PHINT.JPGComores Plus : Qu’est-ce qu’on fait au juste quand on est Commissaire aux Finances d’une Île alors qu’au dessus il ya un Ministre des Finances et de l’Economie de l’Union qui est de surcroit Vice-président de l’Union des Comores ?

 Mohamed SOULE ISSILAM : Je voudrais tout  d’abord vous remercier pour l’intérêt que vous portez au fonctionnement de nos institutions. C’est notre pays et chacun a le droit, d’abord, de savoir plus sur les institutions et leur fonctionnement, ensuite apporter sa contribution dans l’édifice. La fonction de Commissaire, tout court, est constitutionnelle. Le pays est dirigé par un Gouvernement Central et chaque Île est érigée en Gouvernorat avec un Exécutif composé du Gouverneur qui est le chef  et assisté de six Commissaires. Le Commissaire aux Finances est le relais du Ministre des Finances dans l’entité considérée avec la différence notoire, qu’il n’agit pas par délégation du Ministre des Finances, chaque entité jouissant de l’Autonomie Administrative et Financière. Ainsi, le Commissaire aux Finances, comme tous les autres, jouit des mêmes prérogatives du Ministre, au niveau de l’entité régionale.

CP : Peut-on dire que les Chamaillerie d’antan entre les départements de Finances de l’Union et de l’Île sont derrière nous ? 

M.S.I : Dès l’investiture du chef de l’Etat et du Gouverneur (je peux vous informer que la démarche est initiée avant l’élection de ces deux personnalités) on a adopté une politique d’apaisement entre le Gouvernement Central et les entités régionales. Pour autant, on ne peut pas dire que tous les problèmes liés à la complexité de nos institutions  sont réglés. Toutefois des efforts sont déployés de part et d’autre pour trouver les solutions appropriées. Dans ce cas précis, la patience est de mise car On n’enraye pas dix ans de chamailleries d’un coup de plume. En outre, il y a toujours les nostalgiques qui aimeraient maintenir le pays dans cette gangrène pour leurs propres intérêts : Tout l’art du faible est de se faire passer pour plus fort et futé.

CP: Quel bilan ferriez-vous aux Wangazidja pour les deux années que vous venez de passer à la tête du Commissariat aux Finances ? 

M.S.I : Parler de son action est très délicat : on a souvent l’impression d’afficher une autosatisfaction : Il appartient donc aux « Wangazidja » de dresser un bilan et apprécier les deux années passées à la tête du Commissariat aux Finances. Pour ma part, je reviendrai sur le plan d’action annoncé lors de ma prise de fonction. Celui-ci peut se résumer en deux grands points essentiels :

a)    L’amélioration du niveau de recouvrement  des recettes propres :

L’Île a réalisé 74% de recettes propres. Ceci grâce à une sécurisation des dites recettes de la liquidation des impôts et taxes, au recouvrement et la mise en place d’une Commission mixte (DGI + Trésor) chargé du recouvrement des impôts directs, contre 28.4% au 31/12/2011 avec un Taux de  variation de 17%. Cette politique est élargie pour atteindre les taxes et frais administratifs  par la mise en place  d’un certain nombre de régies de recettes notamment au service des Mines, à l’Education, au Commerce  Intérieur qui ont permis d’améliorer les recettes.  

b)    La maitrise des dépenses:

C’est notre cheval de bataille à tous. Nous avons mis en place un dispositif de maîtrise des dépenses publiques afin de permettre à notre Île de faire face au plus grand défi : Les investissements. Cette politique  nous a permis de financer l’acquisition d’engins pour les Travaux Publics et démarrer la réhabilitation du patrimoine de l’Île. Je vous informe que l’Exécutif a mis en œuvre, pour la rentrée scolaire 2013-2014, une opération dite « un Cartable » pour chaque élève du primaire public. Cette opération coûtera à l’Île Cent Millions (100 000 000 FC) de Francs Comoriens provenant des recettes propres.

CP : Parlez-nous du budget de l’Île, sa préparation, son exécution et son contrôle et le rapport  que vous entretenez avec le Conseil de l’Île dans ce domaine ? 

M.S.I : Le budget de l’Île est, comme tout budget, composé de deux parties : Les recettes et les dépenses. En matière de recettes, il y a celles dites propres composées d’impôts et taxes rétrocédées par la loi de finances aux entités régionales et les recettes dites à partager. Celles-ci sont constituées la part des recettes de l’Etat attribuée à chaque Île et dont le taux pour Ngazidja, est de 27% du budget global déduction faite de la dette extérieure. Il existe toutefois, un léger problème puisque le budget de l’Etat est consolidé : les plafonds en recettes et en dépenses sont fixés par la loi des finances ce qui amène les entités à faire leurs prévisions dans la limite de l’enveloppe alloué. Donc, une fois ces plafonds attribués, on procède à la préparation suivant les règles universelles d’élaboration du budget avec les conférences et les arbitrages nécessaires. L’exécution et le contrôle répondent aux même règles que celles de l’Etat et cela, conformément aux dispositions de la Loi sur les Opérations Financières de l’Etat(LOFE). S’agissant de mes relations avec le Conseil de l’Île, je peux vous affirmer qu’elles sont très bonnes. Vous savez, c’est un exercice où la collaboration  et surtout  la concertation sont vraiment nécessaires.

CP : Quelles sont les taxes qui relèvent de votre compétence et quel est leur rendement depuis que vous êtes à la tête de ce Commissariat ?

M.S.I : Les taxes rétrocédées à l’Île sont au nombre  de dix (10) dont les revenus du domaine. Deux taxes sont nouvellement crées et concernent la consommation d’alcool et le tabac. Il existe également des droits et frais administratif qui relèvent des différentes régies de recettes dont les Préfectures ou encore le service des mines et la régie des examens. Le taux de rendement varie d’une taxe à une autre. La première de ces taxes est la patente d’exploitation qui représente à elle seule près de 40% des réalisations.

CP: Comment appréciez-vous l’action du Gouverneur Mouigni Baraka Saïd Soilihi après deux ans à la tête de l’Île de Ngazidja ?

M.S.I : Sur cette question, je voudrais rappeler que mon action ne diffère en aucune manière avec celle de Monsieur le Gouverneur. Comme argentier, je suis un de ses  principaux collaborateurs et de surcroit, le porte parole de l’Exécutif. Comprenez donc  que je ne puisse pas m’apprécier moi-même. Elu, le Gouverneur est notre chef à tous ; c’est là toute la différence : mais notre population, nos électeurs nous jugeront collectivement. Je souhaite très vivement, que le moment venu, le verdict populaire nous soit favorable.

CP: Comment sont les rapports entre le Gouvernorat et l’Union aujourd’hui et ceux de l’Île avec les autres Îles ? 

M.S.I : Je préfère parler de relations que de rapports parce qu’à ce dernier vocable, on a souvent tendance  à accoler soit un attribut le plus souvent négatif, soit la force. Ceci vaut quand on parle de rapports de force ou lorsqu’on dits des mauvais rapports. Or, dès l’entame de votre questionnaire, j’ai fait remarquer que les relations entre le gouvernement central et les Gouvernorats sont au beau fixe. C’est la volonté politique affichée dès la campagne électorale. En fait, on a tiré les leçons du passé et décidé que les rapports, pour reprendre votre terme, entre l’Union et les Îles deviennent  absolument normatifs. La volonté affichée est d’établir une relation de complémentarité et éradiquer les conflits inutiles. Mais ceci n’empêche pas les nostalgiques de la déstabilisation permanente de persister dans leur sale besogne de semeurs de troubles. S’agissant de Ngazidja avec ses Îles sœurs, c’est le même scénario. Il existe une entente quasi parfaite entre les Îles.

CP: Quelle est la véritable situation économique et financière du pays en ces temps de récession mondiale ?

M.S.I : Je m’occupe de la seule Île de Ngazidja et votre question devait être posée au gouvernement central. D’un autre côté, Ngazidja est la plateforme économique et sociale de notre pays et le point de départ de toute analyse macro-économique. Comme vous l’avez si bien dit, l’économie mondiale est en récession. Et les premiers à ressentir les effets d’une crise économique ou financière, sont les petits pays : le nôtre, de part son insularité, subit les conséquences du crash du Yéménia Airways qui a été suivi de la crise financière de Décembre 2009. Ensuite, nous ne disposons pas d’infrastructures capables de contourner l’insuffisance ou dirai-je l’absence d’une production nationale capable de répondre aux besoins courants de nos populations. Il convient donc d’organiser notre économie afin de réduire la dépendance vis-à-vis de l’extérieur.

CP: La cour constitutionnelle vient de valider les délégations spéciales mises en place par le Gouvernorat, comment savourez-vous ce succès juridique et politique ?

M .S.I : Lorsque le droit parle et rend la justice, il n’y a ni vainqueur ni vaincu, en tout cas pour moi. L’humanité toute entière et les comoriens en particuliers ont choisi de régler leurs différends par le droit. Je ne commente jamais une décision de justice, encore moins lorsqu’elle émane de la haute juridiction. Sur le plan politique, je ne parlerai de succès que lorsque ces délégations seront effectivement opérationnelles. Ce jour là, je ferai exploser ma joie.

CP: Concrètement en tant qu’argentier de l’Île, comment comptez-vous financer ces nouvelles entité locales, avec quelles dotations et à quelle hauteur ?

M.S.I : Il s’agit de l’organisation administrative et territoriale de l’Etat. Le mode de financement sera déterminé une fois les collectivités territoriales mises en place : je veux parler de la fiscalité locale. Pour le moment, l’unique voie demeure les subventions de l’Etat et des gouvernorats dans un système de péréquation, c’est-à-dire, suivant le volume de la population communale.

CP: Entant qu’ancien haut cadre des services de douanes, que pensez-vous de la gestion de la direction des douanes aujourd’hui et quelles ont été vos réalisations quand vous officiez aux douanes ?

M.S.I : Je crois que la Direction Générale des Douanes est dans la bonne voie, aidée par les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Une comparaison avec les dernières décennies sera irréelle : l’informatisation des Douanes a démarré en 2001 et plusieurs domaines étaient traités manuellement. Je rappellerai tout simplement qu’à la même  période (2001) j’ai eu l’honneur d’être à  la tête du centre de Moroni-Port comme Receveur, chef de Centre et j’ai réalisé(bien sur avec mon équipe) les plus importantes recettes de l’histoire des Douanes Comoriennes. Ce qui a permis au gouvernement, sous la conduite de l’actuel Directeur de Cabinet à la Présidence en charge de la défense, de payer un 13ème mois aux Fonctionnaires et agents de l’Etat. Ce qui m’a valu  et avec moi, les services des Douanes, les honneurs de l’Etat.

CP: En dehors du domaine politico-financier, vous avez un passé dans le sport, pourriez-vous nous montrez vos contributions dans le domaine ?

M.S.I : Quand on a été sportif, on le reste. Même après ma retraite, je continue à participer à des tournois réservés aux anciens. Ensuite, j’étais président d’honneur de DJabal Club lorsque ce dernier a remporté la coupe Gulf-Com avec  à la clé, un chèque de Trois Millions (3 000 000 FC) de nos francs. Ensuite, j’ai supervisé d’autres clubs, en l’occurrence RAFAL et Canon, touts les deux d’Iconi. Aujourd’hui, je reste un fervent supporter de Djabal Club et Djabal Baskett tout en sachant que je ne peux pas être présent au Stade sauf dans les grandes occasions.

CP: Vous êtes un enfant d’Iconi et l’on sait que cette ville a connu des événements douloureux ces dernier temps, que diriez-vous à la population de votre localité ?

M.S.I : C’est la seconde période noire de l’histoire récente de ma ville. Ces événements m’ont beaucoup affecté et en parler me fait encore plus mal. Le plus délicat dans ce genre d’affaire est lorsqu’on cherche un bouc émissaire et que l’on continue à s’accuser mutuellement. Je demande à toute la population et aux cadres en particulier, de se ressaisir et se réconcilier. Pardonner, savoir pardonner, c’est tout l’art de vivre en société. Nous avons tous le devoir d’apprendre à vivre ensemble et faire face aux défis qui sont les nôtres aujourd’hui : l’encadrement et l’éducation de notre jeunesse. Nous convergeons tous vers un même objectif : le développement de notre localité. Mais pour y parvenir, nous devons accepter de vivre ensemble, main dans la main. Nous devons surtout, être francs avec nous même et enterrer les petites mesquineries guidées par les intérêts égoïstes et morbides. Nous devons avoir un seul et unique souci, notre localité Iconi. La stabilité et l’harmonie dans de cette cité, est une grande faveur de la région de Bamabao. Une région qui a besoin de la contribution de nous tous.

CP : Monsieur le commissaire, merci.

M.S.I : Merci !

 

Propos recueillis par

Abdou Elwahab Msa bacar et SAID YASSINE Said Ahmed

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