et le taximan.

 

NP : Avez-vous suivi le match ?

Le taximan : Non, ma radio ne fonctionne pas bien, je mets simplement des CD

NP : Ah ! Les verts viennent de jouer math nul, synonyme de qualification.

Le taximan : ça c’est une très bonne chose, vive le sport.

 

Coincé sur le banc arrière, avec quatre autres passagers, je suis religieusement la conversation sans pouvoir placer un mot, je réserve ma respiration pour le trajet. Soudain, le nouveau passager dit ceci : « Vous voyez ! Depuis que nos frères comoriens établis à l’étranger viennent jouer dans la sélection, les choses changent, nous sommes respectés maintenant. Si nos sœurs et frères intellectuelles, instruits...viennent avec leurs expériences de là-bas, ils pourront, peut-être, faire quelque chose de bien aussi dans ce pays sans eau ni électricité, sans...sans...  ! Hawu dje ? ». Les autres passagers embrassent l’idée du soir et moi qui suis établi ailleurs, garde le silence pour ne pas fausser le débat. Le taxi entre dans la capitale Moroni, dans le noir total mais bien animé par l’exploit des verts. Quelques minutes plus tard je suis descendu, laissant les autres commenter le football qui prend des allures plutôt politiques...

 

Aujourd’hui je fais l’analyse de ces échanges ayant lieu dans le taxi et je me demande si ce qui se passe dans le football avec nos joueurs qui sont ici, peut-être corrélé à d’autres disciplines comme la charpente, le commerce, la mécanique, l’administration, la politique...ou simplement comme le droit par exemple !

 

Concernant le football, ça marche car nos footballeurs établis à l’étranger viennent jouer les matchs avec leurs talents et une dose de patriotisme. Ils viennent jouer en respectant les règles du jeu. Ils viennent jouer avec engagement, esprits compétitifs et surtout avec respects de l’adversaire. Ils ne viennent pas briser les jambes de l’adversaire pour rester seuls sur le terrain, ils ne viennent pas anesthésier l’adversaire pour jouer pour que la balle aille dans une seule direction. Ils n’ont jamais voulu tordre les poteaux et les barres des cages des gardiens pour pouvoir marquer facilement. Ils n’ont jamais taclé l’arbitre pour foutre le bordel sur le terrain. Ils n’ont jamais insulté ni humilié les supporteurs car ils savent qu’un match se joue sur le terrain mais aussi avec un soutien indéfectible des supporteurs. En respectant ces facteurs, nos joueurs gagnent les matchs et gagnent également les cœurs des îliens.

 

Aujourd’hui, certains cadres qui s’établent à l’étranger, en particulier, en France, sont rentrés servir le pays disaient-ils. Mais contrairement à nos vaillants footballeurs, parmi ces cadres, malgré leurs talents, leurs expériences ou pas, préfèrent une autre voie. Celle de s’aligner à la médiocrité, à la politique de la dérive. Au lieu d’apporter de la rigueur, du savoir-faire...à la gouvernance et aux fonctionnements des institutions en respectant le droit, ils tordent et jonglent les textes pour le but de satisfaire al-Imam. Peut-être ces cadres vont gagner leur combat qui consiste à torpiller la tranquillité sous les badamiers mais ils ne gagneront pas les cœurs des îliens. Yentsi yinu ya pewu !

 

Tout n’est pas pourri sous les cocotiers ni dans le métro, un jour, le droit, le patriotisme et la liberté d’opinion juste sans avoir peur de son supérieur hiérarchique, prendront racine dans notre cher pays. 

 

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