GEDC0818.jpgDe nombreuses voix réclament la privatisation de MAMWE et d'Electricité d'Anjouan jugeant ces établissements publics incapables d'assurer leur mission de service public. Ces prises de position dépassent une simple remise en cause des compétences des dirigeants. Elles signifient la défiance vis à vis de l'Etat dans ses fonctions d'actionnaire (majoritaire) et de gestionnaire. Théoriquement, la privatisation est censée favoriser la libre concurrence synonyme d'innovation, d'amélioration du service rendu et de baisse des prix. Je ne crois pas à la réalisation de ce scénario. En effet, d'exiguïté du marché comorien conduira fatalement à la constitution d'un monopole privé en substitution au monopole privé.

 

Dans un pays où les opérateurs économiques du secteur dit "concurrentiel" ne brillent pas par la qualité de leurs services, ne cherchent pas à se distinguer par des prix plus compétitifs et ont pour devise : "HULA HAWU WURENTSI", il est illusoire de croire qu'un opérateur privé en situation de monopole voudra bien, spontanément, traiter le client comme un roi, fournir régulièrement de l'électricité à un prix défiant toute concurrence à tous les Comoriens où qu'ils se trouvent sur le territoire national. Vous l'aurez compris, la privatisation est un choix idéologique, respectable certes, mais qui est loin de constituer la panacée. Sans vouloir dédouaner les dirigeants successifs de MAMWE, d'EDA et de leur ancêtre commun Electricité et Eau des Comores, il convient de souligner que les entreprises de production et de distribution d'électricité sont parmi les plus difficiles à gérer. Ce secteur d'activité exige de lourds investissements et un personnel hautement qualifié non seulement en mécanique, en électrotechnique mais aussi en gestion de la production (produire suffisamment pour qu'il n' y ait pas de délestage mais pas au-delà des besoins des consommateurs car l'électricité ne se stocke pas), en gestion des approvisionnements, en gestion de la clientèle pour ne citer que ces domaines.

 

Electricité et Eau des Comores et les 2 entreprises publiques qui ont pris sa succession sont structurellement déficitaires depuis deux décennies, malgré une électricité parmi les plus chères au monde, du fait de coûts de production extrêment élevés. Déjà à la fin des années 80, la direction d'EEDC avait envisagé la construction d'une centrale au fuel lourd pour baisser les coûts de production, restaurer la rentabilité de l'entreprise et assurer sa compétitivité par rapport à ses concurrents des îles voisines des Comores. Le projet évalué à l'époque à 4 milliards de francs comoriens n' a jamais vu le jour faute de financement. Si aujourd'hui encore, le gouvernement n'obtient pas un prêt pour le finaliser, il devra se résoudre à confier la gestion de MAMWE et d'EDA à des opérateurs privés capables de leur apporter les investissements nécessaires sans pour autant se désengager complètement du pilotage de ce secteur stratégique. Une privatisation qui oterait à l'Etat tout pouvoir d'orientation et de contrôle serait infiniment préjudiciable aux intérêts vitaux du pays

 

L'Etat devra déléguer la gestion de MAMWE et d'EDA à des opérateurs privés dans le cadre d'une concession de service public. Il s'agit d'un contrat de longue durée par lequel le concessionnaire, en contrepartie d'une redevance prélevée directement sur l'usager, s'engage auprès du concédant (l'Etat) à respecter les obligations mises à sa charge en matière d'investissements, de tarifs, d'égalité de traitement dans l'accès à l'électricité, de qualité de service, de formation du personnel ...etc. Des contrôles sont prévus par ce type de contrat pour permettre au concédant de vérifier tous les ans le respect par le concessionnaire du cahier des charges. L'inobservation par ce dernier de ses obligations peut entraîner la résiliation du contrat avant son échéance et le versement de dommages et intérêts au concédant.

 

Cette formule, différente de l'affermage où c'est l'Etat qui doit réaliser les investissements, offre un avantage supplémentaire : les investissements réalisés deviennent de plein droit et gratuitement la propriété du concédant au terme de la concession.

 

Abdourahamane Cheikh Ali

Ancien cadre d'Electricité et Eau des Comores

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